Raccords sur le fond… mais pas sur la forme. Les praticiens hospitaliers (PH) sont vent debout contre l’allongement de la carence et la diminution de la rémunération des arrêts maladie dans la fonction publique, deux mesures envisagées par le gouvernement dans le cadre d’un plan de lutte contre l’absentéisme dans la fonction publique, censé générer des mesures d'économies à hauteur de 1,2 milliard d'euros.
Ces mesures d’économies ont trouvé leur traduction dans un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et les équipes de la direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) travaillent déjà à leur transposition sous forme de décret. La grogne poussera-t-elle les blouses blanches à battre le pavé jeudi 5 décembre, jour de grève nationale de la fonction publique ? Si certains syndicats appellent à la mobilisation, d’autres attendent le sort réservé au Premier ministre et à son gouvernement, menacés par deux motions de censure déposées par l’opposition.
Un courrier commun de l’ensemble des syndicats représentatifs des PH a tout de même été adressé lundi 2 décembre à Michel Barnier et à ses ministres de la Santé, Geneviève Darrieussecq, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, et de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, pour leur manifester leur opposition à ces mesures d’économies. « Nous avons appris, de manière brutale et sans aucune concertation préalable, le 22 novembre 2024, l’intégration des praticiens hospitaliers dans la mesure d’augmentation du nombre de jours de carence d’un à trois et de réduction de la rémunération à 90 % lors des arrêts maladie pour maladie ordinaire », écrivent-ils d’emblée.
PH et managers appellent à la grève le 5 décembre
Mais si les organisations syndicales sont unanimes sur le fond du sujet, elles n’accordent pas leurs violons sur la forme de la riposte. Action praticiens hôpital (APH) a déjà déposé un préavis de grève, le 24 novembre, pour appeler les hospitaliers à se mobiliser ce jeudi 5 décembre, malgré l’instabilité politique du moment. Et pour cause : « On a eu une réunion avec la DGOS qui nous a présenté les projets de décrets, même si le budget n’a pas encore été voté, raconte la Dr Anne Geffroy-Wernet, secrétaire générale d’APH. Ils ont commencé à les travailler pour des contraintes de calendrier puisque cela doit théoriquement entrer en vigueur au 1er janvier. Mais ils nous ont fait comprendre que même si Michel Barnier tombe, cela pourrait peut-être passer quand même. »
Pourtant, si les motions de censure de l’opposition sont bien votées mercredi, alors le gouvernement Barnier entraînera dans sa chute les textes budgétaires, à savoir le budget de l’État et le celui de la Sécurité sociale (PLFSS). Y compris, sur le papier, le fameux amendement rallongeant la carence et diminuant la rémunération des arrêts de travail dans la fonction publique et les projets de décrets qui en découlent. Mais dans le doute, APH maintient son appel à la grève, qui sera aussi suivi par d’autres organisations syndicales telles que l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), l’Union fédérale des médecins ingénieurs cadres et techniciens (Umict-CGT), le Syndicat des cadres de direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (Syncass-CFDT) et le Syndicat des managers publics de santé (SMPS).
« Un agent perdra vite 150 à 200 euros sur sa paie et aura des difficultés financières. C’est très mal pris sur le terrain. Cela montre le mépris de l’État employeur envers ses agents », pointe Maxime Morin, secrétaire général du Syncass-CFDT. Le syndicat déplore par ailleurs qu’« aucun travail sérieux » n’ait été engagé sur la prestation sociale complémentaire par la tutelle. « De manière générale, c’est le blocage des salaires et l’attaque contre les fonctionnaires qu’on dénonce. Ce fonctionnaire bashing, c’est scandaleux. Sans compter l’impact du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sur les hôpitaux. Beaucoup de sujets font que cette grève reste légitime, même si le gouvernement tombe », complète le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Amuf. Président du SMPS, Jérôme Goeminne soutient (plus étonnamment) la grève et « appelle à manifester par tout moyen possible l’urgence impérieuse d’un financement à hauteur des besoins pour le service public hospitalier pour 2025 ».
INPH, Alliance-Hôpital et le SNMH-FO plus réservés
La grève annoncée jeudi 5 décembre n’est cependant pas du goût de l’Intersyndicat des praticiens hospitaliers (INPH), pourtant signataire du courrier commun adressé au gouvernement. « Cela ne sert plus à rien, Barnier va être censuré ! », souffle la Dr Rachel Bocher, présidente de l’intersyndicale. Même posture pour la centrale Alliance Hôpital (Snam-HP et CMH) : « Un préavis de grève dans la situation actuelle et plus particulièrement au niveau de l’hôpital public ne peut qu’être inaudible et se traduire par des réquisitions et une absence d’effet », affirme l’intersyndicale dans un communiqué, diffusé mardi 3 décembre. Mais elle manifeste quand même son opposition à l’allongement de la carence et à la diminution de la rémunération des arrêts de travail, considérant ces mesures « d’une efficacité financière douteuse, puisque les praticiens hospitaliers s’absentent en moyenne quatre jours par an pour maladie ». Le SNMH-FO n’appelle pas non plus à la grève car le syndicat ne participe plus aux journées d’action. Quant à Jeunes Médecins et aux internes, leur participation à la grève sera conditionnée au vote de la motion de censure. « Nous attendons de voir si le gouvernement Barnier est censuré », confiait mardi 3 décembre le Dr Emanuel Loeb, président de Jeunes Médecins.
PDS en établissement : cliniques et médecins libéraux agacés par le rapport du ministère de la Santé
« Adoucir les souffrances à l’hôpital », la mission du Rire Médecin
Mayotte : « c’est une crise qui va durer des mois, voire des années »
Conseiller environnement, un métier qui veut du bien aux hôpitaux