C'est une anecdote significative : à 27 jours (seulement) du premier tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron a dévoilé, le 17 mars, son programme devant les journalistes avant de répondre le lendemain, à Pau, à un panel de Français choisis par la presse régionale. Et à chaque fois, la santé a eu une place de choix – comme jamais dans une course à l'Élysée – et comme chez presque tous les autres candidats.
En coulisses, LREM s'était doté depuis janvier de trois « référents santé » : le Dr François Braun, président du Samu de France, que le parti macroniste est venu chercher, le Dr Sébastien Mirek, anesthésiste-réanimateur à Dijon qui avait rejoint le mouvement dès sa création et Pascale Mathieu, présidente du conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Deux hommes et une femme, une libérale et deux hospitaliers. Le trio – qui ne se connaissait pas au départ – n’a évidemment pas été composé au hasard et illustre l’un des axes du programme d’Emmanuel Macron pour son éventuel second mandat : « casser les barrières » entre les professions.
En réalité, la mission de cette équipe resserrée a consisté à prendre le pouls du secteur – en utilisant des outils similaires à ceux de la campagne de 2017 comme « l'écoute active » – afin d'alimenter les propositions du candidat. « Nous sommes une courroie de transmission », explique le Dr Mirek. Un programme coordonné par le bras droit du directeur de la Cnam, Marguerite Cazeneuve, ce qui fit grincer des dents en interne. Mais le patron de l'Assurance-maladie Thomas Fatôme l’assure : sa directrice déléguée a travaillé pour la campagne sur son temps libre. Tant que ce programme n'était pas connu, le Dr François Braun n'a d'ailleurs pas eu la tâche facile, dans les dernières semaines. Pressé de dévoiler les propositions santé du candidat Macron lors du colloque hospitalier de l’INPH, ce porte-parole avait botté en touche, comme déjà quelques jours plus tôt à Laval, lors des auditions organisées par l'association des citoyens contre les déserts médicaux où il était interrogé en visio. Ce qui lui valut quelques huées agacées du public.
Hauts fonctionnaires
De hauts fonctionnaires ont travaillé sur le programme de la candidate socialiste, Anne Hidalgo, au sein d'un groupe d'une vingtaine de personnes coordonné par Paul Chalvin, directeur délégué du GHT Grand Paris Nord Est et auquel ont participé deux médecins : le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre, membre du Collectif interhospitalier (CIH) et le Dr Bernard Jomier, sénateur parisien et généraliste. Là aussi, l'équipe a beaucoup consulté le terrain. « On ne peut pas construire un projet politique sans tenir compte des professionnels, assure le Dr Jomier. Dans les dernières années, les corps intermédiaires n'ont pas été associés aux décisions et cela a été regrettable ». Ainsi, sur le sujet sensible des déserts médicaux, le programme proposé à Anne Hidalgo ne retenait pas de mesures ouvertement coercitives alors que plusieurs parlementaires de gauche avaient poussé en ce sens, via des propositions de loi. Que ce soit pour la légalisation du cannabis ou la place des complémentaires santé, la marque de la maire de Paris est la « concertation », jure le Dr Jomier.
À droite cette fois, la candidate LR est sans doute celle qui dispose de l'équipe santé la plus touffue. Deux de ses anciens challengers à la primaire sont des experts du secteur que ce soit Xavier Bertrand, ex-ministre de la Santé, ou le Pr Philippe Juvin, chef des urgences de l'Hôpital européen George-Pompidou (AP-HP), qui avait mis la santé au cœur de son propre programme et œuvrait déjà dans l'ombre de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. « Valérie Pécresse m'a donné carte blanche, confie-t-il. J'ai constitué une équipe avec les conseillers des autres candidats à la primaire et nous avons auditionné un grand nombre d'acteurs du secteur ». Point d'orgue de ces consultations : le 22 janvier au QG de campagne, plusieurs dizaines de professionnels et représentants des patients ont été invités à débattre lors de tables rondes thématiques. Des échanges qui ont permis d'affiner les propositions santé de la candidate, dévoilées une semaine plus tard lors d'un déplacement à Oyonnax. Entre temps, Valérie Pécresse a arbitré la hausse du C à 30 euros, mesure annoncée dans un entretien au « Quotidien », le recrutement 25 000 postes supplémentaires à l'hôpital et identifié la pychiatrie, la santé des mères et celle des enfants comme priorités de santé publique.
Collectif d'experts
Au sein du groupe des « Horaces », ce collectif d'experts dont plusieurs seraient issus de la haute fonction publique et qui conseillent Marine Le Pen depuis 2016, le Dr Patrick Barriot est le référent santé. Anesthésiste-réanimateur, il a été PH au CHR de Metz après avoir exercé dans l'armée notamment auprès des Sapeurs pompiers de Paris et il est aujourd'hui directeur médical d'un organisme de DPC. Alors que le corps médical a toujours été historiquement très peu perméable aux idées d'extrême droite, le Dr Barriot assure « avoir reçu un accueil plus chaleureux qu'auparavant » auprès des médecins, comme lors du déplacement de Marine Le Pen au Samu de Paris en novembre. « Le rôle de coordination du médecin traitant est très important mais nous voulons aussi nous appuyer sur les autres professions, des IPA aux podologues, qu'on a tendance à sous-estimer », illustre celui qui estime « avoir fait de son mieux pour étayer le programme et aider la candidate ». En revanche, il n'a « honnêtement jamais évoqué » l'idée de devenir son ministre de la Santé.
À l'extrême droite toujours, c'est la Dr Véronique Rogez, généraliste dans l'Oise interdite d'exercice pour cause de refus de vaccination, qui a inspiré Nicolas Dupont-Aignan et le Dr Alain Durand, chirurgien-dentiste à Toulouse et président du conseil de l'Ordre d'Occitanie qui a conseillé Éric Zemmour.
Think tank
Le Parti communiste français dispose, lui, depuis une quarantaine d'années, d'une commission santé et protection sociale, dans laquelle évolue notamment le Dr Michel Limousin, généraliste retraité et ancien directeur du centre de santé de Malakoff. Cette tête pensante du PCF est membre de la Fondation Gabriel Péri, le think tank communiste, et rédacteur en chef des Cahiers de santé publique et de protection sociale. Dans la commission santé animée par Maryse Montangon, technicienne de laboratoire, on retrouve également la Dr Michèle Leflon, PH bien connue en qualité de présidente de la coordination nationale des comités de défense des maternités et hôpitaux de proximité. Figure aussi dans l'équipe santé la Dr Martine Garrigou, psychiatre retraitée et adjointe au maire de Créteil. C'est cette commission qui a élaboré le programme santé de Fabien Roussel dans lequel la priorité centrale est l'hôpital public, « en crise absolue bien avant le Covid », souligne le Dr Limousin. Un hôpital auquel cette même commission avait consacré un ouvrage en juin 2020, appelant à sa « refondation ».
À La France insoumise (LFI), la coordination du projet santé a été assurée par le Dr Karim Khelfaoui, généraliste à Marseille, auquel a participé la députée Caroline Fiat, aide-soignante. Et pour Europe Ecologie-Les Verts, le volet santé des propositions de Yannick Jadot a été élaboré sous la houlette d'Anne Souyris, adjointe à la maire de Paris, chargée de la santé publique et des relations avec l'AP-HP.
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