Courrier des lecteurs

OPTAM, une option à combattre devant le TGI

Publié le 21/01/2022

L’assurance-maladie s’est fait le champion de l’accessibilité aux soins pour tous. Pour y parvenir, elle a engagé une bataille sans merci contre les médecins à honoraires libres. Ne pouvant pas mettre à feu et à sang l’hôpital public et la méritocratie hospitalière favorables au secteur 2, elle s’est retournée contre les médecins libéraux secteur 2 dans l’objectif de tordre le cou à ce secteur (...)

Pour mener cette guerre idéologique, l’assurance-maladie a adopté le CAS (contrat d’accès aux soins). Après avoir constaté son inefficacité, elle a créé, en 2016, l’OPTAM. Pour ce faire et leur interdire l’accès aux forfaits, elle a supprimé l’appellation « conventionné à honoraires libres » en médecins à honoraires « différents ». Exit le mot conventionné, synonyme de forfaits à l’activité… Grâce à cette amputation sémantique, la nouvelle politique de soumission des médecins par les forfaits pouvait, en toute continuité, se « re » « mettre en marche ».(...)

Une véritable discrimination

La bien-pensance dira que ce n’est que justice puisque les médecins secteur 2 ont droit à des honoraires libres, sauf que ceux-ci leur ont été accordés sous Raymond Barre en échange du paiement par eux-mêmes de leurs charges URSSAF et d’ASV-retraite alors que ces dites charges sont payées par l’assurance-maladie pour tous les médecins secteur 1.

Plus grave, en supprimant le mot « conventionné », l’assurance-maladie a inscrit une discrimination vis-à-vis des assurés. En effet, le remboursement des actes est désormais lié au secteur d’exercice du médecin qu’ils consultent. Une façon de stigmatiser les médecins secteur 2. Ainsi, depuis la convention de 2016, date de l’entrée en vigueur de l’OPTAM, l’augmentation de 2 euros des médecins secteur 1 est financée en grande partie par la diminution du remboursement des médecins restés de purs secteur 2. Une différence de remboursement qui varie entre moins 2 à moins 37 euros, touchant les malades les plus graves et les plus précaires. Un paradoxe incongru…

En pratique, l’OPTAM offre plusieurs « dé-s-avantages ». En échange d’une baisse des honoraires libres et d’un taux d’actes aux tarifs opposables suffisants, il donne d’une part la possibilité de prétendre aux forfaits conventionnels, pierre angulaire d’un système qui permet de maintenir les médecins à un niveau d’honoraires les plus bas d’Europe, et d’autre part d’appliquer une meilleure tarification des actes réservée désormais aux seuls secteurs 1. Le fameux 25 versus 23 voire jusqu’au 60 versus 23 !

Il offre aussi une prime dont le ridicule est inversement proportionnel aux honoraires libres perdus. L’addition des deux, forfaits et prime, a plus de chance de créer une moins-value chez les médecins à forts dépassements qu’une compensation voire une plus-value. Cette égalité ou cette plus-value liée aux forfaits est plutôt l’apanage des médecins à faible dépassement d’honoraires dont les clientèles sont pléthoriques car anciennes. Ce qui n’est pas le cas des jeunes médecins.

Ce qui explique l’engouement pour l’OPTAM des médecins généralistes secteur 2, tous installés avant la fermeture du secteur 2 pour les généralistes. Un engouement d’autant plus raisonné par le fait qu’ils avaient tout à perdre à renoncer aux forfaits puisqu’ils ne dépassaient pas tant que cela les tarifs opposables. L'OPTAM permettait surtout, cerise sur le gâteau, d’améliorer le remboursement de leurs patients, preuve flagrante de cette discrimination.

On reconnaît là toute la perversité des responsables de l’assurance-maladie. Déjà en 2012, ils n’ont eu de cesse de vilipender les médecins secteur 2 avec une politique qui repose sur « l’obligation faite aux mutuelles » de ne plus rembourser les dépassements, tout d’abord des séniors, puis à partir de 2017 de tous les patients qui consulteraient en secteur 2. Une politique qui s’est retournée finalement contre l’hôpital public, incapable de prendre en charge tous ces patients. En effet, les médecins signataires de l’OPTAM n’ont aucun intérêt à prendre plus de patients aux tarifs opposables voire plus de patients tout court.

Démonstration des errances de l'assurance maladie

Au contrat OPTAM et à ses conditions déjà décrites s’ajoutent d’autres anomalies comme le non respect de ses termes écrits noir sur blanc. Et, à ce marché de dupes, l’assurance-maladie ajoute encore la menace de sanctions en cas de non respect par le médecin des objectifs exigés.

J’invite donc tous les médecins se proposant de signer l’OPTAM à bien réfléchir. L’intérêt de ce contrat n’a rien de certain. Et pour ceux qui l’ont signé d’en discuter les termes devant la justice. Une saisine du TGI est en cours depuis 2017. L’assurance-maladie a cherché à en retarder la procédure. Il semblerait qu’elle donne du fil à retordre au juge puisque son jugement attendu au mois d’octobre a été repoussé au 20 décembre. Espérons qu’il mettra enfin un terme aux méthodes peu glorieuses de l’assurance-maladie.

Sur les obligations contractuelles du médecin OPTAM : elles sont toutes remplies. Le médecin secteur « X » OPTAM diminue ses honoraires libres et augmente ses actes au tarif opposable.

Sur les obligations contractuelles de l’assurance maladie : ce n’est pas le cas. L'assurance-maladie se refuse ainsi à donner mois par mois, malgré une télétransmission à plus de 95 % des actes, le seuil atteint par les médecins signataires. Le flou de plusieurs mois ainsi orchestré est forcément préjudiciable aux médecins puisque dans le cas où ils dépasseraient les 105 % du seuil, ils se verraient radiés. Il le devient par ricochet pour les patients. De plus, il est désormais impossible de remonter dans le temps le seuil déjà calculé, l’assurance maladie effaçant les données. Il est donc impossible à un médecin d’adapter sa pratique tarifaire et de contester les chiffres devant le tribunal. À moins de faire des captures d’écran chaque mois. Un conseil à suivre sans limitation. L’assurance maladie ne peut prétexter qu’elle doit attendre la gestion des feuilles papiers qui demandent plus de deux mois du fait de l’incurie de ses services pour justifier le retard de 4 mois. Celles-ci sont très rares désormais.

De plus, l'assurance-maladie inclut dans le calcul de seuil le DE, ou dépassement exigence de temps et de lieu. Autre mesure qui défavorise les médecins ayant signé l’OPTAM puisque leurs DE comptent comme des honoraires libres et non comme des honoraires conventionnels, ce qui n’est pas le cas pour les secteur 1 ou 2 non signataires de l’OPTAM. Le DE ou Dépassement du médecin pour Exigence du patient, est pourtant un acte conventionnel. Il est inscrit dans le marbre de la première convention médicale. Ce n’est pas une exigence du médecin mais du patient. Il concerne tous les actes, même pour les CMU, ACS et AME. Il ne s’agit pas d’un dépassement exceptionnel comme voudrait le faire croire désormais l’assurance maladie. Le DE est une amende par délégation infligée aux patients exigeants. Il sert à préserver l’assurance-maladie de dépenses de santé inutiles. Il ne peut donc pas être inclus dans le calcul de seuil comme l’est un dépassement d’honoraires au titre de l’OPTAM (...)

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Exergue : L'assurance-maladie a engagé une bataille sans merci contre les médecins à honoraires libres

Dr Ghislain Haicault de la Regontais, Gériatre, Paris

Source : Le Quotidien du médecin