Canicule : des effets sur la santé mieux cernés

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Publié le 03/12/2018
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Crédit photo : PHANIE

En 2003, les 70 000 morts recensés en Europe des suites de la canicule ont choqué les populations. Elles ont aussi donné un aperçu des conséquences d’une hausse des températures et des épisodes de canicule (1) sur la santé.

Selon le rapport annuel de The Lancet, intitulé « Compte à Rebours sur la santé et le changement climatique » et publié le 28 novembre, les problèmes de santé liés à la chaleur sont en augmentation partout dans le monde et touchent particulièrement les personnes âgées, les urbains et les patients déjà affaiblis par une maladie.

« En cas d’exposition prolongée à de fortes chaleurs, les mécanismes de régulation thermique peuvent ne plus fonctionner normalement et entraîner des hyperthermies, risque plus prégnant chez les enfants et les adultes, analyse Karine Laaidi, épidémiologiste et Chargée de projet Climat et Santé à Santé publique France. Si la personne ne boit pas assez, elle risque la déshydratation, si elle boit trop sans avoir une alimentation variée, elle peut souffrir d’hyponatrémie, deux pathologies plus fréquentes chez les personnes âgées. D’autres pathologies peuvent être aggravées ou décompensées en cas de fortes chaleurs, comme les pathologies cardiovasculaires, respiratoires et rénales, les troubles mentaux ».

Des risques aussi sur la santé mentale

Dans un article de novembre 2017 au titre évocateur « 27 manières dont la chaleur peut vous tuer » (3), des scientifiques américains ont identifié 5 mécanismes physiologiques déclenchés par une exposition à la chaleur (ischémie, cytotoxicité thermique, réponse inflammatoire, coagulation intravasculaire disséminée et rhabdomyolyse) et 7 organes vitaux pouvant subir un impact critique (cerveau, cœur, intestins, reins, foie, poumons et pancréas). Sur les 35 combinaisons possibles, ils ont mis au jour des preuves médicales pour « 27 voies différentes par lesquelles des mécanismes physiologiques déclenchés par la chaleur peuvent conduire à une défaillance d'organe et finalement à la mort » expliquent-ils.

On le sait moins, l’impact des vagues de chaleur pourrait également se manifester sur la santé mentale. À côté des traumatismes et des dépressions qui peuvent être associés à la peur de mourir ou de perdre un proche pendant ces épisodes, le Dr Guillaume Fond, psychiatre et chercheur à l’AP-HM, identifie des risques de troubles liés à la thermorégulation du corps. « Chacun peut le constater, plus il fait chaud, plus on est irritable et agressif. Un des mécanismes à l’œuvre passe par le sommeil : si la température de l’endroit où l’on dort devient trop élevée, le corps ne se repose pas de la même manière et reste agité. Le sommeil est alors moins réparateur ce qui entraîne de l’irritabilité et des troubles de la régulation émotionnelle » souligne-t-il.

Face à ces risques multiples, les réponses et les mesures adoptées, tel le plan Canicule de l’été dernier, n’apparaissent pas à la hauteur des enjeux. « L'absence de progrès en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de renforcement de la capacité d'adaptation menace les vies et les systèmes de santé et doit être résolue pour éviter toute perturbation de l'infrastructure de santé publique et la surcharge des services de santé » juge une des auteures de l’étude de The Lancet, le professeur Hilary Graham, de l'Université de York.

(1) La canicule, ou vague de chaleur, est définie comme un épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période d’au moins trois jours. 
(2) « Countdown on Health and Climate Change », The Lancet, 2018 
(3) Mora Camilo, et al., « Twenty-Seven Ways a Heat Can Kill You : Deadly Heat in the Era of Climate Change », Cardiovascular Quality and Outcomes. 2017. https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIRCOUTCOMES.117.004233

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin: 9707