Le cours de l’histoire tient souvent à peu de choses. Mais, ce qui est certain, c’est qu’emprunter un chemin prive inévitablement et à tout jamais de savoir ce qui se serait passé dans un autre. Ce petit texte n’est qu’un scénario imaginaire parmi d’autres possibles. Retour en mars 2020 sur une allocution gouvernementale (fictive) où il est question de tenter l’arrêt de l’épidémie et pas seulement de la freiner.
« Les autorités sanitaires nous ont alertés ; une pandémie nous arrive. C’est une situation exceptionnelle et inédite. Elle va nous contraindre à prendre des mesures collectives dans un délai court. L’objectif de mon intervention aujourd’hui est de porter à votre connaissance les quelques points essentiels qui vous permettront d’avoir une bonne compréhension de la situation afin de trouver la solution la plus adaptée et surtout la plus efficace.
Voici ce que nous savons de cette nouvelle maladie qui s’étend dans tous les pays. C’est une affection virale. Un peu comme une grippe. Le virus est nouveau mais il y a des similitudes d’action avec toutes les maladies virales. Celui-ci s’introduit dans un organisme.
Il y a d’abord une phase d’incubation de quelques jours pendant laquelle il s’y développe. Puis vient la phase où les symptômes apparaissent (fièvre, courbatures, etc.), parfois il n’y a pas de symptômes. C’est la phase de contagiosité. Elle dure 10 jours environ. Le danger de la maladie se situe ici, durant cette période courte pendant laquelle un sujet contaminé peut transmettre la maladie à d’autres personnes qu’il côtoie.
C’est cette réaction en chaîne qui conduit à l’installation de l’épidémie. Puis, si la propagation s’étend à tous les pays, c’est la pandémie. C’est ce qui se passe actuellement.
Cette maladie peut être grave et conduire les patients en réanimation. Notre crainte se situe à ce niveau. Si l’épidémie prend de l’importance, les lits de réanimation seront vite saturés.
Mais, ceci est très important : si à partir d’un jour donné - début de l’incubation - et jusqu’à la fin de la période de contagiosité, il n’y a plus de nouvelles contaminations, on peut espérer la fin de l’épidémie.
Comment se passe la contamination de personnes à personne ? C’est une maladie à transmission aérienne. Cela veut dire que le virus sort de la bouche et du nez du sujet contaminé par les micros gouttelettes que nous produisons lorsque nous parlons ou éternuons. C’est ce qui se passe dans la vie courante sur notre lieu de travail, dans les transports, dans les lieux de loisir comme les salles de cinémas, les salles de sport, mais aussi en famille… Il découle de ce mode de contamination que les sujets contaminés et les sujets sains doivent, cela va de soi, porter un masque.
Deux objectifs essentiels
La mesure que nous allons être contraints de prendre : le confinement a deux objectifs. Vous protéger, d’abord, mais aussi et surtout stopper la propagation du virus. En effet, si nous agissons dès aujourd’hui, nous éviterons le risque de rester à nous débattre pendant des mois et peut-être des années avec ce virus. Le mot « confinement » est sans doute nouveau pour vous. En quoi consiste-t-il ? Le principe est simple : chacun reste chez soi. L’objectif est d’éviter les contacts interhumains. Ceci implique l’arrêt de toutes nos activités professionnelles et de loisir durant un temps limité qui se comptera en semaines. En famille, vous devrez également faire preuve de prudence. Néanmoins, vous pourrez sortir pour faire vos courses dans vos magasins d’alimentation habituelle où vous devrez être prudents et vous protéger. Ce seront les seules enseignes qui resteront ouvertes.
Cette mesure est exceptionnelle mais extrêmement lourde tant sur le plan économique qu’humain. C’est en conséquence une mesure qui ne se prend pas à la légère et que nous devons préparer avec soin. Elle sera coûteuse pour le pays, donc pour chacun d’entre nous. C’est aussi une mesure que vous pourrez trouver contraignante, puisque vous ne pourrez plus vaquer à vos occupations habituelles. C’est la raison pour laquelle j’attire toute votre attention sur le fait que nous allons tout faire pour qu’elle soit la plus courte et surtout la plus efficace possible.
Vous l’avez compris, de la qualité de ce confinement dépendra notre réussite ou notre échec face à ce virus. Par sécurité, nous ferons durer cette période 30 jours, c’est-à-dire le double de la période d’incubation et de contagiosité réunies. Ainsi, si ce confinement est bien suivi, nous pouvons espérer non pas freiner mais stopper l’épidémie. C’est donc un message d’espoir que je vous communique aujourd’hui.
Je voulais insister sur un autre point absolument essentiel. Un confinement sans masque serait une absolue ineptie. Et l’outil numéro un pour cette maladie à transmission aérienne est le masque pour chacun d’entre nous. Faire un confinement sans masques serait aussi insensé que d’envoyer un régiment de militaires au combat sans armes. Or, à l’heure où je vous parle, nous n’avons pas de masques en stock.
Ce que je vais vous demander maintenant est insolite mais tout à fait réalisable. Je vais vous demander à chacun d’entre vous, de vous en fabriquer. Ce seront des masques artisanaux. Peu importe. Nous vous donnerons des instructions à ce sujet. Si vous y ajoutez quelques mesures de précaution comme la distanciation et le lavage des mains, ces masques artisanaux seront amplement suffisants. L’essentiel sera d'en porter dès que vous sortirez de votre domicile et serez susceptibles de rencontrer d’autres personnes. Vous aurez 15 jours pour vous préparer.
Deux étapes indispensables
Voici comment j’envisage les choses. Il y aura deux étapes. La première : nous nous donnons 15 jours avant le jour J du début du confinement. Dans cette attente, contentez-vous d’être prudent et de garder vos distances, de vous laver souvent les mains. Si vous avez d’anciens masques chez vous, mettez-les. Durant cette période, fabriquez-vous quelques masques et lisez bien nos recommandations. Ainsi, vous vous préparerez à faire le meilleur confinement que vous serez en mesure de faire.
De mon côté, je vais contacter mes homologues : il s’agit d’une pandémie. Il est important, vous le comprendrez bien, que l’action que nous allons mener soit similaire dans tous les pays. Je vais m’y atteler avec assiduité. Je vais également me rapprocher de l’OMS. Il n’est pas certain que nous obtenions l’adhésion de tous les pays en même temps - la politique est parfois compliquée - mais je ferai tout pour obtenir ce résultat.
La seconde étape sera celle du confinement. Elle durera 30 jours. Ensuite nous aviserons. Si nous avons bien respecté les règles, un seul confinement sera peut-être suffisant. Si ce n’est pas le cas, nous mettrons en place un deuxième et peut-être un troisième confinement sur des périodes plus courtes.
Je compte sur chacun d’entre vous. De votre prise de conscience de la gravité de cette situation et de votre comportement durant ces semaines cruciales dépendra notre réussite à tous. Bonne chance ».
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