Après une édition 2020 réduite à portion congrue en raison de la crise sanitaire, c'est dans une atmosphère militante que s'est ouvert ce mercredi 2 juin, pour trois jours, le congrès (virtuel) des urgences 2021. En souffrance depuis des années, sursollicités pendant l'épidémie, les urgentistes attendent un nouveau modèle d'organisation efficace basé sur le service d'accès aux soins (SAS) et un numéro unique d'appel santé.
En ce sens, un grand pas a été franchi le 1er janvier dernier avec le déploiement dans 22 sites pilotes du SAS, cette nouvelle superplateforme de régulation commune au SAMU et à la médecine de ville (pour les urgences et les soins non programmés).
En visioconférence depuis l'avenue de Ségur pour ouvrir le congrès, Olivier Véran a réaffirmé sa détermination. « C'est un modèle auquel je crois fermement », a-t-il déclaré devant le Dr François Braun, président de SAMU-Urgences de France (SUDF), et les Prs Karim Tazarourte et Pierre Carli, respectivement présidents de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et du Conseil national de l’urgence hospitalière (CNUH).
Passe d'armes
Un message politique bienvenu pour les urgentistes hospitaliers alors qu'une récente proposition de loi du député (LREM) Fabien Matras a ravivé l'opposition entre SAMU, pompiers et police autour de la question sensible du numéro unique. Dans son texte original, l'élu du Var proposait en effet d'instaurer le 112 comme numéro unique des appels d'urgence et de secours regroupant les numéros 15 (SAMU), 17 (police) et 18 (pompiers).
Une mesure qui a rendu « furieux » urgentistes et hospitaliers. Le Dr François Braun (SAMU) allant même jusqu'à vilipender une « vision passéiste, archaïque et dangereuse ». Les représentants du SAMU s'inquiètent en effet d'une remise en cause du système français de régulation médicale qui allongerait le délai de décroché des appels et causerait une perte de chance pour les patients. Ils plaident au contraire en faveur d'un numéro unique santé – le 113 – adossé au SAS et qui regrouperait le 15 avec les différents numéros de régulation libérale associés.
« On est tous d'accord pour simplifier, quatorze numéros d'urgence c'est trop ! Mais il ne faut pas simplifier à outrance », expose le Dr Agnès Ricard-Hibon (SFMU) qui craint que l'instauration du 112 ne conduise, par un excès de précaution des régulateurs, à un afflux supplémentaire de patients à l'hôpital qui ne relèveraient pas des urgences. « Aujourd'hui, 70 % des appels urgents relèvent de la santé », complète le Dr François Braun. « Le 112 c'est commander, le 113 c'est rassembler les professionnels de santé », affirme résolument le patron du SAMU 57.
Illustration du climat tendu entre « blancs » et « rouges », le Dr Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a fraîchement réagi sur Twitter à une publication du Dr Agnès Ricard-Hibon. « Navrant d’entendre ce discours populiste, corporatiste et prétentieux », a-t-il lâché.
Navrant d’entendre ce discours populiste, corporatiste et prétentieux, aussi éloigné d’une logique scientifique, prononcé devant le logo de @SFMU_MS par son ancienne présidente.
— Patrick Hertgen (@PatrickHertgen) June 2, 2021
Cultiver le catastrophisme en brandissant des photos hors-sujet est indigne d’une société savante. https://t.co/WydGtWwWDo
Col hors catégorie
Devant le tollé provoqué par sa proposition de loi initiale, le député Fabien Matras a été contraint d'arrondir les angles. Le texte amendé propose trois modèles d'expérimentation : un rapprochement de « l'ensemble des services » (15, 17 et 18), un rassemblement sans « police secours » (15 et 18), ou un simple « regroupement » du SAMU et des médecins de garde en lien avec les autres services d'urgence (15 et permanence des soins). Cette dernière solution étant celle du SAS privilégiée par les représentants du SAMU…
Conscient des enjeux liés à la question du numéro unique, qu'il qualifie avec humour de « col hors catégorie », Olivier Véran salue dans cette version du texte la « position d'équilibre trouvée par le gouvernement ». « Cette expérimentation, c'est une opportunité qu'il nous faut saisir », a-t-il déclaré. Encore une fois, le locataire de Ségur se veut rassurant à l'égard des urgentistes : « Au-delà des positions de chacun, il faut profiter des 22 sites pilotes du SAS pour démontrer que ce modèle, c'est le plus efficace ».
Les représentants des urgences restent toutefois sur leurs gardes avant le passage du texte au Sénat. « Nous attendons de nouveaux amendements, un effort de pédagogie est à faire auprès des élus », prévient le Dr François Braun.
Un million de patients post-Covid aux urgences ?
À l'hôpital, on s'impatiente de voir arriver la clarification promise il y a déjà trois ans lors de la signature du Pacte de refondation des urgences par Agnès Buzyn. D'autant que le contexte de crise sanitaire n'arrange rien. Le Pr Frédéric Adnet, patron du SAMU 93, s'attend même à une déferlante de patients post-Covid. « On s'attend sous six mois à ce qu'au moins un million de patients consultent aux urgences », alerte le PU-PH.
Selon certaines études, 30 % des malades hospitalisés pour Covid présenteront un symptôme nécessitant un recours aux urgences dans les six mois suivant leur hospitalisation. Pour le Pr Adnet, cette prise en charge risque de « devenir un vrai problème de santé publique ».
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