Le Dr Thomas Mesnier a donc persisté et signé ! Lors de l'examen de la loi de santé, l'Assemblée nationale a autorisé les pharmaciens à délivrer sans ordonnance et sous conditions des médicaments sous prescription médicale obligatoire pour des pathologies bénignes, comme des cystites aiguës ou des angines.
Issue d'un amendement du député charentais (LREM), urgentiste et rapporteur du projet de loi, adopté en commission la semaine dernière, cette proposition a été validée malgré la mobilisation de l'opposition, qui a dénoncé l'ouverture d'un « droit de prescription » aux officinaux.
Médecine low cost
« Le médecin a l’apanage du diagnostic et de la prescription médicale : il a été formé pour cela au cours d’une dizaine d’années d’études longues et difficiles. Le pharmacien a l’apanage de l’analyse de l’ordonnance, de la délivrance du médicament et de l’accompagnement du patient [...] mais il n’est pas formé pour poser un diagnostic, a plaidé le député communiste Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime). Le glissement de certaines tâches des médecins vers les pharmaciens fait courir le risque d’une médecine à deux vitesses, low cost ! »
« Pas question de donner un droit de prescription aux pharmaciens », s'est défendu Thomas Mesnier. « L’objectif est de lui permettre, dans le cadre d’un exercice coordonné avec d’autres professionnels de santé, de délivrer des médicaments, selon un protocole mis en place par la Haute Autorité de santé, après une formation ad hoc à ces protocoles, et une obligation relative au lien avec les médecins traitants et à leur information », a expliqué le rapporteur, citant une fois de plus en exemple la cystite, « cette infection urinaire simple qui peut se traiter par antibiotique. »
La ministre de la Santé, embarrassée, a tenté d'apaiser les choses en assurant à nouveau qu'elle allait « trouver un consensus » sur ce sujet entre les pharmaciens et les médecins. « Un travail avec les acteurs est encore nécessaire. Je m’emploierai à ce que ce qui a été adopté [...] soit bien cadré, afin que tout le monde se sente à l’aise avec le nouveau dispositif », a plaidé Agnès Buzyn. Un argument qui n'a pas fait mouche, plusieurs députés lui reprochant d'envisager une concertation… après avoir tranché par la loi.
Les médecins en mode survie
Reprenant l'argument clé des syndicats médicaux, très remontés contre cette initiative parlementaire, le député et ex-cardiologue Jean-Pierre Door (Loiret, LR) a de son côté rappelé les risques d'une telle disposition. « Une cystite : cela peut être n’importe quoi, y compris une pathologie qui dissimule quelque chose de grave. Or, le pharmacien n’en sait rien. Il ne s’agit pas seulement de donner au patient le produit qui peut calmer les symptômes, mais de savoir ce qu’il en est. »
Le vote de cet amendement n'a pas apaisé les représentants des médecins libéraux. La CSMF avait prévenu d'un risque de « conflit dur » si plusieurs amendements n'étaient pas supprimés en séance publique (dont celui-ci). « C'est un très mauvais signal envoyé aux médecins généralistes qui sont en mode survie. Faisons confiance aux acteurs de terrain plutôt que d'imposer des mesures dans la loi, reproche le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Il y a des risques derrière pour la santé des patients. Prenez l'ibuprofène, délivré sans ordonnance : si on ne questionne pas les personnes âgées sur leur fonction rénale, celle-ci peut se dégrader ! »
MG France, qui a boycotté la dernière séance de négociation sur la coordination interprofessionnelle à cause notamment de cette initiative, dénonce une « immixtion » dans le dialogue conventionnel. « Les généralistes n'ont pas besoin de cela, mais d'une amélioration de l'attractivité de la profession, souligne au « Quotidien » son président, le Dr Jacques Battistoni. Nous serons attentifs à ce que les protocoles soient le plus bordés possible, car c'est une brèche qu'on ouvre, un premier pas vers l'élargissement qui inquiète les médecins. »
#balancetondéputé
« Le gouvernement choisit de dégrader la qualité de la prise en charge des patients, il portera la responsabilité de l'extension de la désertification médicale, assène le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. On s'assoit sur le parcours de soins avec ce genre de mesures, qui vont amener une désorganisation. Il va falloir lancer un #balancetondéputé ! »
Pour le Syndicat des médecins libéraux (SML), cela « confirme l’interventionnisme des députés » qui modifient le périmètre des métiers des professionnels de santé sans les concerter. « Les pharmaciens pourront prescrire, modifier la prescription du médecin en cas de rupture, vacciner… À ce rythme, on se demande si la conception des politiques n’est pas d'éloigner les médecins purement et simplement du soin, afin de leur confier la gestion de la paperasse qu’ils sont en train de créer ».
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