Courrier des lecteurs

La médecine a un coût, mais les politiques ne disent pas la vérité

Publié le 14/01/2022

« Nous comptions… mais nous comptions peu ou pas. » Il y a 30 ou 40 ans, nous comptions beaucoup pour les autres mais pas beaucoup pour nous-même. Nous trouvions normal de travailler 60 à 70 heures certaines semaines, samedi inclus, avec tours de garde avec les confrères. Nous étions passionnés, d’autant plus que les innovations techniques et pharmaceutiques se succédaient de façon fantastique et accélérée.

Travail de sape

Mais, dès cette époque, la SS commença son travail de sape systématique, « d’étrangleuse démagogique ». Elle n’accepta absolument pas la réalité (déjà) et que l’inflation alors élevée et les investissements pour une médecine raisonnablement moderne méritaient des ajustements justifiés et non déshonorants ! On comptait toujours sur nous, mais nous dûmes alors compter… malgré nous. Nous avons subi année après année un pitoyable spectacle où les politiques vantaient une médecine « qui ne coûtait (soi-disant) rien », car c’est électoralement très porteur, et des syndicats qui se sont parfois avilis pour une augmentation d’un pauvre franc de la consultation ou tolérer qu’une appendicectomie ne puisse plus payer des services élémentaires ni même le simple déplacement d’un plombier !

On y est encore… Ces mêmes politiques nous parlèrent de « post-Industriel » tout en laissant détruire nos usines, en n’obtenant finalement plus d’excédent budgétaire, creusant la dette nationale et de la SS en particulier. Vive le « Social » non financé ; et ce n’était que le début…. Le temps passa donc et à cours d’invention, pour se débarrasser de la patate chaude qu’est le budget de la SS, un idiot de fonction (dont je tairai le nom) imagina diminuer les dépenses en mettant en pré-retraite, payée par le contribuable, des médecins dont le nombre s’était accru, sans penser évidemment… diminuer les maladies ou les malades.

De fil en aiguille on déremboursa de-ci de-là, la SS ne fit aucun ménage chez elle et s’augmenta d’assujettis non cotisants, si fait qu’on créa une deuxième cotisation, oh certes modeste au début, embrayant derrière les entreprises qui souscrivirent des assurances complémentaires… On les rendit obligatoires… la belle affaire ! On pensa même, faire basculer sur elles encore plus de remboursements. Derrière de vraies mutuelles se sont alors engouffrées les grandes assurances dont on connaissait la philanthropie. Voyons donc le résultat actuel !

L'hôpital massacré, la médecine de ville méprisée

Le temps a donc passé et maintenant, rien ne va plus. Une insupportable fracture artificielle mais bien réelle, créée par l’État, est apparue cruellement et définitivement au grand jour. D’un côté, l’hôpital public a été massacré par une gestion « au rendement » dont le Covid s’est montré le grand révélateur. Il a provoqué une panique devant le nombre indigent de lits de réa. Cet État continue d’abuser de façon outrageante du dévouement (forçant le respect) d’un personnel prisonnier de son humanité, qu’il s’est escrimé à réduire ainsi que de nombreux lits. On oserait parler, car c’est très mode, d’un harcèlement d’État. Face à cela, la médecine de ville se trouve méprisée, ignorée, elle aussi sous-payée, contrainte de faire tous les jours le travail administratif de la SS et qui fait s’étonner toutes ces belles âmes quand les jeunes générations leur disent : « surtout pas cela ! Nous voulons autre chose que ce que vous faites subir à nos aînés. »

Sur cette remarquable réussite s’est invitée la révolution Informatique. Elle a digéré les connaissances médicales et superforme maintenant l’acquisition de résultats ou la précision dans la gestuelle robotique assistée. La création de banques de données, bien trop tardive chez nous et parfois concédées à des géants étrangers (!) va bousculer toutes les démarches médicales dans les années qui viennent. Cette même informatique vient parfois parasiter la consultation lorsqu’un malade voit le médecin pour lui confirmer le diagnostic qu’il s’est attribué après la maldigestion de « médecine en un clic » ou « wiquitruc-chose », ce qui peut venir s’ajouter à un incivisme croissant.

Pour finir ce panorama désolant, nous n’oublierons pas l’extraordinaire performance des vaccins actuels qui n’est qu’une facette de ce qui devient possible. En particulier la création de traitements génétiques individualisés mais de coûts exorbitants, inaccessibles aux remboursements sociaux.

Voilà qui montre combien la médecine a un coût. Tout le monde s’est mis à compter. Nous sommes donc en pleine révolution. La jeune génération refait les comptes, l’État ne sait toujours pas dire la vérité à la Nation et cherche la lune en économisant à tout va en tirant toujours plus sur la corde… qui est en train de casser. Quel gâchis, une vraie tristesse, mais l’Histoire nous dit toujours qu’il ne faut surtout pas désespérer… donc j’espère.

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Dr Patrick Leboulanger, Médecin généraliste, Neuilly-sur-Seine (92)

Source : Le Quotidien du médecin