Lettre ouverte à l'ARS de Normandie
Je viens vous demander dans ce courriel de m’expliquer comment sont appliquées vos recommandations, et la nature de celles que vous donnez aux EHPAD concernant les mesures sanitaires liées à la pandémie Covid. Je viens aussi vous faire part de mon indignation et de ma colère devant les mesures d’enfermement prises (à nouveau) depuis quelques jours. Je vous précise que j’ai longuement expliqué à un médecin de chez vous, ce vendredi au téléphone, les raisons pour lesquelles je suis scandalisé par les mesures d’enfermement prises à l’encontre de ma mère à l’EHPAD de la Boiseraie à Bois-Guillaume, depuis qu’un membre du personnel a été testé positif au Covid le samedi 3 avril (...)
Ma mère a eu 100 ans le 07/06/2020 dans cet EHPAD où elle séjourne depuis près de 7 ans et qui dispense des services d’hôtellerie d’un excellent niveau. Tout a commencé à « se gâter » depuis le début de l’épidémie en mars 2020, avec emprisonnement des pensionnaires. La méconnaissance de cette nouvelle épidémie permettait d’expliquer la sévérité et la rapidité des mesures prises.
Les problèmes ont commencé de façon beaucoup plus aiguë en avril puis mai, lors du premier déconfinement, qui a vu le maintien de l’enfermement des résidents et de l’interdiction des visites. Comme beaucoup d’autres enfants de résidents, comme beaucoup de médecins aussi, je me suis insurgé contre la rigueur et même la brutalité psychologique des interdictions de relations familiales pour tous les résidents
Syndrome de glissement
Après de nombreuses tentatives demandant la reprise de visites et la totale surdité de la direction de l’EHPAD à mes demandes, après avoir expliqué que la santé n’est pas que somatique, mais aussi psychologique, émotionnelle, relationnelle, affective, surtout dans cette tranche d’âge, et que nous observions une rapide dégradation du moral de notre mère, que nous commencions à observer un « syndrome de glissement », j’ai mobilisé les médias, et, miracle, nous avons pu fêter, de façon très sobre et respectueuse de tous les gestes barrière, pendant une heure, les cent ans de ma mère !
J’ai pointé le fait que ma mère, comme tous les vieillards des EHPAD, courait beaucoup plus de risques psychologiques et émotionnels, qu’un risque éventuel de contamination. Lorsqu’une personne atteint le « quatrième âge » , les jours, les semaines, et même les heures et les minutes ne comptent pas de la même façon que pour les personnes plus jeunes : tout instant perdu sans contact avec leurs êtres chers, alors qu’ils ont pleinement conscience de se rapprocher de leur mort, prend une importance considérable.
Le déconfinement se poursuivant, et les vaccins arrivant (miracle de la science !), la vie était redevenue presque normale à l’automne, puis au début de cet hiver.
Obligation vaccinale ?
Un nouveau scandale est arrivé : le refus de se faire vacciner de membres du personnel de l’EHPAD. Il se trouve que, élu au « Conseil de Vie Sociale » de l’établissement, j’ai pu, à ce titre, donner mon avis sur l’obligation (que je demandais) vaccinale pour tout le personnel . À mon sens, la responsabilité des établissements est engagée par rapport à cette absence de vaccination, et à ses conséquences.
Ma mère étant vaccinée, est devenue protégée (après le délai d’immunisation) contre le Covid, et quasiment « non-transmetteuse » du virus en cas de contact avec celui-ci. Bien entendu, et à juste titre, l’EHPAD a maintenu ses contrôles stricts de respect des mesures-barrières et d’hygiène pour les visiteurs pénétrant dans l’EHPAD. Puis ce samedi 3 avril, l’EHPAD constate un cas de test-Covid positif chez une personne du personnel, et décide d’interdire à nouveau les visites à l’étage de ma mère ; puis ma mère, tout en restant (à ce jour) totalement asymptomatique, est testée positive, et isolée dix jours supplémentaires. L’EHPAD fait savoir que les visites ne reprendront que lorsque tous les tests (personnel et résidents) seront négatifs !
Les repas sont pris en solitaire dans la chambre ; l’isolement sensoriel est donc total ! C’est scandaleux, inhumain, et concernant les personnes vaccinées aberrant et imbécile sur le plan sanitaire. Il y a une probabilité élevée que ce nouveau confinement/emprisonnement de ma mère, comme de tous les résidents concernés, va entraîner une souffrance psychologique importante ; et à moyen terme, un risque majeur de dégradation de la santé somatique. Je constate, une fois encore, que les préoccupations humaines, humanitaires, éthiques, à supposer qu’elles existent, passent bien après l’objectif évident de tous ces bureaucrates ; le fameux « principe de précaution » ne sert pas (plus) à protéger le citoyen, mais est détourné par le gestionnaire administratif pour se protéger. Les familles s’insurgent, scandalisées et très tristes de l’enfermement de leur parent, par l’interdiction de visites, par la non-vaccination de membres du personnel…
La direction de l’EHPAD (et son médecin coordonnateur) n’ont rien voulu entendre, se cachant derrière l’allégation des « recommandations de l’ARS ». C’est d’autant plus scandaleux que les vaccins protègent, et que les mesures-barrière continuent d’être appliquées par les visiteurs (concernant le personnel, je ne sais pas). Je vous demande donc de me donner votre avis. Peut-être allez-vous donner des recommandations n’entraînant plus une telle punition et torture morale pour les résidents et leurs familles ?
Vous souhaitez vous aussi commenter l’actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
Exergue : Les repas sont pris en solitaire dans la chambre ; l’isolement sensoriel est donc total !
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Revoir la durée des études de médecine
Réformer l’Internat et les hôpitaux