Régénération du tissu cardiaque

Le poisson zèbre sort de l’eau

Publié le 04/06/2012
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C’est en 2002, aux États-Unis, qu’un groupe de chercheurs rapportait la capacité du tissu cardiaque du poisson zèbre à se régénérer. En effet, cet animal peut survivre à une amputation de 20 % du ventricule, lequel sera régénéré au bout d’un mois. La question était alors de savoir d’où venait le tissu cardiaque régénéré : de cellules souches progénitrices ? Ou d’une dédifférenciation et d’une prolifération des cardiomyocytes existants ? La deuxième hypothèse s’avéra la bonne. Une équipe internationale* a en effet montré que les cardiomyocytes d’un cœur amputé d’un fragment se "dédifférenciaient" en partie, pour revenir à un stade leur permettant de se multiplier pour régénérer le tissu manquant, tout ceci sans pour autant revenir au stade de cellules souches.

L’équipe de Chris Jopling, constituée en janvier 2012 à Montpellier, a pour mission de mettre en place les outils pour tester les différents gènes impliqués dans le processus de régénération du cœur du poisson, mais cette fois chez la souris, sur cœur ischémié, et de screener ainsi différentes molécules susceptibles d’activer ou d’inhiber certains de ces gènes

Il avait été précédemment démontré que les cardiomyocytes de souris et de mammifères ne prolifèrent pas naturellement mais qu’une prolifération légère pouvait être induite en inhibant un certain gène, celui codant la P38a MAPK. Cette enzyme a également été retrouvée chez le poisson, chez qui elle est naturellement inhibée.

Une des questions qui se pose aujourd’hui est de savoir pourquoi la régénération des cardiomyocytes est possible chez le poisson et pas chez le mammifère. L’une des théories développée par l’équipe de Chris Jopling impliquerait le niveau pression sanguine, très basse chez le poisson et bien plus élevée chez les mammifères. Chez le poisson, lors de la régénération, les cardiomyocytes qui se dédifférencient se détachent les uns des autres, perdent leur structure spécifique et prolifèrent ensuite harmonieusement. En revanche, chez les mammifères, la pression sanguine est telle que lors de la dédifférenciation, elle risquerait de rompre le tissu cardiaque, mettant ainsi la vie de l’animal en danger.

Une future application à l’homme impliquerait de mettre en place un système d’assistance ventriculaire pour diminuer la pression sanguine le temps que le tissu cardiaque se régénère. À suivre donc.

› Dr B. Martin

D’après un entretien avec Chris Jopling et Adèle Faucherre, INSERM, institut de génomique fonctionnelle de Montpellier

* Jopling et al. Zebrafish heart regeneration occurs by cardiomyocyte dedifferentiation and proliferation. Nature 2010 Mar 25;464(7288):606-9.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9135