Des bâtiments trop vastes, peu adaptés à l’ambulatoire

CHU : cher patrimoine immobilier...

Publié le 07/10/2013
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LE PREMIER constat de la Cour des comptes n’est pas le moins étonnant. Personne, ni le ministère de la Santé, ni les hôpitaux eux-mêmes, ne dispose d’une vue d’ensemble sur le patrimoine des CHU affecté aux soins (superficie, vétusté, coût des opérations...). Les ARS elles-mêmes naviguent à vue. Difficile, dans ces conditions, de tracer une politique d’investissement rigoureuse.

Les plans Hôpital 2007 et 2012 ont créé des effets d’aubaine, et les milliards injectés ont parfois fait sortir de terre des bâtiments surdimensionnés. Ou inadaptés. La Cour des comptes le confirme : les CHU ont pris tardivement le virage de l’ambulatoire. « Des places de chirurgie ambulatoire se sont ajoutées aux lits d’hospitalisation sans s’y substituer », déplorent les magistrats. À Toulouse, le plateau technique du bâtiment Guy Lazorthes, ouvert en 2011, n’a prévu aucune organisation spécifique à la chirurgie ambulatoire. Le CHU de Tours disposait de 42 salles sur 8 sites avant 2000 ; en 2013, 53 salles fonctionnent sur 6 sites.

Résistances politiques.

L’amélioration du confort hôtelier - gage d’attractivité - est une urgence par endroits. L’hôpital marin de Hendaye (AP-HP) dispose encore de dortoirs à huit lits. À l’hôpital San Salvadour (AP-HP toujours), « deux patients polyhandicapés, adultes ou enfants, sans distinction de sexe, peuvent être accueillis dans la même salle de bains sur brancard douche en même temps ».

La logique médicale s’évanouit parfois quand les élus s’en mêlent. À Tours, la maternité de niveau 3 et la néonatalogie n’ont pu être regroupées du fait de résistances locales. « Ce qui n’est pas conforme à la réglementation », siffle la Cour des comptes. Jean Germain, sénateur maire de Tours (PS), a plaidé pour le maintien d’une partie du CHU dans le centre-ville. « Il faut tenir compte de la vie locale », se justifie-t-il.

À la décharge des établissements, la pression des normes est d’une pesanteur inouïe. Ainsi l’hôpital Bretonneau, à Tours, s’est-il vu appliquer plus de 1 000 textes durant sa reconstruction, de 1998 à 2011.

Durcir la sélection des dossiers.

Actuellement, 16 % des bâtiments des CHU ne répondent pas aux normes anti incendie et sont - en théorie - interdits d’exploitation. La plupart fonctionnent tout de même (le personnel de sécurité incendie y est renforcé).

L’exécutif a annoncé 45 milliards d’euros d’investissements hospitaliers pour la décennie à venir. Inquiète, la Cour des comptes n’exclut pas de nouvelles dérives. Elle appelle les autorités à durcir la sélection des dossiers, et propose que tout projet soit assorti d’un objectif chiffré de réduction des capacités en chirurgie conventionnelle.

Le président de la Conférence des DG de CHU, Philippe Domy, estime que les gisements d’économie sont limités. « Développer l’ambulatoire, c’est réduire la surface hôtelière, et renforcer les plateaux techniques, très coûteux. Le développement de la médecine prédictive et cellulaire permettra à des gens d’être suivis hors de l’hôpital sans même recourir au plateau technique. C’est un bouleversement. Personne ne peut dire ce que sera l’hôpital dans dix ans, mais il ne coûtera pas moins cher ».

* Le rapport d’enquête sur la gestion du patrimoine immobilier des CHU affecté aux soins est en ligne sur www.ccomptes.fr/Publications

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9269