Près 900 décès par an sont imputables à l'asthme

Pneumologues et urgentistes alertent : la crise aiguë est évitable

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Publié le 03/05/2018
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Crédit photo : PHANIE

À l'occasion de la journée mondiale du 1er mai et de la semaine de l'asthme, pneumologues et urgentistes s'associent pour rappeler les enjeux d'une prise en charge d'urgence adaptée et soulignent un manque de coordination entre les différents acteurs.

Aujourd'hui, 900 décès par an sont imputables à l'asthme. « Ce n'est pas acceptable dans un pays développé comme la France qui dispose des moyens nécessaires pour éviter ces situations », déplore le Pr Nicolas Roche, président de la société de pneumologie de langue française (SPLF) et pneumologue à l'hôpital Cochin (Paris).

Des facteurs de risque connus et évitables

Les raisons sont multiples : sous-diagnostic, banalisation des symptômes, mauvaise observance, retard de réactions aussi bien des patients que des soignants… Les facteurs de risque tels que les comorbidités et la pollution sont connus. « Tous ces éléments sont identifiables, mais ne sont pas suffisamment prévenus », regrette le Pr Roche. Avec pour conséquence des issues parfois dramatiques, comme en témoigne Laurence Meyer, mère de David, décédé à la suite d'une crise d'asthme à 27 ans. En cause : « Un cumul d'erreurs par manque d'informations », déclare-t-elle.

Les épisodes aigus représentent des situations d'urgence qu'il est essentiel de savoir reconnaître afin de réagir de manière adaptée. Le Pr Roche insiste : « Lorsqu’on ne connaît pas la marche à suivre, mieux vaut réagir par excès que par défaut », soulignant que la prise en charge doit être rapidement médicalisée. Le Dr Gilles Mangiapan, pneumologue au CHIR de Créteil, ajoute : « Il vaut mieux surtraiter un asthme bénin que sous-traiter un asthme qui s'aggrave. Plus on agit tôt, moins les choses s'aggravent. » Le Pr Patrick Plaisance, chef des urgences de l'hôpital Lariboisière (Paris), rappelle la nécessite d'appeler le 15 ou le 112 dès que la situation se dégrade.

Il souligne également le problème de l'« après ». L'étude ASUR, menée en France par le Dr Sergio Salmeron, a révélé que 30 % des asthmatiques refont une crise dans le mois qui suit un passage aux urgences. Selon le Dr Mangiapan, ce chiffre est révélateur d'« un déficit de prise en charge ».

Coordonner, collaborer, communiquer

« Le travail d'éducation doit être mené auprès des patients, de leur entourage, mais aussi des soignants », estime le Pr Roche. Une meilleure coordination entre médecins généralistes, pneumologues, urgentistes et paramédicaux est essentielle. Pour le président de la SPLF, les maîtres mots sont : « Coordonner, collaborer, communiquer ».

« La crise est un événement évitable. Dès lors qu'elle survient, tous les moyens doivent être mis en place afin que le patient soit remis dans un circuit de soins pour éviter la récidive. La prise en charge doit être protocolisée », insiste le Dr Mangiapan. Il ajoute : « Le patient doit être revu dans le mois qui suit une hospitalisation et tout patient doit avoir un plan d'action d'urgence personnalisé ». Les protocoles existent, mais sont insuffisamment mis en place.

Le programme ÉRASME, une étude multicentrique nationale ayant suivi 320 patients sur 10 mois dont les résultats seront publiés prochainement, a montré qu'avec un suivi téléphonique pendant 6 mois assuré par des infirmières dédiées, seulement 9 % des patients ont été réadmis aux urgences en 6 mois et 75 % ont été réintégrés dans un circuit de soins.

Des filières dédiées à la sortie d'urgence

« Au début de l'étude, seulement 20 % des 28 centres avaient une filière dédiée aux patients asthmatiques à la sortie des urgences. À la fin, ils étaient 60 %. ÉRASME a fait prendre conscience de la nécessité d'un travail en filière », note le Pr Roche. En France, l'organisation des soins est très hétérogène et nécessiterait d'être harmonisée. Il souligne par ailleurs l'importance des actions locales : « Il faut des moyens mais aussi de l'imagination ».

Le Dr Mangiapan note également la nécessité d'une cohérence entre les différents acteurs : « Des discordances dans les discours des soignants ont des conséquences délétères ». Pour les femmes enceintes, il met en garde : « Ne surtout pas arrêter le traitement ! La femme enceinte requiert un renforcement de la surveillance, mais les médicaments sont fondamentaux. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) a alerté les professionnels sur l'obligation faite par les autorités de santé d'apposer des pictogrammes "danger grossesse" sur des médicaments de contrôle de l'asthme, ce qui conduit à des situations catastrophiques », déplore le Dr Mangiapan.

Par ailleurs, tous regrettent que le statut de maladie chronique ne soit pas assez reconnu pour l'asthme, ce qui contribue à sa banalisation qui peut s'avérer néfaste. Laurence Meyer a présenté les nouvelles fonctionnalités de l'application smartphone « Crise d'asthme - Agir » : la géolocalisation des services d'urgence les plus proches et un raccourci permettant d'être connecté directement au 15 ou au 115. L'application permettait déjà d'accéder aux cinq règles essentielles à suivre face à une crise d'asthme.


Source : Le Quotidien du médecin: 9662