Colette, 57 ans, présente depuis deux mois une dyspepsie et des troubles du transit. Cette patiente a été hospitalisée il y a un mois en raison d’une détresse respiratoire liée au Covid-19. Pensant à une conséquence de cette virose, un confrère a prescrit un traitement associant un prokinétique (dompéridone) et un laxatif (lactulose). Cependant, la symptomatologie de la patiente persiste et elle décide de consulter une nouvelle fois. Colette explique que ses troubles digestifs ne lui ont pas fait perdre de poids et qu’elle ne souffre pas d’anorexie mais qu'elle éprouve des douleurs abdominales par salve. Cliniquement, l’inspection met en évidence un météorisme abdominal. Nous retrouvons aussi une douleur provoquée sur la totalité du cadre colique. Du fait de la pauvreté de notre examen clinique, nous demandons la réalisation d’un scanner qui objective une invagination iléo-iléale (cliché 1, flèche verte). Elle est alors rapidement dirigée vers un chirurgien viscéral qui effectue une résection segmentaire du grêle. Au cours de cette intervention, il met en évidence une petite tumeur rétractant la séreuse sur le bord mésentérique. L’analyse anatomopathologique pose le diagnostic de tumeur neuro-endocrine.
INTRODUCTION
On définit l’invagination intestinale aiguë (IIA) comme la pénétration d’un segment intestinal dans celui situé en aval. La première intervention chirurgicale a été réalisée par Hutchinson en 1674.
L’IIA concerne le plus souvent l’enfant, et dans la très grande majorité des cas elle n’est pas d’origine organique.
En revanche, l’invagination intestinale de l’adulte est rare (entre 1 et 5 % des occlusions intestinales). On retrouve plus fréquemment cette pathologie dans les pays en voie de développement (origine alimentaire ou parasitaire généralement incriminée dans cette situation). Le plus souvent, elle est observée chez les patients adultes relativement jeunes (l’âge médian est compris entre 40 et 50 ans). La localisation la plus souvent observée pour l’IIA est l’iléon.
CAUSES
La cause d’une invagination intestinale aiguë dépend de l’âge de l’individu, et contrairement aux enfants, chez l'adulte, dans 80 % des cas, une IIA est en rapport avec une pathologie organique :
• Chez les patients les plus jeunes, on retrouve fréquemment des tumeurs bénignes (diverticule de Meckel, lipome, polypes) ou des adénopathies, le plus souvent découvertes au niveau de l’intestin grêle. Cependant, il est possible d’observer plus rarement des lymphomes.
• Chez les adultes plus âgés, les néoplasies dominent le tableau de ces IIA (adénocarcinome colique le plus fréquemment, tumeurs neuro-endocrines comme chez notre patiente, lymphomes). Dans près de 15 % des cas, des métastases sont à l’origine de ce tableau.
SYMPTOMATOLOGIE ET EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
→ L’examen clinique est parfois déroutant car il est souvent peu révélateur ou peu spécifique de l’IIA. On observe parfois des douleurs paroxystiques, des nausées ou des vomissements, des troubles du transit avec un tableau de syndrome pré-occlusif.
→ La radiographie (abdomen sans préparation) est souvent peu contributive, et peu utile pour poser le diagnostic. Dans certains cas, il est possible de mettre en évidence une masse ayant une tonalité hydrique encerclée par de l’air en amont qui oriente vers ce diagnostic.
→ L’échographie abdominale est un examen très utile car elle permet de retrouver une image en cocarde (comme une cible) avec un anneau échogène central et un anneau hypo-échogène en périphérie. En associant le doppler, il est possible de retrouver une atteinte vasculaire (veineuse ou/et artérielle) témoignant de l’ischémie secondaire.
→ Le scanner abdominal avec injection de produit de contraste est l’examen de choix (chez l’adulte, spécificité de 100 % et sensibilité de 90 %) qui doit être effectué en priorité. Il permet de retrouver l’IIA, mais aussi son origine tumorale dans près de 70 % des cas. Cet examen détermine également une éventuelle nécrose intestinale.
PRISE EN CHARGE
Elle est avant tout chirurgicale (désinvagination par voie cœlioscopique ou laparotomie). Au cours de l'intervention, en cas de découverte d’une pathologie tumorale, on réalise une exérèse élargie. Selon l’origine de l’IIA, un traitement étiologique est entrepris.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Charlotte Cordier (externe à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
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