C’est l’histoire de l’homme qui ne voulait pas être ministre. Quatre jours après avoir remis à la Première ministre les conclusions de sa mission « flash » sur les urgences et les soins non programmés, le Dr François Braun a été nommé ce lundi matin ministre de la Santé et de la Prévention, en remplacement de Brigitte Bourguignon, démissionnaire pour cause de défaite aux législatives le 19 juin dernier. Alors que plusieurs médecins députés étaient pressentis, c'est finalement le choix d'un technicien de la santé qui a été fait par le chef de l'État.
Dans son discours de passation de pouvoirs en début d'après-midi, le Dr Braun s'est engagé à poursuivre le travail engagé en quelques semaines par sa prédécesseure – très émue et longuement applaudie par ses équipes. « Les attentes sont fortes et légitimes. Le système de santé manque de souplesse et de visibilité et n'est plus compris par les Français et nos soignants », a indiqué le nouveau locataire de l'avenue de Ségur.
« Loin des incantations et des "y'a qu'à, faut qu'on" », il s'est engagé à une rénovation du système « centrée sur les besoins », « au plus près des territoires » et conduite de façon « rapide et pragmatique ». « Il y a urgence », a concédé le médecin urgentiste, citant « les inégalités d'accès aux soins », la situation de l'hôpital et de ses soignants ou encore la nécessité de réunir « la ville et l'hôpital, main dans la main ». De fait, il recevra bientôt « les corps intermédiaires de la santé » afin de démarrer la grande concertation promise par le président de la République.
Epaulée par une ministre aux déserts médicaux
Le praticien hospitalier sera épaulé par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des professions de santé. Cette pharmacienne, proche d'Édouard Philippe dont elle a été adjointe à la mairie du Havre, a été réélue députée Horizons de la 7e circonscription de Seine-Maritime en juin et est également conseillère départementale de Seine-Maritime. La ministre déléguée sera notamment chargée, dans le cadre de son portefeuille, de la lutte contre les déserts médicaux et de l'offre de soins, a-t-elle précisé lors de la passation. « Je vais mettre toute mon énergie et ma volonté sur ces enjeux cruciaux », a-t-elle souligné au moment de prendre ses fonctions.
Le président depuis 2014 de Samu-Urgences de France (SUdf), lui, n'a jamais été ni élu ni militant politique. C'est l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron qui était venue le chercher en janvier dernier pour travailler au projet santé du candidat à la présidentielle. « Ce n'est pas moi qui me suis proposé mais je n'aurais dit oui à personne d'autre », confiait-il au « Quotidien » à l'époque celui qui était alors l'un des trois référents santé du président sortant avec l'urgentiste dijonnais Sébastien Mirek et la présidente de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, Pascale Mathieu.
À peine réélu, le Président de la République lui demande, le 31 mai dernier lors d'un déplacement à Cherbourg, un rapport flash à rendre en moins d'un mois. « Je ne suis pas là pour écrire un énième rapport » expliquait alors le Dr Braun. Quelques jours auparavant, son syndicat avait fait fuiter dans la presse une liste des 120 services d'urgences au fonctionnement dégradé: fermés la nuit, délestés vers d'autres hôpitaux ou à l'accès filtré par les Samu.
Inspirateur du SAS
« La maladie est connue et le diagnostic posé, admettait l'urgentiste. Des solutions sont sur la table mais il faudra les affiner après la crise Covid, et en proposer de nouvelles ! On doit par exemple tenir compte du fait que les soignants quittent l'hôpital ou le métier par épuisement ». Message reçu par la Première ministre qui dit avoir « retenu l'ensemble de ses propositions » lors d'un déplacement aux urgences du centre hospitalier de Pontoise (Val d'Oise) où il l'accompagnait vendredi dernier. « Ma mission est terminée, on verra qui fait la suite » affirmait-il, le soir même au micro de RTL.
Début juin, lors du congrès des Urgences où Brigitte Bourguignon avait annoncé des premières mesures, le Dr Braun avait donné le ton. Avec 21 millions de passages par an, deux fois plus qu'il y a vingt ans, « les urgences, ça ne peut plus être open bar, on ne peut plus servir à tout, avait-il déclaré. Il faut arrêter de faire croire que l'on peut avoir partout des urgences ouvertes 24 heures sur 24, sept jours sur sept ».
Pour autant, la recommandation de sa mission de « réguler les admissions en service d’urgence, soit par organisation d’un triage paramédical à l’entrée, soit par la régulation médicale préalable systématique par le SAMU/SAS » n'a pas été retenue en l'état par la Première ministre, la semaine dernière. Le gouvernement n'en a fait pour l'instant qu'une option, préférant dans un premier temps lancer une campagne de communication nationale pour inciter les patients à appeler le 15 avant de venir aux urgences. Le nouveau ministre devra donc faire de la pédagogie dans les prochaines semaines.
4e génération de médecins
Né en 1962 à Belfort, de la 4e génération d'une famille de médecins, diplômé de la faculté de médecine de Nancy, le Dr François Braun a exercé comme praticien hospitalier pendant 19 ans au centre hospitalier de Verdun. Puis en 2009, il rejoint le CHR de Metz-Thionville comme chef de service des urgences et du Samu puis chef de pôle urgences depuis 2018. Un hôpital qui fait partie depuis janvier 2021 des 21 sites pilotes du service d'accès aux soins (SAS) dont le Dr François Braun est l'inspirateur.
En 2021, le patron des urgentistes, au tempérament plutôt calme, n'avait pas hésité à monter au créneau pour s'opposer violemment à la création du numéro unique d'appel d'urgence regroupant la police (17), les pompiers (18) et le SAMU (15), portée par le député LREM Fabien Matras. Opposés de longue date à cette solution, les urgentistes n'avaient pas masqué leur colère. À un numéro unique, les professionnels hospitaliers préfèrent l'idée d'un « numéro commun » santé. Sous la menace d'une grève massive des urgentistes, les députés avaient alors coupé la poire en trois en expérimentant trois modèles dans 15 départements.
Quatre médecins au gouvernement
Aujourd'hui, c'est tout le pôle de l'avenue de Ségur qui a passé le relais. En effet, après 44 jours en poste, le très controversé ex-chef de file des députés LR, Damien Abad, sous le coup d'une plainte pour tentative de viol, est remplacé au ministère de l'Autonomie par deux entrants. La Dr Geneviève Darrieussecq, qui fut ministre des Anciens combattants sous le précédent quinquennat, devient ministre déléguée chargée des Personnes âgées auprès de Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix Rouge, nommé ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées.
Également visée par une enquête après deux plaintes pour viol, la gynécologue Chrysoula Zacharopoulo est, en revanche, maintenue au Quai d'Orsay avec le portefeuille de secrétaire d'État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux. Quant à l'ancien ministre de la Santé, Olivier Véran, il passe du ministère des Relations avec le Parlement au porte-parolat du gouvernement.
Le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement, qui compte donc quatre médecins sur 41 membres, s'est tenu à 16 heures, juste après les passations de pouvoirs en début d'après-midi. Le nouveau ministre de la Santé s'est ensuite dirigé vers le Centre hospitalier intercommunal de Créteil pour visiter les urgences et la maternité.
Article mis à jour à 16h30
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