Nous avons appris, au décours de l’intervention de notre nouvelle ministre de la Santé lors du Congrès des Urgences de Paris (cf. « Premières annonces de Bourguignon pour les urgences », 8 juin 2022), les mesures censées permettre d’avoir des unités d’urgence opérationnelles. Cela laisse rêveur les professionnels de santé.
Mme Bourguignon souhaite attirer, comme les souris avec le fromage, les infirmières hospitalières avec une promesse d’une meilleure rémunération lorsqu’elles effectuent des heures supplémentaires. Parallèlement elle propose des conditions améliorées de cumul emploi retraite pour les soignants retraités qui veulent intervenir dans ces services, une manne très utile en période de vache maigre. Enfin, les nouvelles infirmières fraîchement diplômées pourront venir sur le terrain cet été, avant la remise de leur titre.
Et les libéraux dans tout ça ? Ils ne sont pas oubliés. La nouvelle ministre a missionné les ARS pour connaître leurs disponibilités durant la période estivale. Objectif : envoyer les patients non pris en charge dans leur zone géographique vers les libéraux disponibles pour les recevoir (principe du SAS). Ce dispositif est tout à fait louable, mais à aucun moment la ministre ne parle de rémunération supplémentaire, ni d’avantages pour les libéraux mobilisés à ce titre.
Il va falloir « bouger les lignes » et demander une participation plus importante des libéraux et IPA pour éviter l’engorgement des urgences, suggère-t-elle. En filigrane, elle explique qu’elle souhaite une majoration de la participation des libéraux en ce qui concerne la permanence des soins. Cependant, aucune revalorisation n’est actée pour cet effort concernant une contribution à un service public. Nous ne devons pas oublier que cette rétribution est la même… depuis plus de 10 ans !
Quel mépris à l’égard des libéraux ! Jamais la ministre n’a mis en avant leur implication énorme dans la gestion des urgences, ni leur importance au sein de la société. Pire, elle leur propose de travailler plus sans aucune compensation financière (uniquement réservée aux bons élèves du public…).
Mme Bourguignon n’a également pas du tout abordé le rôle ô combien fondamental des libéraux qui œuvrent dans les cliniques et gèrent de manière parfaite les urgences. C'est intolérable ! Sans cette participation du privé le système de santé serait déjà au fond du gouffre.
Que faut-il proposer pour les libéraux ?
Il existe bien entendu d’autres pistes face à une crise majeure à court terme des unités d’urgence. Ainsi, il serait justifié de mieux responsabiliser les patients qui pour une pathologie anodine consultent le week-end ou le soir afin d'obtenir un deuxième avis ou tout simplement du fait d’une meilleure disponibilité durant ces périodes. Il serait nécessaire de leur demander une participation financière qui, je le pense, serait très fortement dissuasive. Malheureusement, de telles actions sont impopulaires et peu électoralistes. Mais vaut-il mieux assister à l’agonie du système de santé plutôt que de satisfaire ses propres idéaux ?
L’autre solution est de reconnaître et valoriser sur tous les modes les efforts des libéraux qui prennent en charge près des 2/3 des patients. Il faut donner la possibilité aux médecins qui quittent la France de rester, en leur proposant des conditions de travail et de rémunération plus acceptables. Cette fuite des cerveaux s’est amplifiée du fait de l’écœurement de certains de ces professionnels qui ont travaillé durant leurs études comme des forçats pour assurer parfois 24 heures de garde avec une compensation financière ridicule.
Tout cela pour dire que pour régler la problématique des urgences, il est important d’aller sur le terrain et demander à tous les maillons (pas seulement à partir d’un rapport réalisé par un chef de service des urgences) impliqués dans la prise en charge des patients, de donner leur avis. Il est pathétique de voir que des énarques qui n’ont aucune idée des problématiques de terrain peuvent dessiner le futur d’un système de santé.
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