Frappé par une décision ordinale d’un an d’interdiction d’exercice à compter du 1er janvier 2024 pour des manquements en matière de prescriptions et de facturation, ainsi qu’un nombre d’actes excessif, le Dr Patrick Gautheron a rouvert les portes de son cabinet de Fourchambault (Nièvre), jeudi 2 janvier. Pour le plus grand plaisir de ses anciens patients, qui ont retrouvé « leur » généraliste.
Pour mémoire, le médecin de famille de 64 ans, installé à Fourchambault « depuis 1988 », avait vu sa pratique épinglée doublement par l’Assurance-maladie et par l’Ordre des médecins. La première lui reprochait son activité « stakhanoviste », qui le conduisait à recevoir 80 à 120 patients par jour, de 7 heures à 21 heures. Le généraliste nivernais s’était retrouvé à suivre plus de 4 500 patients, affichant l’équivalent de l’activité de deux confrères. De son côté, la juridiction ordinale avait pointé du doigt divers manquements en matière de prescriptions de médicaments « dont l’association est formellement contre-indiquée » et des surfacturations d’actes de week-end et de nuit pour un montant de 68 000 euros.
Lui demande-t-on dans quel état d’esprit il se trouve – excitation, appréhension – en rouvrant son cabinet au bout d’un an, le tacle du Dr Gautheron est immédiat. « Ça vous excite, cette histoire, vous ? ». Le fait de retrouver ses patients, précise-t-on. « Ah ! Ça, oui, j’en suis très heureux. »
L’incompétence politique sur l’accès aux soins m’agace, la Sécu m’énerve
Dr Patrick Gautheron
Pour le reste, glisse-t-il, « l’incompétence politique sur l’accès aux soins m’agace, la Sécu m’énerve ». Il faut dire que l’activité du Dr Gautheron est désormais dans le radar des autorités de santé. Dans la presse locale, sa caisse primaire comme l’Ordre ont indiqué que son exercice serait sous surveillance. L’Assurance-maladie lui a d’ailleurs proposé un accompagnement pour éviter que la situation qui avait conduit à sa suspension ne se reproduise. « J’ai un bracelet électronique », résume-t-il non sans ironie.
Pour autant, le généraliste semble avoir appris de ses erreurs passées. Il a déjà réduit les horaires d’ouverture de son cabinet, qu’il ferme désormais (officiellement) à 18 heures et à l’heure du déjeuner. Fini les journées à rallonge ? Pas si sûr. « Dans activité libérale, il y a libéral. Que ce soient les camps manouches ou les patients que les autres confrères ne veulent ou ne peuvent pas voir, qu’on m’explique ce qu’on en fait ! Appeler les urgences de l’hôpital qui sont surchargées ? », soutient-il, mordicus.
Quant à exercer en collaboration avec de jeunes confrères ou en tant que maître de stage, il ne faut pas exagérer. « Comment voulez-vous que je m’entende avec qui que ce soit avec le caractère que j’ai et la réputation qui est la mienne maintenant ? Téléphonez à Raoult et proposez-lui d’ouvrir un cabinet en prenant des stagiaires… », répond-il.
« J’ai essayé de me laver la tête, de penser à autre chose »
Dr Patrick Gautheron
La seule personne avec qui le Dr Gautheron travaille en toute confiance est son bras droit, sa secrétaire. À tel point que, dès la mi-décembre, en anticipation de la reprise d’activité attendue pour janvier, celle-ci avait déjà commencé à caler toutes les prises de rendez-vous. « C’est pour les patients », confirme celui qui leur avait promis qu’il ne les abandonnerait pas.
Au demeurant, comment a-t-il occupé son année sabbatique forcée ? « J’ai essayé de me laver la tête, de penser à autre chose », évacue-t-il. Admettant toutefois que ses soucis n’étaient jamais très éloignés de ses pensées. Comme la somme de 68 000 euros à rembourser ? « Je l’ai pour l’instant remboursée aux deux tiers. Et ce n’était pas de la fraude dans mes facturations, j’ai fait deux AVC durant la période qui m’est reprochée », affirme-t-il.
Et il aura quand même fallu « près de trois ans pour que la Sécu s’en aperçoive ». Celui qui est redevenu l’unique généraliste de la petite ville de 4 000 habitants ne peut résister à cette dernière petite pique avant de raccrocher. Chassez le naturel…
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