Drs Harmoush et Mekdad : nouveau départ pour un couple de médecins syriens

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Publié le 30/01/2017
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Crédit photo : Denis Durand de Bousingen

Jusqu’au printemps 2011, le Dr Feras Mekdad et son épouse, le Dr Asia Harmoush, exerçaient ensemble la médecine générale dans leur cabinet privé à Dara, dans le Sud de la Syrie.

Leur clientèle était d’autant plus nombreuse que les Syriens qui le peuvent préfèrent la médecine privée, certes payante, à la médecine publique gratuite mais de piètre qualité. « Un jour, explique-t-il, des adolescents ont écrit des slogans hostiles au régime sur un mur : ils ont été emprisonnés et torturés, certains ont été tués et ces événements ont été le point de départ des révoltes et de la guerre. »

Depuis, leur maison a été bombardée par le régime, leurs deux voitures et leurs revenus confortables ne sont plus que des souvenirs. En 2014, les deux médecins ont finalement émigré en Allemagne avec leurs 5 enfants. Arrivée avec un visa de tourisme, la famille a séjourné quelques semaines dans un centre de réfugiés avant d’être relogée à Nienburg, à une cinquantaine de kilomètres de Hanovre. « La première année fut très dure, nous ne parlions pas un mot d’allemand », expliquent-ils dans un allemand désormais fort correct : avec le soutien de l’Ordre des médecins de Basse-Saxe, ils ont suivi des cours de langue intensifs pendant deux ans, tout en se formant à la découverte de l’organisation fort complexe du système de santé allemand. Leurs efforts commencent à porter leurs fruits : dans quelques semaines, estime l’Ordre, Mme Harmoush pourra présenter son examen de langue, ce qui lui permettra ensuite d’obtenir une autorisation d’exercice temporaire… avec un statut comparable à celui d’un interne en stage de médecine générale.

Si elle veut exercer totalement la médecine, elle devra par contre obtenir son approbation, une autorisation qui inclut de nombreuses épreuves médicales pratiques… le tout bien évidemment dans un allemand de très bon niveau. Son époux, lui, doit encore améliorer sa formation linguistique avant de pouvoir passer l’examen. Depuis leur arrivée, les deux médecins n’ont quasiment pas vu de malades, hormis lors de leurs stages d’ « hospitants » menés dans un hôpital de Hanovre : comme des étudiants, ils ont uniquement le droit de suivre les visites, sans toucher au moindre patient ni, bien entendu, au moindre instrument ou médicament.

Un couple exemplaire

Le dossier du Dr Harmoush a d’autant plus de chances d’avancer rapidement qu’elle peut se prévaloir d’une future place de « stage » chez une généraliste de Nienburg, avec laquelle elle pourra éventuellement, plus tard, s’associer à part entière. La motivation du couple est particulièrement appréciée par l’Ordre régional qui les décrit comme « exemplaires », d’autant qu’ ils sont prêts à rester dans une petite ville. En attendant, la vie n’est pas toujours rose pour les deux médecins, qui se félicitent par contre de voir les succès scolaires de leurs enfants, qui parlent déjà l’allemand aussi naturellement que les autres élèves de leurs classes.

Comme l’admet le Dr Mekdad, « c’est parfois très déprimant de rester sans faire pendant des mois » même s’il s’intègre bien dans la vie locale. Au-delà de la seule médecine, ajoute son épouse, la famille a trouvé ici des gens ouverts et une meilleure qualité de vie. « Surtout, nous pouvons parler et exprimer nos pensées, ce qui était impossible en Syrie, et nous n’avons pas besoin d’avoir peur chaque fois que nous croisons un policier », conclut-elle.

D. D. B

Source : Le Quotidien du médecin: 9551