À l'invitation de l'association des anciens élèves de Sciences Po, Agnès Buzyn s'est prêtée mercredi à l'exercice du grand oral devant 200 professionnels de santé et étudiants réunis dans l'amphithéâtre Chapsal du célèbre institut de la rue Saint-Guillaume.
Pendant plus d'une heure, la ministre de la Santé a accepté le jeu des questions/réponses sur le thème attribué : « La santé peut-elle recoudre le lien social ? » L'occasion pour elle de battre en brèche notre système de financement ultra-prédominant à l'acte (ou à l'activité) qui cloisonne les professionnels en les contraignant à se livrer à une « compétition tarifaire ». Une formule qui a aussitôt fait réagir sur les réseaux sociaux.
Non seulement nous ne sommes pas en compétition tarifaire (les tarifs sont imposés par la convention) nous sommes débordés, moins de patients ça nous fait des vacances... et la coordination, c’est notre métier. Bravo pour votre clairvoyance... https://t.co/5fWU9sS2O4
— Dr Stephane (@Dr_Stephane) 21 février 2019
Aucun intérêt à transférer des actes
Public/privé, ville/hôpital, social/médico-social… Agnès Buzyn déplore les « cloisons » malvenues entre professionnels de santé et secteurs. « Un étudiant en médecine ne sait absolument pas ce que fait un ergothérapeute », regrette-t-elle. Et de marquer le coup : « les professionnels entre eux se parlent peu et se connaissent peu ».
La faute, insiste-t-elle à nouveau, à un modèle de financement qui met les secteurs et les soignants en « compétition tarifaire », analyse la locataire de Ségur. « En réalité, chaque professionnel de ville est tarifé à l'acte et n'a donc aucun intérêt à transférer un acte vers un autre professionnel », précise-t-elle. Même écueil pour les hôpitaux qui n'ont, en raison de la tarification à l'activité (T2A) très majoritaire, « aucun intérêt à transférer un malade ou à se coordonner avec d'autres ».
Oser utiliser le levier tarifaire
La ministre a été claire : « tout l'objet de la réforme que je porte vise à décloisonner le système et cela va créer du lien ». Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), encouragement financier à l'exercice coordonné, hôpitaux de proximité… la liste est longue des outils que son ministère déploie pour favoriser la coordination. Mais pour elle, « le levier tarifaire est un levier majeur que personne n'avait jamais osé essayer jusqu'à présent ».
« Tant qu'on fera de la tarification à l'acte ou à l'activité l'alpha et l'oméga de la médecine nous n'aurons jamais aucun levier pour favoriser la coopération et la coordination », tance Agnès Buzyn. En agissant sur la diversification des modes de financement et de rémunération, sur la base du rapport Aubert remis fin janvier, la ministre estime avoir la main sur un outil efficace pour « inciter les professionnels à se parler et à se coordonner ».
Faux service public et intérimaires « parfois pas fiables »
Au lendemain de la confirmation officielle par l'agence régionale de santé (ARS) Normandie de la fermeture de la maternité de Bernay (Eure) le 11 mars, Agnès Buzyn a aussi été interrogée sur ce sujet des petites maternités qui mobilise partout en France.
La ministre a défendu ces fermetures, « pour du mieux en termes de qualité », expliquant que beaucoup de structures « n'intéressent plus les professionnels » en raison de leur faible activité. « En réalité ces maternités reposent sur des intérimaires qui ne sont parfois pas fiables », a-t-elle expliqué avant de dénoncer le « faux service public » qu'elles représentent. « Je m'oppose à une médecine à deux vitesses. »
Interrogée sur son attachement réel au service public hospitalier, Agnès Buzyn a haussé le ton, revêtant sa casquette de professeur de médecine. « Le service public hospitalier, c'est 25 ans de ma vie. » Désormais aux manettes, l'ancienne PU-PH s'est montrée déterminée. « Je sais exactement de quoi je parle quand je dis qu'aujourd'hui je vais pouvoir sauver l'hôpital public, a-t-elle lancé. Mais cette manie française de penser que quand quelque chose va mal il faut juste rajouter de l'argent sans rien changer aux structures et aux organisations, c'est comme ça qu'on va dans le mur. »
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