Comment réduire le nombre d’anévrismes intracrâniens ? C’est ce à quoi s’attelle une équipe du CHU de Nantes sous l’égide du Pr Romain Bourcier, lauréate du plus important appel à projets de « Recherche hospitalo-universitaire » dans le cadre du Plan France 2030 (5,5 millions d’euros). Cette étude dénommée eCan vise à améliorer la prise en charge des patients porteurs d’anévrisme intracrânien, grâce à des algorithmes développés en s'appuyant sur l'entrepôt de données de santé (EDS) du CHU ainsi que sur les connaissances des cliniciens. Elle porte sur un groupe de 5 700 patients sans anévrisme cérébral à partir d’imageries cérébrales et de codes médicaux, afin de les comparer à des patients atteints. L’étude a démarré en septembre 2024 et doit durer cinq ans. « Nous avons eu de bonnes performances sur la sélection de patients porteurs ou indemnes d’anévrismes », abonde le Dr Pacôme Constant dit Beaufils, neuroradiologue au CHU de Nantes, qui prépare une thèse en quatrième année sur l’exploitation des données dans le cadre d’un entrepôt de données de santé local dans les anévrismes intracrâniens. Il s’agit d’essayer de comprendre quels profils de patients auront un anévrisme, ceux qui devront être traités et chez ceux qui ont rompu quelle est la prise en charge la plus optimale afin d’éviter des décès et des séquelles.
L’anévrisme intracrânien est une petite malformation d’une artère au niveau du cerveau et est présent chez 3 % de la population française, soit deux millions d’individus. Alors que la majorité des personnes porteuses d’anévrisme intracrânien n’auront aucun symptôme, chez une infime minorité, cet anévrisme peut se rompre, ce qui s’avère catastrophique dans 30 à 40 % de ces cas : soit ces individus meurent immédiatement ou en cours d’hospitalisation, soit ils demeurent avec des séquelles cognitives très lourdes et un handicap majeur.
Il s’agit d’éviter des pertes de chance aux patients et d’aider des collègues radiologues dans leur quotidien
Dr Pacôme Constant dit Beaufils, neuroradiologue au CHU de Nantes
Outil d’aide à la décision pour les radiologues libéraux
À terme, l’objectif est de fournir un outil d’aide à la décision à des praticiens libéraux qui n’ont pas l’expertise des neuroradiologues sur cette pathologie afin de diminuer le risque de faux négatifs en ville. L’enjeu est d’autant plus fort que plus de 80 % des IRM réalisées en France ne le sont pas par des neuroradiologues, mais par des radiologues non experts, comme le souligne le Dr Pacôme Constant. « Il s’agit d’éviter des pertes de chance aux patients et d’aider des collègues radiologues dans leur quotidien dans un contexte de pénurie médicale où l’on pousse de plus en plus vers la surspécialisation », ajoute-t-il.
Stratifier les risques de rupture
Un second projet, complémentaire à eCan et financé par le programme DAtAE (Appel à projets de recherche données de santé et applications), consiste à stratifier les risques de ruptures, les principaux étant l’hypertension, l’alcool, le tabagisme. D’autres facteurs qui n’ont pas été du tout étudiés pour l’instant sont l’apnée du sommeil, la dépression mais aussi les déterminants sociaux de santé. Majeurs, ces derniers correspondent à 80 % de l’état de santé d’un patient. Un outil d’IA sur le traitement automatique du langage, en cours jusqu’à l’été 2025, va permettre de les extraire à partir des comptes rendus médicaux stockés au sein de l’EDS.
Modéliser un parcours de soins
Un troisième projet, budgété par le Programme et équipement prioritaire de recherche santé numérique (PEPR SN), a pour but de fédérer une communauté nationale pluridisciplinaire active en santé numérique pour le développement et l’exploitation du concept de jumeau numérique en santé. Il s’agit de modéliser le meilleur parcours de soins pour que les patients qui ont été frappés par un anévrisme puissent sortir de l’hôpital sans handicap ni séquelle. Les données utilisées sont celles de l’EDS du CHU de Nantes avant, pendant et après la rupture d’anévrisme.
Pour faire aboutir ces programmes, la montée en charge n’a pas été un long fleuve tranquille. Après une phase de maturation assez lente et des difficultés juridiques (pour pouvoir réutiliser les données existantes) et matérielles, il a fallu du temps pour implémenter un EDS au sein du CHU. Le défi déjà démarré sera de structurer les EDS locaux pour les faire travailler en réseau pour aboutir plus tard à un cloud national avec les données de 10 millions de patients sur la plateforme Azure du Health Data Hub.
Chiffres
La clinique des données a été créée en 2017 par le Pr Pierre-Antoine Gourraud, dont l’idée était d’associer des cliniciens et des experts de la donnée pour créer un entrepôt de données de santé (EDS). Il emploie 7,5 équivalents temps plein, contient 60 millions de données textuelles (comptes rendus médicaux) et plus de 500 millions de données structurées (code remboursement Assurance-maladie, prescriptions de médicaments, paramètres vitaux), issues d’un demi-million de patients.
Article précédent
Pourquoi l’usage du DMP traîne autant à l’hôpital
L’IA, déjà une réalité mais pas sans de bonnes pratiques
Dr Yann-Maël Le Douarin (DGOS) : « Analysons les solutions d’intelligence artificielle sereinement et ensemble »
Ressources humaines : numérique et intelligence artificielle sont l’affaire de tous
Sécurité informatique, prévenir coûte (bien) moins cher que guérir
Comment gérer la crise en cas d’attaque, un RSSI témoigne
Pourquoi l’usage du DMP traîne autant à l’hôpital
Clinique des données du CHU de Nantes : vers un outil d’aide à la décision pour détecter les anévrismes intracrâniens
L’IA, déjà une réalité mais pas sans de bonnes pratiques
Dr Yann-Maël Le Douarin (DGOS) : « Analysons les solutions d’intelligence artificielle sereinement et ensemble »
Comment gérer la crise en cas d’attaque, un RSSI témoigne
Pourquoi l’usage du DMP traîne autant à l’hôpital