Les médecins ont-ils perdu confiance en leurs syndicats ?
Patrick Hassenteufel : Si on remonte à une époque assez ancienne, on assiste clairement à une érosion de l’audience de ces organisations, avec une baisse notable de la syndicalisation des médecins. Dans les années 1960, celle-ci tournait autour des 60 %. Les dernières enquêtes de représentativité, qui remontent à la fin des années 1990 et au début des années 2000, montrent que l’adhésion des médecins à une organisation s’élevait à environ 25 %. Faute de telles enquêtes aujourd’hui, l’audience des syndicats se mesure par les élections aux URPS. Cela ne donne pas le taux de syndicalisation mais de participation, autre indicateur intéressant. Le fait que la participation ait baissé de 20 points en 20 ans et diminue continuellement met en évidence un éloignement et une certaine défiance, qui n'est pas nouvelle, vis-à-vis de ces organisations syndicales.
Cette défiance s'agrandit-elle ?
P.H. : Il n’y a pas d’élément chiffré depuis 2015. Mais la création depuis quelques années de nouvelles organisations de jeunes médecins révèle un manque de représentativité. Les hommes assez âgés sont en effet sur-représentés dans les instances des organisations syndicales. En tout cas pour les plus anciennes, qui contrairement aux nouvelles ne portent presque aucune trace de la féminisation du métier. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes a actuellement un bureau exclusivement féminin. Ces nouvelles organisations, qui illustrent les limites de représentativité des organisations syndicales établies, émettent aussi des revendications en partie différentes. Moins attachées au libéral par exemple, elles privilégient l’exercice mixte.
Comment expliquez-vous cette érosion ?
P.H. : Avec la CSMF comme seul syndicat jusqu’au début des années 1960, nous sommes passés d’une situation “monopolistique” à une fragmentation très forte. Les syndicats de médecins libéraux se sont multipliés. Un ancien dirigeant de la CSMF m’a parlé d’un réflexe naturel à adhérer à la Confédération. ça faisait partie de l’appartenance à la profession. Cela s’est progressivement perdu avec la concurrence. C’est un paradoxe : plus il y a de syndicats, moins ils ont une audience forte. Avec un syndicat unique, l'identification était plus prononcée. Mais comme dit précédemment, celle-ci a été mise à mal par le leadership quasi exclusif de quinquagénaires (et plus) masculins. Leur focalisation sur la défense du libéral, alors que les enjeux tendent à se déplacer, pose aussi problème. Il y a enfin eu des coordinations, des mouvements constitués en dehors des organisations syndicales comme “Les médecins ne sont pas des pigeons”. Cela traduit une certaine insatisfaction liée au mode d’action des syndicats.
* Professeur de sciences politiques à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Patrick Hassenteufel* : « Plus il y a de syndicats, moins ils ont une audience forte »
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