L’ordonnance du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de surseoir à la décision d’arrêt de soins par l’équipe médicale du CHU de Reims après avoir mis en place une procédure collégiale telle que le prévoit la loi, inquiète les professionnels des soins palliatifs.
La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), juge cette décision « inédite et surprenante ». La SFAP « souhaiterait un éclaircissement sur le fond du Conseil d’État, car si la décision reste en l’état, elle modifiera profondément les pratiques médicales actuelles et conduira à une augmentation de l’acharnement thérapeutique pourtant refusé massivement par nos concitoyens », souligne l’association dans un communiqué.
Directives anticipées
Cette incompréhension est partagée par le député UMP Jean Leonetti auteur de la loi qui encadre actuellement la fin de vie. Selon lui, cette jurisprudence « pourrait aboutir, si elle restait en l’état, à maintenir par précaution l’acharnement thérapeutique dans les traitements de survie, en l’absence de directives anticipées ou de personne de confiance ».
Comme à la SFAP, il met l’accent sur l’absence, dans ce cas, de directives anticipées et de personne de confiance désignée. Cette absence « nuit à la sérénité d’une prise de décision d’arrêts des traitements de survie ». Pour le Dr Vincent Morel, président de la SFAP, il n’y aurait sans doute pas eu d’affaire Lambert si un tel document avait pu être signé. « Il est fondamental d’arriver à convaincre les Français », insiste-t-il. Aujourd’hui, seulement 2 % d’entre eux l’on fait. Le Dr Morel estime que la loi Leonetti, avec certains aménagements, est « suffisante » pour répondre à l’ensemble des situations de fin de vie.
Invitation à la prudence
Le Pr Emmanuel Hirsh, directeur de l’espace éthique appelle, lui, à la « prudence » et à une révision de la loi du 4 mars 2002 relatives aux droits des malades. Le débat portant « sur les caractéristiques mêmes d’un état pauci-relationnel en dit long des incertitudes qu’il importe de ne pas négliger en préservant une exigence de prudence ». Selon lui, l’arbitrage d’une décision comme celle prise par l’équipe du CHU de Reims « ne saurait relever de la seule procédure médicale formellement recevable ». D’autres enjeux conditionnent la recevabilité. Il convient sans doute de « tenir compte de valeurs d’humanité qui ajoutent à la complexité d’arbitrages redoutables, notamment dans le contexte d’incertitudes, d’ambivalences et d’approximations évoquées publiquement dans l’accompagnement de décisions qui touchent à l’existence de Vincent Lambert. C’est pourquoi peut-être, la justice garante de la personne a par deux fois affirmé une position contradictoire à celle arbitrée par des médecins du CHU de Reims », écrit-il. Et de conclure : « Plutôt que de déplorer ces jugements ou de dénoncer "une mauvaise loi" qu’il conviendrait d’adapter y compris aux circonstances ne relevant pas de la fin de vie, ne convient-il pas d’approfondir notre réflexion et de mieux comprendre nos responsabilités dans les circonstances qui nous interpellent aujourdhui ? »
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