Parasitose intestinale

Au retour d’un séjour en pays exotique, quand et quel bilan parasitologique réaliser ?

Publié le 12/09/2019
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En pratique, deux situations se rencontrent : enfant symptomatique, avec des signes d’appel le plus souvent digestifs, et enfant asymptomatique, primo-arrivant ou de retour d'expatriation notamment.
Même en l’absence de symptômes, un dépistage doit être systématique chez les primo-arrivants

Même en l’absence de symptômes, un dépistage doit être systématique chez les primo-arrivants
Crédit photo : Phanie

La diarrhée est le principal symptôme révélateur d'une parasitose intestinale au retour d'un voyage exotique. Elle est alors due essentiellement à des protozoaires. Elle peut être banale (liquidienne fécale), cas le plus fréquent. « Face à une diarrhée banale, aucun bilan n'est nécessaire en première intention », rappelle le Dr Patrick Imbert (centre de vaccinations internationales, hôpital d'instruction des armées Bégin, Saint-Mandé). « Une coproculture et un examen parasitologique des selles sont demandés si les symptômes persistent plus de 3 à 5 jours ».

Parmi les parasites identifiés dans ce type de diarrhée, Giardia intestinalis est au premier plan. Ce parasite est cosmopolite mais plus fréquent sous les tropiques pour des raisons de climat et d'hygiène, comme le sont les autres protozoaires à l'origine de diarrhées banales : Cryptosporidium parvum, plus rarement Cyclospora cayetanensis, responsable d'épidémies chez les touristes, microsporidies, ou encore Isospora belli. Méconnue, la giardiase peut entraîner une malabsorption intestinale.

En cas de diarrhée sanglante, outre la coproculture, il faut rechercher d'emblée une amibiase. Le parasite en cause, Entamoeba histolytica, est aujourd'hui mis en évidence par PCR, examen de référence très spécifique et sensible qui pallie les limites de la microscopie optique. Son traitement repose sur les nitro-imidazoles, dont le chef de file est le métronidazole.

Face à une diarrhée aqueuse afécale, un bilan parasitologique est d'emblée demandé, couplé à la coproculture. Les cryptosporidies sont les parasites les plus souvent en cause. Cryptosporidium parvum serait responsable de 10 à15 % des diarrhées sous les tropiques, et cet agent est la cause de 2 à 19 % des diarrhées survenant chez les enfants voyageurs. L'examen parasitologique des selles est nettement moins performant que la PCR et le traitement initial est symptomatique.

Un examen parasitologique des selles avec PCR et une coproculture sont également demandés en cas de diarrhée persistant plus de 15 jours, quelle qu'en ait été la présentation initiale. Les parasites à rechercher sont alors surtout Giardia intestinalis et E. histolytica.

D'autres manifestations cliniques feront évoquer une helminthose intestinale. Il peut s'agir de signes digestifs (constipation, douleurs abdominales, prurit anal, émission d'anneaux dans les selles, rarement d'ascaris dans les vomissements ou dans les selles…), ou extradigestifs : une anémie ferriprive oriente vers une ankyslotomose, des signes cutanés (urticaire, larva migrans) ou pulmonaires (dyspnée, toux) vers diverses helminthoses. L'interrogatoire trouve tout son intérêt pour mettre en évidence des comportements à risque spécifique (consommation de châtaignes d'eau, de poissons d'eau douce, baignades en eau douce…).

Un bilan parfois systématique

Même en l'absence de symptômes, un dépistage de parasitose digestive doit être systématique chez les primo-arrivants (enfant migrant, réfugié, adopté), chez lesquels la prévalence de ces infections peut atteindre 50 % (Giardia surtout, mais aussi nématodes et ténias sont les parasites les plus fréquents). Ils doivent bénéficier d'un traitement par métronidazole, albendazole éventuellement associé à du praziquantel, et par ivermectine en cas d'anguillulose.

Chez les enfants asymptomatiques revenant d'un séjour touristique ou d'une expatriation, aucun bilan n'est effectué systématiquement, mais il est orienté par une prise de risque, notamment en cas de baignade en eau douce (risque de bilharziose). Seuls les enfants dont le bilan est positif sont traités de façon ciblée. De même, la découverte fortuite d'une hyperéosinophilie sanguine fait soupçonner un voyage en milieu tropical, qui doit alors faire indiquer un bilan orienté en fonction des pays visités et des conduites à risque. En l'absence d'étiologie retrouvée, un traitement par albendazole (3 jours) et praziquantel (une dose unique) est de mise avant un contrôle de la numération formule sanguine à 3 mois.

« Enfin, avant tout traitement par corticoïdes ou immunosuppresseur, il est impératif de rechercher un voyage, même ancien, dans une zone à risque d'anguillulose afin de déparasiter l'enfant par ivermectine. Il serait sinon exposé au risque d'anguillulose maligne, maladie multisystémique rare, mais très bruyante et très sévère », conclut le Dr Imbert.

D’après un entretien avec le Dr Patrick Imbert, centre de vaccinations internationales, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, et CH Annecy-Genevois, Pringy.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin