Ce n’est pas un hasard si les situations de burn-out chez les cadres et les managers sont de plus en plus dénoncées. Des secteurs comme la santé et de l’action sociale sont particulièrement exposés, tout comme l’administration et la finance. « Le surinvestissement réclamé à celles et ceux qui sont en responsabilité fait naître des tensions auprès de salariés qui n’ont pas forcément les moyens d’exercer ces responsabilités », explique le Pr Gérard Lasfargues, de l’Anses. Ces conflictualités, y compris éthiques, créent une distance entre les objectifs attendus et les résultats réalisables et ne garantissent plus l’exercice d’un travail de qualité. Le Pr Lasfargues insiste sur le manque de reconnaissance du travail réalisé et la disparition de temps réservés aux équipes pour échanger sur les difficultés rencontrées. Des facteurs qui, selon lui, font peser une menace réelle et sérieuse sur la santé au travail.
« Les situations d’échec peuvent conduire, selon les personnes, à une décompensation. Certains sont capables de résister plus longtemps que les autres ; cela dépend de la personnalité et des fragilités de chacun », poursuit le Pr Lasfargues. Les conséquences sur les personnes et sur leur possibilité de rester au poste de travail sont variables. Certains managers ne supporteraient pas d’être éloignés de leur poste, et les écarter de leurs responsabilités pourrait conduire à une situation encore plus délétère. Pour d’autres, cet éloignement peut être une solution momentanée leur permettant de prendre du recul et de faire baisser la pression, mais cela ne peut constituer la réponse à des situations de travail délétères susceptibles de conséquences sur la santé de collègues dans la même situation. Retourner au travail permet aussi de montrer que le problème ne vient pas d’eux, mais bien de la situation et de l’organisation dont ils dépendent. « Pour d’autres personnes en souffrance importante, il peut cependant devenir prioritaire de les changer de poste de travail », affirme le Pr Lasfargues.
Les situations de burn-out sont pourtant des situations sur lesquelles il faut agir collectivement, et sur lesquelles une prise de conscience au niveau des directions d’entreprise est indispensable pour mettre en débat les modes organisationnels et managériaux et échanger sur les difficultés de chacun. Les acteurs et les professionnels de la santé au travail sont à pied d’œuvre, conscients que ces difficultés ne peuvent être réglées qu’à partir du moment où elles sont collectivement analysées et reconnues. « Il faut comprendre ce qui génère les problèmes pour pouvoir faire de la prévention primaire, sinon les situations se reproduiront inévitablement », prévient le Pr Lasfargues.
Le besoin de reconnaissance et d’attention
Les évolutions de l’organisation un travail, et plus particulièrement les modalités de management, sont pointées du doigt, notamment dans le secteur de la santé. « Elles entrent en conflit avec les valeurs que peuvent précisément mettre en avant les professionnels de santé », estime le Pr Lasfargues. Le surinvestissement pour répondre à la surcharge de travail ne porte pas forcément ses fruits. « Tout ce qui est demandé en plus n’est souvent pas reconnu au final, et c’est particulièrement délétère », déplore le directeur général délégué du pôle « Sciences pour l’expertise » de l’Anses.
L’éveil des consciences sur les risques qui peuvent peser au sein d’une équipe lui semble aujourd’hui une priorité absolue. Il insiste notamment sur le manque d’attention et de considération, qui accélère la décompensation des personnes. « Tous en surcharge permanente, “la tête dans le guidon”, cela interdit trop souvent de déceler les premiers signes de malaise. Quelles que soient les conditions du travail, il est indispensable de conserver cette possibilité de se réserver des temps de réflexion et d’échange sur le travail au sein des équipes », selon le Pr Lasfargues, qui appelle les managers et les chefs de service à faciliter ces temps de discussion, dans les structures de santé, notamment. La possibilité de partager les difficultés constitue aussi un moyen de les affronter, et donc la force d’un collectif. « La reconnaissance de l’utilité et de la qualité du travail comme l’attention particulière portée à chacun au sein de l’équipe me paraissent aujourd’hui constituer des éléments protecteurs essentiels vis-à-vis des effets sur la santé des situations de burn-out », conclut le Pr Lasfargues.
Entretien avec le Pr Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle « Sciences pour l’expertise » de l’Anses
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