"Elle a besoin d‘un anti histaminique !” Une jeune femme discute au téléphone à mon arrivée au Grand Piton. Craignant les piqûres des guêpes, nombreuses cette année, j'en ai mis dans mon sac à dos. “Super, je vous passe la main, je suis médecin mais travaille pour la recherche et ne suis plus très à l’aise sur le terrain.” Je m’approche d’une jeune femme pâle allongée sur un rocher : “Je suis médecin généraliste, j’ai un anti histaminique.” Celle-ci se redresse immédiatement et retrouve des couleurs et le sourire. “Je me suis fait piquer par un taon ; je crois que ma paupière gonfle. J’ai tendance à faire des œdèmes à droite, à gauche quand je suis piquée.” “Avez-vous déjà fait des réactions allergiques graves ?” “Non et je n’ai pas de problèmes de santé” “J'ai un peu de Solupred aussi. Tenez, voici 40 mg orodispersible ; ça devrait suffire à éviter tout gonflement.” La jeune femme est maintenant complètement rassurée. “Demandez à votre médecin de vous en prescrire. Ça vous évitera le stress qui a déclenché votre malaise.”
Il me faudra plus de temps pour convaincre la jeune collègue du SAMU 74 de ne pas envoyer l’hélicoptère au Grand Piton. Sans doute a-t-elle eu la même formation que moi, 6 mois avant l'épidémie de Covid, par un urgentiste de ma région : “Tout accident allergique doit être conduit aux urgences pour surveillance”. Je lui avais demandé s’il ne craignait pas de burn-outer son service alors que les urgences d’un hôpital voisin étaient déjà à l’agonie. Il avait répondu que c'était un message pour les professionnels uniquement qui prenaient trop de risques.
J’ai donc pris ce risque au sommet du mont Salève. J’ai croisé la jeune femme avec ses amis sur une piste de randonnée une demi-heure plus tard, ravie de poursuivre sa journée, grâce à mon intervention. Il faudra du temps pour oublier les années de pléthore médicale où la médicalisation des angoisses faisait tourner les cabinets médicaux tout en les aggravant. Il faudra encore plus de temps pour oublier les réflexes que la tarification à l’activité (T2A) a généré du côté des hospitaliers, anxieux pour leur budget, sous la pression constante des financiers. Je rêve d’un monde plus serein, d’une médecine plus à l’écoute des réels besoins des patients. Aurons-nous ce courage ?
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Exergue : Je rêve d’un monde plus serein, d’une médecine plus à l’écoute des réels besoins des patients.
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