En marge d'une visite impromptue au CHU de Poitiers (Vienne) lundi 2 septembre, Agnès Buzyn a annoncé une première salve de mesures pour « améliorer la situation » des services d'urgences « en surchauffe ». La ministre se montre déterminée : « On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme ».
La locataire de Ségur cherche à tout prix une issue à la mobilisation inédite qui secoue les urgences depuis six mois. Environ 240 services sont en grève, soit près de la moitié des structures publiques du pays. En début de semaine, plusieurs syndicats de médecins ont rejoint le mouvement (encadré) jusqu'alors mené par les paramédicaux du collectif inter-urgences. Un ralliement qui explique la précipitation des annonces d'Agnès Buzyn, qui n'avait pas prévu de s'exprimer sur le sujet avant le 9 septembre, date à laquelle elle recevra à Ségur « tous les acteurs du secteur ».
Pour contenir le flux des patients aux urgences qui a doublé en 20 ans, la ministre s'est inspirée des premières conclusions de la mission confiée en juin au Pr Pierre Carli, patron du SAMU de Paris, et au Dr Thomas Mesnier, urgentiste et député de la majorité.
Filières d'admissions directes
Pour ce faire, elle regarde surtout vers la médecine de ville et propose d'ouvrir « dès maintenant pour les SAMU la possibilité de déclencher, sous certaines conditions, un transport sanitaire pour emmener un patient vers un cabinet de ville ou une maison de santé ». Certains examens de biologie dite « délocalisée » seront ouverts aux libéraux de manière à « permettre au patient de réaliser ses examens dans le même lieu, à l'issue d'une consultation et d'obtenir un résultat dans des délais courts ».
Consciente que le recours aux urgences est souvent justifié par des raisons financières, Agnès Buzyn veut également rendre obligatoire le tiers payant pour la part Sécu sur « les actes réalisés dans le cadre de la garde des médecins de ville et des maisons médicales de garde ».
À l'hôpital, des filières gériatriques « mieux traitantes » avec admission directe dans les services de médecine seront « généralisées » et financées dans la campagne tarifaire 2020. La régulation médicale de « tous les SAMU » bénéficiera également d'un financement pour s'équiper en matériel de vidéo-assistance, en priorisant les résidents d'EHPAD.
Pour « libérer du temps médical », Agnès Buzyn se tourne aussi vers les paramédicaux. Un diplôme d'infirmier en pratique avancée (IPA) « urgences » sera ouvert dès la rentrée 2020 et deux nouveaux protocoles de coopération pour l'imagerie et les sutures de plaie verront le jour, rémunérés par la prime annoncée en juin (100 euros brut mensuels).
Enfin, des cellules informatisées de gestion des lits – ou bed managers – seront généralisées dans tous les groupements hospitaliers de territoire (GHT), « avec l'objectif de couvrir 50 % des groupements dès l'année prochaine », a annoncé la ministre.
Chemin à parcourir
Directement concernés par ce plan, les libéraux accueillent plutôt favorablement les annonces ministérielles. « Ce sont des revendications de longue date », se félicite le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Celui-ci estime qu'il reste du chemin à parcourir. Il demande une majoration de 15 euros pour les consultations de soins non programmés « qui désorganisent les journées et nécessitent des organisations bien spécifiques ». Celle-ci existe déjà pour les malades adressés à leur médecin traitant (MRT). Le syndicaliste veut l'étendre à tous les patients.
Concernant le tiers payant sur la part Sécu pour les actes de garde, là encore, « on est à mi-chemin », regrette le Dr Duquesnel. « Aujourd'hui, nous faisons déjà le tiers payant sur la part obligatoire, mais il reste toujours au patient à régler la part complémentaire », constate le généraliste mayennais. « Nous demandons un tiers payant total » sur les gardes pour être à armes égales avec les urgences, insiste-t-il.
« Tout cela ne va pas fondamentalement diminuer la fréquentation des services d'urgences », analyse le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Le généraliste d'Ifs (Calvados) sera attentif aux futures annonces de la ministre. Il espère en priorité « le déploiement partout en France d'un numéro distinct du 15 pour les demandes de soins non programmés, le 116 117, en plus d'un mode d'emploi pour la population ».
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