« Faire bouger les lignes » : c’est le pari du Dr Patrick Bouet président de l’Ordre des médecins dont le livre blanc publié cette semaine se présente comme un programme global pour la santé de demain.
Après avoir consulté tous les acteurs et traité les réponses en ligne de 35 000 médecins – un exercice inédit dans son envergure – l’institution dresse un constat implacable : le système français est hyperadministré, verrouillé et cloisonné. Il ne valorise pas assez les missions et l’expertise des médecins (privés de temps médical) et ne met pas non plus en adéquation les compétences et les besoins des territoires.
Sur ces bases, la réforme ordinale s’articule autour de trois axes : organisation territoriale, exercice et formation. Si l’Ordre n’est pas illégitime dans ce rôle, il se situe parfois à la limite de ses prérogatives fixées par la loi.
En finir avec le mille-feuille territorial
Premier frein : l’offre territoriale de santé est complètement morcelée, juge l’Ordre, qui dénombre quatre à six possibilités de prise en charge selon les bassins de vie, sans transversalité. « Une organisation en silos qui ne communiquent pas », dénonce le Dr Patrick Romestaing, vice-président de l’Ordre.
Pour sortir du mille-feuille administratif et rationaliser l’offre, le livre blanc propose de définir un territoire de santé unique, baptisé bassin de proximité santé (BPS). Cet échelon territorial lisible rassemblerait, sur la base du volontariat, tous les acteurs du soin : MSP, pôles de santé, cabinets libéraux isolés, et structures hospitalières de proximité. Chaque BPS devrait faire émerger un projet global de santé et assurer une prise en charge ambulatoire de sa population (soins, prévention, dépistage, prévention en milieu scolaire...). Un comité de pilotage et un comité d’effecteurs regrouperaient l’ensemble des acteurs.
Une aide administrative lisible pour les libéraux
Le projet ambitionne de redonner du temps médical aux médecins en les libérant du joug de l’administratif. « Tout le monde est embolisé par les tâches administratives », résume le Dr Bouet.
L’Ordre propose d’allouer aux praticiens libéraux regroupés dans les BPS une « aide administrative » (grâce à des financements notamment conventionnels) pour l’accueil, la gestion des rendez-vous, les liens avec le médico-social ou l’assurance-maladie, etc. Cette aide peut prendre des formes diverses : plateformes, télésecrétariat, secrétariat mutualisé... L’Ordre appelle aussi de ses vœux une messagerie « sécurisée, unique et interopérable », ainsi qu’un accès pour tous au très haut débit.
Dans un autre registre, le CNOM avance l’idée d’une couverture sociale unique pour tous les médecins (par voie législative). « Tous les modes d’activité doivent se retrouver avec les mêmes modalités d’acquisition de droits », plaide l’institution.
La réévaluation de la rémunération n’est pas oubliée. S’il se garde de fixer le tarif idéal du C, l’Ordre insiste sur la nécessaire revalorisation du paiement à l’acte « figé depuis de longues années ». Pour les médecins salariés, il met l’accent sur la revalorisation en début de carrière. Pour tous les praticiens, l’Ordre suggère que les acquis de l’expérience soient mieux pris en compte dans la rémunération.
À noter que l’Ordre réclame la suppression du caractère obligatoire du tiers payant généralisé (dont le Conseil constitutionnel vient de décider une censure partielle en limitant l’obligation à la part Sécu).
ECN interrégionales et note éliminatoire...
L’Ordre veut en finir avec le numerus clausus, qualifié de « gâchis humain » par le Dr Bouet. Il suggère de le régionaliser, en fonction des besoins des territoires par spécialité et des capacités de formation.
Il préconise d’instaurer un socle commun à toutes les professions de santé en première année (PACES élargie) et d’organiser des stages interprofessionnels dès la deuxième année. Des passerelles doivent être créées avec des équivalences systématiques vers d’autres filières.
Un portfolio propre à chaque étudiant serait ouvert dès la deuxième année, complété jusqu’au DES puis mis à jour tout au long de la vie professionnelle. Il listerait les résultats, stages, expériences et acquisitions de compétences (théoriques et pratiques).
Des épreuves classantes interrégionales (ECIR) remplaceraient les ECN, organisées en 5 grandes régions. Les places disponibles seraient déterminées en fonction des besoins locaux. Nouveauté : l’épreuve comprendrait une note éliminatoire, non précisée dans le document.
Le livre blanc consacre un chapitre à la formation continue et propose surtout un système de recertification tous les six ans. Piloté par l’Ordre lui-même, son contenu serait du ressort des collèges nationaux de spécialités. Cette recertification périodique serait basée sur le DPC du praticien, l’analyse de son activité et celle de son portfolio.
Nourrir le débat de 2017
Le Dr Bouet soumettra ce projet à Matignon lors de la grande conférence de la santé, le 11 février. Il reste convaincu que la loi de santé sera amendée en profondeur, quel que soit le prochain président de la République. Le président de l’Ordre, qui ne fait pas mystère de sa volonté de briguer un deuxième mandat en juin prochain, reconnaît que son objectif est de « nourrir le débat des prochaines échéances électorales en vue d’aboutir à la réforme tant attendue de notre système de santé ».
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