Il n’y a plus assez de médecins pour pourvoir les postes existants du fait que le temps de travail consacré par ces professionnels de santé est aujourd’hui bien moindre que dans les décennies précédentes. La conséquence de cette fausse pénurie, mais pénurie tout de même, c’est qu’un nombre sans cesse grandissant de patients n’ont plus de médecins traitants, ce qui finit par devenir insupportable.
Un temps impuissants devant le phénomène, nos pouvoirs publics ont commencé à réagir. Le cœur de leur action a un nom : la redistribution de pans entiers de la médecine libérale à d’autres professionnels de santé. En d’autres termes, le dépeçage en bonne et due forme de la profession.
Patients de France, il est temps que vous soyez informés de cette vaste et longue opération que les pouvoirs publics sont en train de mettre en place, mais n’ont pas jugé utile de vous expliquer, car c’est de votre médecine de demain dont il est question ! Confères médecins généralistes, voyez comme ils ont prévu de démanteler, patiemment mais sûrement, la structure de votre exercice… avec l’agrément de votre conseil de l'ordre et la bénédiction de vos syndicats.
Voici quelques unes des mesures qui sont sur le point de voir le jour. Les pharmaciens vaccineront désormais. Ils se sont fait la main avec le Covid. Ils ont même été très performants… Dans quelques mois, ils auront le feu vert pour une extension à tous les vaccins, toutes tranches d’âges confondues. Ils feront aussi davantage de conseil médical et seront bientôt autorisés à prescrire dans les pathologies courantes (cystites, angines, trachéites, bronchites).
Les infirmières (futures IDE en poste avancé, le projet est en gestation depuis 2018) surveilleront désormais les patients chroniques (HTA, diabétiques, pathologies cardio-vasculaires, patients suivis en oncologie, insuffisance rénale, psychiatrie, urgences ) et tous les trois mois renouvelleront leurs ordonnances.
Les sages-femmes assurent la surveillance de la grossesse. Elles font déjà office de gynéco. Contraception, prescription de substituts nicotiniques aux femmes et à leurs conjoints, dépistage et traitement des IST chez les femmes et leurs partenaires (loi du 26 avril 2021) font dorénavant partie du champ de leur activité. On vient, à l’instar des pharmaciens, de les autoriser à prescrire et injecter les vaccins.
Les psychologues bénéficient désormais du remboursement de leurs actes par la Sécu. Ils géreront ainsi une part de la pathologie anxiodépressive.
Les kinés finiront par devenir leurs propres prescripteurs et qui sais, peut-être les prescripteurs d’examens complémentaires. Nos patients ne nous diront plus : « mon kiné, mon ostéo m’a dit qu’il fallait que vous me fassiez une ordonnance pour une I.R.M. ! »
L'ère de la médecine virtuelle
Ajoutons à cela le poste peut être le plus emblématique du moment : le développement rapide de la télémédecine : début en 2014, grosse avancée en 2018 et 2019, puis 2020, 2021 durant le Covid. Bientôt les cabines dans les pharmacies, dans les lieux sous médicalisés ; peut-être dans les grandes surfaces où les patients pourront entrer en relation avec un professionnel de santé pour soigner les bobos du quotidien. Le praticien au téléphone et derrière son écran sera peut-être un médecin généraliste en exercice, peut être un confrère salarié d’une compagnie d’assurance ou d’une grosse mutuelle. Adieu sémiologie et examen clinique. L’ère de la virtualité a bien commencé. Jusqu’où ira-t-elle ? S’arrêtera-t-elle un jour ?
Avec tout cet arsenal de mesures en gestation, osera-t-on encore parler du médecin généraliste pilier du système de santé? Et surtout, question primordiale, quelle sera la qualité de cette nouvelle médecine gérée par une kyrielle de professionnels de santé ? Le patient y gagnera-t-il au change ? Du côté des décideurs, s’est-on seulement posé cette question essentielle ?
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Tutoyer ou vouvoyer les jeunes adultes ?
Revoir la durée des études de médecine