Effets de l’evolocumab sur les évènements cardio-vasculaires en prévention secondaire Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC et al. for the Fourier Steering Committee and Investigators. Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med.
CONTEXTE
La protéine convertase substilisine/kexine de type 9 – ou PCSK9 – est une enzyme dont la quantité et la fonction sont polygéniquement déterminées. Elle se fixe sur le récepteur LDL des hépatocytes, bloque son absorption, et donc son élimination par voie digestive, ce qui a pour conséquence de l’orienter vers le secteur vasculaire. À titre d’exemple, les patients atteints d’hypercholestérolémie familiale ont des taux (parfois très) élevés de PCSK9.
► Les inhibiteurs de cette protéine (iPCSK9) sont des anticorps monoclonaux (mab) qui se lient à la protéine pour l’empêcher de se fixer sur le récepteur hépatocytaire, ce qui restaure l’absorption digestive. Les performances biologiques des iPCSK9 sont impressionnantes avec une réduction du LDL-c comprise entre 50 et 60 % en association aux statines.
► Deux iPCSK9 (evolocumab et alirocumab) disposent d’une AMM européenne dans diverses indications biologiques d’hypercholestérolémies. Cependant, ils ne sont pas disponibles en France car, en l’absence de preuves de leur l’efficacité sur les évènements cardio-vasculaires, la commission de la transparence leur a accordé un SMR insuffisant (1,2). La HAS les restreint aux patients adultes atteints d'une hypercholestérolémie héréditaire homozygote (HFHo) non contrôlée.
► Fourier est le premier essai ayant évalué l’efficacité et la tolérance cliniques de l’evolocumab associé à une statine chez des patients en prévention secondaire.
MÉTHODE
► Essai randomisé comparatif multicentrique en double insu versus placebo. Les patients éligibles devaient avoir un antécédent clinique documenté de maladie athérosclérotique (infarctus, AVC, artérite) et un LDL-c ≥ 0,70 g/l sous statine à la posologie minimum de 20 mg d’atorvastatine ou autre statine équipotente, avec ou sans ézétimibe.
► Ils ont été randomisés pour recevoir de l’evolocumab par voie sous-cutanée (140 mg, 2 fois par mois ou 420 mg, 1 fois par mois) ou le placebo.
Le critère de jugement principal était composé des décès cardio-vasculaires, et du 1er infarctus du myocarde (IdM), AVC, hospitalisation pour angor instable ou revascularisation coronaire. Le principal critère de jugement secondaire était composé des décès cardio-vasculaires, des IdM et des AVC (MACE3).
► L’effectif nécessaire pour démontrer la supériorité de l’evolocumab a été calculé sur les résultats attendus du MACE3. Il fallait observer 1 630 évènements de ce critère pour montrer une réduction relative de 15 % des évènements avec une puissance de 90 % et un risque alpha < 5 %. L’analyse statistique a été faite en stricte intention de traiter avec un modèle de Cox proportionnel ajusté sur les facteurs de stratification à l’inclusion (LDL-c < 0,85 ou ≥ 0,85 g/l et région géographique).
RÉSULTATS
► Entre février 2013 et juin 2014, 27 564 patients ont été randomisés et suivis pendant une médiane de 2,2 ans. Les caractéristiques des deux groupes étaient comparables à l’inclusion : âge moyen = 63 ans, 76 % d’hommes, 80 % étaient hypertendus et 37 % diabétiques. 81 % des patients avaient un antécédent d’IDM, 19 % d’AVC, et 13 % d’artériopathie symptomatique. 69 % des patients prenaient une forte dose de statine, 30 % une dose modérée, et 5 % associaient l’ézétimibe. Le LDL-C médian était à 0,92 g/l.
► Au cours des 2,2 ans de suivi, il y a eu 1 344 (9,8 %) évènements du critère principal sous evolocumab et 1 563 (11,3 %) sous placebo : HR = 0,85 ; IC95 % = 0,79-0,92, p < 0,001, NNT = 67 patients à traiter pendant 2,2 ans pour éviter un événement de ce critère. Il y a eu 816 (5,9 %) événements du principal critère secondaire sous evolocumab et 1 013 (7,4 %) sous placebo : HR = 0,80 ; IC95 % = 0,73-0,88, p < 0,001, NNT 2,2 ans = 67. Ces bénéfices étaient principalement dus à une réduction des IdM (NNT = 84) et des AVC non fatals (NNT = 250). Il n’y a pas eu de différence significative sur la mortalité cardio-vasculaire ni sur la mortalité totale.
► Dans le bras evolocumab, le LDL-c médian était à 0,30 g/l à un an et jusqu’à la fin du suivi versus 0,86 g/l dans le bras placebo : différence absolue = 0,56 g/l. Dans ce même bras, le LDL-c était ≤ 0,7 g/l chez 87 % des patients, ≤ 0,40 g/L chez 67 % et ≤ 0,25 g/l chez 42 % des patients versus 18 %, 0,5 % et < 0,1 % respectivement dans le bras placebo.
► En termes de tolérance, il n’y pas eu de différence entre les groupes (en particulier sur les sorties d’essai liées au traitement alloué), à l’exception des réactions au site d’injection 2,1 % vs 1,6 %, p < 0,001.
COMMENTAIRES
Fourier est un essai thérapeutique classique, bien construit, rigoureusement mené et analysé. Il montre les bénéfices cliniques crédibles, mais modestes de l’evolocumab en association aux statines chez des patients en prévention secondaire ayant un LDL-c au-dessus de ce qui est habituellement recommandé (0,7 g/l). Au-delà de la réduction relative du risque d’environ 15 à 20 %, la différence absolue n’est que de 1,5 %. Autrement dit, sur 100 patients traités pendant 2,2 ans, 7,4 d’entre eux feront un événement du principal critère secondaire (décès CV ou IdM ou AVC) sans evolocumab et 5,9 avec, soit une différence de 1,5 patient.
► La tolérance est rassurante, y compris en termes de risques potentiels de troubles cognitifs qui ont été démentis par une autre étude (3). Cependant, la courte durée de suivi est insuffisante pour éliminer tout effet indésirable grave tardif ou rare, surtout avec un anticorps monoclonal, même si aucun anticorps anti-PCSK9 neutralisant n’a été détecté pendant l’essai.
► Trois iPCSK9 ont entrepris un développement clinique de phase III. L’evolocumab est le premier à montrer une efficacité tangible en termes de réduction de la morbidité cardio-vasculaire. Le résultat sur le principal critère secondaire est le plus intéressant pour deux raisons : les décès cardio-vasculaires, les IdM et les AVC sont des évènements objectifs, et la puissance de l’essai a été calculée sur ce critère. À l’inverse, dans le critère principal, les hospitalisations pour angor instable ou pour revascularisation sont des critères plus subjectifs car ils peuvent dépendre du patient, du médecin, de la région géographique, de l’équipement du centre cardiologique, de la disponibilité d’un lit, du jour de la semaine, de l’heure, etc.
► Généralement, les autorités de régulation du médicament demandent deux essais pour être convaincues. L’alirocumab est le second iPCSK9 dans l’ordre chronologique (4), il a entrepris le même type d’essai (Odyssey) dont les résultats devraient être disponibles fin 2017 ou début 2018. Enfin, le développement du bococizumab (5) a été arrêté fin 2016 à la suite de la réduction de son efficacité biologique liée aux anticorps neutralisants (cet iPCSK9 n’est pas un anticorps monoclonal 100 % humain).
Quel est le devenir de l’evolocumab ?
• Sans doute, dans un premier temps, une extension d’indication d’AMM de l’evolucumab sera demandée à la lumière des résultats de cette étude. Puis une évaluation. Même si l'evolocumab n'est pas un médicament d'exception au sens réglementaire du terme, la prescription initiale d’un iPCSK9 restera réservée aux cardiologues, aux endocrinologues et aux internistes. Son renouvellement, en revanche, ne sera pas restreint à ces spécialistes.
• Cependant, le problème de la stratégie thérapeutique en prévention secondaire chez les patients dont le LDL-c n’est pas contrôlé avec une dose maximale tolérée de statine va se poser. Dans l’arsenal thérapeutique, le seul autre médicament indiqué en association aux statines en prévention secondaire est l’ézétimibe. Cette indication repose sur l’essai Improve-IT (6) dont les résultats d’efficacité clinique sont assez proches de ceux de Fourier dans une population similaire. L’adage veut que, pour chaque diminution de 0,40 g/l de LDL-c avec une statine (7), la réduction relative du risque d’événement cardio-vasculaire soit de 20 %. Sur le critère MACE3 commun aux deux essais, l’amplitude du bénéfice clinique absolu (1,5 % dans Fourier et 1,8 % dans Improve-IT) n’est pas proportionnelle à la réduction de LDL-c observée entre les groupes traités vs placebo : – 0,62 g/l dans Fourier et – 0,26 g/l dans Improve-IT.
Autrement dit, l’efficacité clinique de l’ézétimibe est similaire à celle de l’evolocumab avec une réduction de LDL-c deux fois plus petite. L’alternative sera donc entre un médicament, nouveau, injectable, très efficace en termes de réduction du LDL-c et moyennement en termes de morbidité, dont la tolérance à long terme est peu connue et le prix élevé (6 000 euros/an), et un médicament ancien, per os, dont l’efficacité biologique est inférieure, l’efficacité clinique similaire, la tolérance à long terme bien connue et le prix de 486 euros par an (en attendant son générique prochain).
En toute logique, et compte tenu des finances de l’assurance maladie, il semblerait raisonnable que l’evolocumab soit réservé au petit pourcentage de patients en prévention secondaire dont le LDL-c n’est pas contrôlé avec une dose maximale tolérée d’une statine associée à l’ézétimibe.
Bibliographie
1- HAS. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2586918/fr/repatha-evolocumab-an…
2- HAS. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2629896/fr/praluent-alirocumab-h…
3- Giugliano RP, Mach F, Zavitz K et al. Design, and rationale of the EBBINGHAUS trial. Clin Card 2017;40:59-65. Résultats présentés le 18 mars 2017 à l’ACC.
4- https://clinicaltrials.gov/ct2/show/study/NCT01663402?view=results
5- Ridker PM, Tardif JC, Amarenco P et al. Lipid-Reduction Variability and Antidrug-Antibody Formation with Bococizumab. N Engl J Med. http://dx.doi.org/10.1056/NEJMoa1614062
6- Cannon CP, Blazing MA, Giugliano RP et al. Ezetimibe Added to Statin Therapy after Acute Coronary Syndromes. N Engl J Med 2015;372:2387-97.
7- Collins R, Reith C, Emberson J et al. Interpretation of the evidence for the efficacy and safety of statin therapy. Lancet 2016;388:2532-61.
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