C’est le point d’orgue d’une crise qui dure depuis huit mois. Ce jeudi 14 novembre, plusieurs milliers de soignants sont attendus dans les rues de Paris et de quelques grandes villes de France à l’appel du collectif inter-hôpitaux, rejoint par de nombreuses organisations du secteur.
Depuis l'étincelle, partie des urgences de Saint-Antoine (AP-HP) en mars, le feu a gagné tout le pays et l’hôpital dans son ensemble. Mardi, le collectif inter-urgences dénombrait 268 services en grève. Ce jeudi, de nombreux établissements assureront le service minimum pendant que les grévistes battront le pavé. Dans la capitale, le cortège s'est donné rendez-vous à midi devant la maternité de Port-Royal pour s’élancer vers 14 heures. Avant de se voir refuser l’autorisation par la préfecture, les organisateurs visaient Matignon comme terminus du parcours, signe que la réponse est réclamée au plus haut niveau.
Une manière aussi de court-circuiter Agnès Buzyn qui, jusqu’à présent, n’a pas réussi à calmer la rue, malgré deux tentatives en quatre mois. Ni les 70 millions de primes de risque annoncés en juin (hors médecins), ni les 750 millions de crédits promis jusqu'en 2022 dans le cadre du pacte de refondation des urgences présenté en septembre n’ont permis de désamorcer le conflit.
Arbitrages difficiles
Le cortège des mécontents ne se contente plus de millions d'euros mais réclame des milliards. Les regards sont rivés sur le niveau de l'ONDAM hospitalier pour 2020, jugé largement insuffisant (2,1 % initialement) alors que les dépenses progressent deux fois plus vite. Les revendications centrales des grévistes n’ont pas changé : augmentation des salaires, hausse des effectifs, fin des fermetures de lits.
La ministre a promis dans « les prochains jours », un « plan de soutien » pour l’hôpital public, qualifié de « trésor national ». Agnès Buzyn veut assurer « un meilleur investissement courant » et renforcer « l’attractivité qui est aujourd’hui clairement déficitaire ». La revalorisation salariale des soignants et des médecins devrait faire partie des mesures prévues, notamment en début de carrière.
Ses marges de manœuvre financières restent limitées. La reprise de la dette des hôpitaux par l’État (30 milliards d’euros) a été démentie par Bercy. Devant le Sénat mardi, Agnès Buzyn évoquait « des discussions en cours sur le niveau de l’ONDAM, discussions lourdes de conséquences et qui nécessitent des arbitrages difficiles ».
Des renforts de tous côtés
En attendant, les manifestants veulent croire à une démonstration de force. « On pourrait être surpris du nombre de personnes dans la rue », s’enthousiasme Hugo Huon, président du collectif inter-urgences. Outre les centrales FO, CGT et CFDT, plusieurs syndicats de médecins appellent à manifester. C’est le cas d’Action praticiens hôpital (APH) qui a ressorti son « guide du praticien en grève ». Longtemps dubitatif, l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) a fini par appeler sa base à se mobiliser le 14 novembre. Même la Conférence nationale des doyens et l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) ont pris la décision de s’associer au mouvement.
À part en Île-de-France et dans quelques villes, les internes n’ont pas appelé à la mobilisation, tout en « soutenant » les revendications de leurs aînés. L’Intersyndicat national des internes (ISNI) n'exclut pas le dépôt d’un préavis de grève illimitée à partir du 10 décembre. En ville, seule l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) et l'Union française pour une médecine libre (UFML) appellent à battre le pavé (lire ci-dessous).
Agnès Buzyn se retrouve sous pression, l’exécutif voulant à tout prix s’épargner un mouvement d’ampleur à l’hôpital alors que la réforme des retraites promet déjà un hiver tendu dans la rue. Emmanuel Macron a semblé prendre la mesure de la crise au micro d’RTL le 28 octobre : « On arrive au bout d'un système qui tirait sur la corde depuis 10 ou 15 ans, et ça claque maintenant ». Héraut du collectif inter-hôpitaux, le Pr André Grimaldi se veut déterminé : « Si le plan proposé est un replâtrage, on aura perdu une bataille mais pas la guerre ! »
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