À la suite d'une vaste enquête menée en 2017 sur la santé mentale des jeunes médecins, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) s’est aperçue que plus des deux tiers des carabins présentaient des symptômes anxieux, un tiers des symptômes dépressifs et un quart des symptômes suicidaires. Ces résultats accablants et ce qu'ils cachent ont largement été commentés lors d’une table ronde organisée à Lyon dans le cadre du congrès de printemps de l'association.
« Derrière ces chiffres, il y a l’humain. Récemment, une interne s’est donné la mort et on assiste régulièrement à des suicides d’infirmières et d’étudiants », rappelle Franck Rolland. Le vice-président chargé de la réflexion éthique à l’ANEMF a constaté que peu d’étudiants ayant été confrontés au décès brutal d'un collègue ont pu en parler ensuite. « Pourtant, dès l’instant où l'on considère que c’est à l’individu de régler seul le problème, on fait fausse route, estime Clara de Bort, ancienne directrice d’hôpital et chef de la réserve sanitaire. Souvent, dans notre société, il y a une surresponsabilisation de l’individu qui doit alors se blinder. Mais quand ses ressources personnelles sont grillées, la personne risque un burn-out », met-elle en garde.
Cursus monolithique
De son côté, le Dr Donata Marra, psychiatre à la Pitié-Salpêtrière chargée par le ministère de la Santé d’une mission sur la qualité de vie des étudiants en santé, constate que le problème de la mort des patients est également oublié par les formateurs. « J’interviens dans un diplôme universitaire de pédagogie médicale et je demande quelles sont les difficultés que rencontrent les étudiants. La mort n’est citée que tout à la fin », s’étonne-t-elle. Pour elle, « se blinder signifie qu’on fonctionne en tout ou rien : soit on se laisse envahir par des émotions trop importantes, soit on n’en a pas du tout. Il faudrait plutôt se demander comment intégrer cette problématique dans les compétences des futurs médecins », estime-t-elle.
La psychiatre note encore que plus de la moitié des étudiants en médecine ont déjà songé à arrêter leur cursus, extrêmement compétitif. « L’important, c’est de savoir vers où on va et si cela a un sens. Vous avez le droit de vous poser des questions et il faut que vous ayez une personne en face de vous pour vous aider à y réfléchir », conseille-t-elle aux étudiants.
La gestion de la mort n’est pas la seule épreuve pour l'étudiant en médecine. « La façon de gérer les hôpitaux avec des indicateurs de performances déconnectés du sens du travail est aussi source de souffrance pour les soignants sur le terrain », fait remarquer Nicolas Lechopier, enseignant à Lyon 1 et président du collège des enseignants en sciences humaines et sociales. Le chercheur estime qu'il faudrait « changer le côté monolithique des études de médecine, créer des doubles cursus et dégager du temps pour faire autre chose ». Arrivés en 3e année, les carabins canadiens sont ainsi incités à consacrer quelques heures à des activités artistiques et associatives. Une soupape de décompression salutaire.
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