Depuis quelques années, certains signaux nous avaient montré que notre système de santé était en assez grande souffrance. Ainsi des difficultés de certains confrères travaillant dans les services d’urgence, collègues qui expliquaient les difficultés d’une prise en charge satisfaisante des patients de plus en plus nombreux car notre population vieillit.
En parallèle, et de manière régulière, les médias décrivent des situations délicates dans certaines villes où le nombre de praticiens très réduit oblige certains patients à faire des kilomètres pour recevoir des soins. Cette pénurie concerne toutes les spécialités, et contrairement à ce que nous pourrions penser, elle s’observe aussi bien dans les grandes villes que dans les campagnes.
En parallèle, la surcharge de travail de certains stakhanovistes en blouse blanche est à l’origine d’arrêts pour des raisons aussi bien physiques que psychiques. Être médecin devient difficile car il faut affronter la montée en puissance du nombre de consultations, mais il faut aussi arriver à canaliser les récriminations des patients qui sont devenus plus exigeants et qui ne respectent plus les professionnels de santé.
Bien entendu, en tant que professionnel de santé, cette situation est quelque peu embarrassante voire gênante car au-delà de notre fonction nous nous projetons dans le futur et nous voyons que nous n’aurons pas la même accessibilité aux soins que nos aînés.
Des solutions contre-productives
L’exécutif, quelque peu irrité par cette situation, régulièrement mise sur le tapis par les médias, tente de répondre, souvent à des fins électoralistes, à cette problématique. C’est ainsi qu’une ministre de la Santé a donné, il y a peu de temps, un budget aux directeurs des hôpitaux pour rénover les bâtiments des urgences. Il est vrai qu’il est important, compte tenu du passage au sein des services d’urgence, de donner régulièrement des coups de pinceaux pour rafraîchir les murs. Cependant cette prise en compte ne me semble pas être un facteur pouvant améliorer la prise en charge des patients.
Certains politiques pour montrer leur engagement auprès des citoyens ont décidé de salarier des médecins dans des zones rurales ou urbaines pour permettre à certaines campagnes et banlieues de ne pas être dépourvues de soins. Cette solution obtient la faveur de nombreux praticiens qui comprennent que cette solution leur permet de réduire leur temps de travail et donne plus de place aux loisirs et à leur famille.
Malheureusement cette alternative pour repeupler les déserts médicaux ne fait qu’aggraver la pénurie car nous ne devons pas oublier que les médecins des années 80 (ils vont partir bientôt à la retraite) travaillaient près de 70 heures par semaine. Aussi en donnant la possibilité à certains d’être salarié, on réduit d’autant plus l’accession aux soins.
Une autre solution avait été proposée par un député urgentiste, solution qui est appliquée depuis quelques années. Conscient de la surchauffe des services d’urgence, il a demandé, lors de l’arrivée aux urgences des patients ayant de la « bobologie », de les orienter vers un médecin de ville. De cette manière, le centre hospitalier reçoit 70 €, et le médecin qui est accaparé par cette consultation pas nécessairement opportune doit accepter avec générosité les 25 € d’une consultation classique.
Ce confrère a oublié que les patients qui consultent aux urgences ne sont pas des masochistes (il faut attendre quelques heures pour recevoir un avis dans ces services). En fait, ils arrivent souvent désemparés car leur médecin traitant est absent ou n’arrive pas à absorber le flux quotidien de patients.
Enfin, nous avons eu le clou dans la démagogie avec la rémunération proposée et actée par le directeur de CNAM pour les généralistes. Ainsi, la visite passe de 35 € à 70 € pour les patients de plus de 80 ans en ALD avec une jauge maximale annuelle de trois visites pour recevoir de tels émoluments.
Cette « fantastique » avancée dans le domaine de la revalorisation des médecins traitants est un réel mépris pour ces derniers à plusieurs titres : cette augmentation des visites est ridicule par rapport à celle donnée aux autres praticiens en Europe ; cela ne va pas faire bondir le BNC des médecins. Une telle proposition ridicule et contreproductive (cela ne va pas relancer le goût des médecins pour la visite) est cautionnée par certains syndicats qui sont aveugles ou veulent manger la soupe CNAM (elle doit être très riche).
Tout cela pour dire que notre système de santé est en réel danger, et que si le gouvernement n’écoute pas les revendications exprimées par la base, et ne se déplace par sur le terrain pour voir les problématiques actuelles des soignants, nous aller rapidement droit dans le mur. Pour avoir un système de santé de qualité il faut y mettre le prix, et surtout réduire les charges administratives qui absorbent de manière colossale le budget alloué dans ce domaine.
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