Courrier des lecteurs

Main basse sur la biologie...

Publié le 28/01/2022

Suite à la lecture de nombreux articles concernant les économies dans le domaine de la santé et notamment, dans le contexte actuel, l'indispensable nécessité de restructurer l'hôpital public qui manque cruellement de moyens, il y a un domaine dans lequel une source d'économies potentielles est particulièrement importante : c'est celui des laboratoires d'analyses médicales privés. En effet ces derniers affichent des résultats indécents par rapport aux autres secteurs de la santé, dont notamment l'hôpital public.

Ces laboratoires réalisent des bénéfices tels que les fonds de pension se les arrachent à des prix exorbitants au détriment des jeunes biologistes qui n'ont plus les moyens de les acquérir. Ainsi les laboratoires privés d'analyses médicales échappent progressivement aux professionnels de santé qui se voient même parfois évincés de leur propre structure, l'objectif des investisseurs étant de se débarrasser des salaires trop élevés afin d'améliorer encore leur rentabilité.

Concernant cette dernière, il faut savoir que la plupart des laboratoires ont des excédents bruts d'exploitation (EBE) autour de 20 %, même après rémunération des biologistes. De tels résultats attirent forcément des fonds, bien souvent étrangers, qui se revendent entre eux leur investissement tous les cinq ans environ en multipliant par 3 leur mise de départ. Tout cela financé par l'assurance maladie ! Certes, par le passé, les laboratoires privés ont toujours été rentables mais les investisseurs ont tellement restructuré la profession et surtout contourné la réglementation que ces derniers deviennent inaccessibles aux jeunes.

Une baisse drastique de la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) serait salutaire afin de décourager les investisseurs indésirables. Certes une baisse régulière de la NABM est appliquée mais elle est nettement insuffisante car les laboratoires ont une telle capacité de restructuration que chaque baisse est rapidement compensée, notamment par des regroupements et une multiplication des sites de prélèvements qui sont devenus de simples boîtes à lettres car tous les prélèvements sont rapatriés sur un seul plateau technique avec des automates de plus en plus importants. Ces sites de prélèvements n'ayant, la plupart du temps, aucun biologiste sur place, ce qui est contraire à la réglementation, mais ne contrarie en aucune façon les investisseurs car ils font l'économie de leur salaire !

Dans le même ordre d'idée, une réforme totale de la réglementation concernant la détention du capital de ces sociétés serait nécessaire afin d'interdire ou tout au moins limiter les personnes extérieures à la profession. Il est incompréhensible que la tutelle qui est parfaitement au courant de cette situation et se plaint d'un manque de financement dans tous les domaines de la santé laisse les fonds d'investissement faire main basse sur une profession médicale !

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Dr Jean-Claude Herbaut, Médecin biologiste, Lille (59)

Source : Le Quotidien du médecin