La médecine libérale est morte si elle ne se ressaisit pas ! Les syndicats de médecins libéraux se doivent de défendre leur exercice et non les enfermer dans ce calcul de dupe désormais lisible à chaque ligne de tout avenant conventionnel.
Avant de commencer, précisons ce que pense un médecin de base des syndicats ? Lorsqu’on lit les interventions postées sur les médias (quotidiens, forum etc.), on a tout lieu de penser que le syndicalisme médical est perçu par la profession comme autant de groupuscules subordonnés à une signature pour toucher l’argent conventionnel et ainsi s’autofinancer, du président aux adhérents. Il apparaît, à tort ou à raison, que les présidents de syndicats semblent plus affairés à gagner le plus d’argent possible en puisant dans les fonds conventionnels et publicitaires lucratifs plutôt que de chercher à seulement compenser celui qu’ils perdent en s’occupant de l’avenir de leurs adhérents et des médecins. À cette impression, s’ajoute la volonté des présidents et de leurs CA de ne défendre que leurs intérêts catégoriels voire personnels.
Que font nos syndicats ?
En dehors de cette histoire de gros sous qui est une habitude assez franchouillarde et d’un certain corporatisme idéologique que l’on retrouve aussi chez nos élus politiques, c’est surtout l’absence de ligne politique favorable à l’exercice de la médecine libérale qui est en cause. Que font les syndicats face à l’action de l’assurance-maladie avec son budget contraint à ne pas dépasser voire à minorer pour des raisons politiques ? Les médecins de base se le demandent. La faible mobilisation lors des élections en témoigne.
Cette absence de ligne politique qui nous fait du tort repose sur le fait que les syndicats et les membres de leur CA oublient leur vocation première, celle d’être des médecins libéraux, libres en principe de toutes subventions, face à une administration qui veut tout contrôler en assujettissant les actes des médecins à des subventions justement et surtout en essayant d’en payer le minimum (le DIPA en est une preuve toute récente !)
Et surtout, ils ont perdu de vue que seul le secteur hospitalier avait une vocation médico-sociale et en aucun cas le secteur libéral. Or pour ceux qui l’auraient oublié, les médecins et soignants du service public n’ont jamais eu à payer leur outil de travail (locaux et matériels) et leur salaire et autres avantages comme les congés payés, maternité, RTT et repos de garde puisqu’ils sont payés par les impôts de tous, en tout cas de ceux qui en payent.
Contre toute attente – peut-être selon le principe que la nature a horreur du vide – les syndicats et les membres de leur CA se sont sentis investis, un peu comme des prophètes, de cette mission, non plus libérale mais médico-sociale, à l’image de celle remplie autrefois uniquement par le secteur hospitalier.
Une éthique santé-gauchiste s'est imposée
Elle s’est bizarrement imposée à eux comme étant de leur seule responsabilité, comme une exclusivité qui leur serait due, au nom d’une éthique santé-gauchiste dépassant la pensée d’Hippocrate. En pratique, cette mission médico-sociale est une simple conséquence de la décrépitude économique de la France après les nombreux chocs pétroliers dont elle ne s’est jamais remise, sans oublier l’arrivée d’une gauche au pouvoir et d’un ministre communiste à la Santé puis, à l’occasion, d’une droite faisant le jeu de la gauche aidée à chaque fois par des médecins, syndicalistes au demeurant. Le tout créant des millions de chômeurs, beaucoup de précarité et un accès aux soins compromis, surtout en médecine libérale pour toutes ces victimes.
Forts de cette réalité, leur mission médico-sociale est ainsi devenue, depuis plusieurs conventions, leur fer de lance qu’il leur faut absolument imposer aux médecins de base sans pour autant leur donner les moyens leur permettant de l’assumer, si ce n’est les miettes ridicules qu’ils acceptent de l’assurance-maladie, bienheureuse de ne leur jeter que celles-ci en pâture.
Pour en arriver là, les syndicats ont fait à tour de rôle et en toute connaissance de cause des propositions qui n’avaient plus rien de libérales, et étaient totalement en phase avec les idées et volontés de l’assurance-maladie. Il est remarquable de noter que toutes ces propositions faites par les syndicats, entichés de cette mission, ont toutes été acceptées par l’assurance maladie dans la mesure où elle pouvait leur faire subir des contraintes majeures dans l’unique but de brider les revenus des médecins. Pour preuve, encore en 2021, rajouter une VL supplémentaire aux 3 VL existantes en l’assortissant d’une contrainte trimestrielle assure bien une augmentation de nos revenus tout en les limitant. Les malades ne sont pas seulement très malades une fois par trimestre ! Le médecin de base devra s’en contenter et il devra bénir les syndicats d’avoir une calculette qui marche aussi bien…
Au final et jusqu’à présent, les médecins de base accomplissent leur mission médico-sociale à leurs dépens en acceptant des tarifs de consultation les plus bas d’Europe, qui ne compensent que très insuffisamment leurs dépenses engagées pour satisfaire les besoins de cette mission, même avec les compléments appelés forfaits. Ils sont obligés de mettre leur santé en péril en multipliant les actes au risque d’en mourir de fatigue, de dépression ou de cancer.
Sans oublier que le tarif des consultations, forfaits compris, ne tient aucunement compte des frais inhérents à l’outil de travail du médecin de base (location ou achat des murs, véhicule, matériels) ; et par comparaison de l’absence de congés payés, de l’absence de RTT et de repos de garde payés dont bénéficient les hospitaliers pour assurer cette mission. Il suffit d’apprécier ne serait-ce que la fiscalité des plus-values à court terme et à long terme pour comprendre que l’activité médico-sociale des médecins de base n’est absolument pas compensée ni surtout récompensée.
Et ce n’est pas la reconnaissance du congé maternité depuis peu qui change la donne. Une situation d’ailleurs jamais vue pour une profession médicale qui se dit libérale, sauf à devenir des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ou des salariés des établissements privés ! À quand le congé paternité ? Cette nouvelle mesure – si elle est intéressante pour les femmes et se rapporte à la féminisation de la profession – démontre que la médecine libérale dans ses 100 000 façons d’exercer n’est plus un métier libéral. Il ressemble désormais à un métier de dupe au profit d’une administration maltraitante qui n’a d'objectif que celui de satisfaire la population pour se faire élire et se goberger.
Pour la liberté d'honoraires
Il est donc plus que temps de remettre les pendules à l’heure et de redonner aux médecins libéraux ce qui les caractérise le plus c’est-à-dire la liberté. Mais quelle liberté ? Ce ne peut–être que la liberté d’honoraires. Et seulement sur les actes non médico-sociaux, histoire de satisfaire l’assurance maladie avec sa politique discriminatoire et stigmatisante.
Et pour tous les médecins qui font œuvre de médecine médico-sociale, par goût ou du fait de la pauvreté du bassin de vie dans lequel ils exercent, les avantages que cette activité, abandonnée par l’hôpital, sous-entend.
Par exemple : l’augmentation de l’acte de base C, une valeur européenne ; des réductions d’impôt pour tous les actes réalisés en tiers-payant qui concerneraient les citoyens déclarés économiquement faibles ou redevables des aides sociales, à indiquer sur le relevé SNIR ; sur chacun de ces actes médico-sociaux, une participation aux frais de location ou d’amortissement du local, du matériel, du véhicule, etc; des avantages en termes de retraite, de congés payés, de maternité, de RTT et de repos de garde à équivalence des médecins hospitaliers sur ces actes ; une aide pérenne et non limitée dans le temps pour augmenter le flux de patients consultés ; la redéfinition du calcul des plus-values à court et long-terme au prorata de l’activité libérale versus l’activité médico-sociale ; en finir avec ces CPTS sous contraintes qui dévaluent encore plus la valeur de l’acte médico-social pour contenter les responsables de l’assurance-maladie et rendre les CPTS aux médecins pour améliorer leur exercice afin qu’eux et leurs patients, et non une population d’électeurs, en profitent.
Il s’agit ni plus ni moins de remettre en ordre de marche cette médecine libérale. Nous devons travailler, en tapant du poing sur la table s’il le faut, à la reconnaissance financière du travail médico-social des médecins de base.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Revoir la durée des études de médecine
Réformer l’Internat et les hôpitaux