SIX ANS APRÈS LA LOI du 13 août 2004, qui a institué le DMP, l’annonce de l’ouverture imminente des premiers dossiers laisse un peu sceptiques les professionnels de santé concernés. Il faut dire que le chemin a été semé d’embûches, et qu’à l’enthousiasme des premiers jours ont rapidement succédé le doute et et la désillusion. Juste après l’adoption de la loi, les syndicats libéraux ne tarissaient pourtant pas d’éloges. Michel Chassang, patron de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), estimait alors que « cela fait quinze ans que nous attendions cette mesure, nous n’allons pas bouder notre plaisir ». Le Syndicat des médecins libéraux (SML) était sur la même ligne, ainsi que la Fédération des médecins de France (FMF). Seul MG-France estimait qu’avant de mettre en place le DMP, il fallait commencer « par améliorer l’échange des données entre professionnels » ; il s’agiraitensuite seulement de voir « comment utiliser les moyens technologiques », disait le syndicat.
Quant à Philippe Douste-Blazy, qui voyait déjà le DMP généralisé à l’horizon 2007, il prédisait à l’automne 2004 qu’« avec cet outil, le médecin pourra(it) mieux diagnostiquer, mieux traiter et mieux prescrire ». Le ministre de la Santé de l’époque, un brin optimiste, chiffrait d’ailleurs à 7 milliards d’euros les économies que ce DMP providentiel permettrait de réaliser en 2007... Les événements auront eu raison de ce bel enthousiasme. Dès 2005, les premiers ennuis apparaissent avec le débarquement pour divergences de vues, de Pierre Bivas (directeur du GIP-DMP) par le nouveau ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Le second patron du DMP, Jacques Beer-Gabel, n’en maintient pas moins l’objectif de généralisation du DMP pour 2007.
Le bourbier de la confidentialité.
Si jusqu’en 2006, les expérimentations en régions avancent tant bien que mal, un coup d’arrêt est donné en 2007, lorsque le GIP-DMP, créé pour superviser la mise en œuvre de ce dossier, s’embourbe sur les aspects de sécurité et de confidentialités des données contenues. En 2007, quand Roselyne Bachelot arrive à la Santé, elle commande à l’IGAS un rapport, et confie à Michel Gagneux la présidence de la mission de relance du projet.
C’est en juillet 2009 que naît l’ASIP-Santé (Agence des systèmes d’information partagés de Santé) sur les cendres du GIP-DMP. Comme son nom l’indique, cette agence dispose de compétences élargies à l’ensemble des systèmes d’information partagés. Rapidement, les choses commencent à accélérer. Si le dernier acte du GIP-DMP aura été de publier en mars 2009 les référentiels d’agrément des hébergeurs de données, l’ASIP arrête dès le mois d’octobre suivant le cadre d’interopérabilité des systèmes d’information. Dans la foulée est publié le programme « Identifiant national de Santé », institué une fois pour toutes pour chaque patient tout au long de sa vie. En mars 2010, l’hébergeur est choisi à la suite d’un appel d’offres (Santeos et Atos), et en septembre dernier, l’ASIP publie sa première version des spécifications fonctionnelles et techniques du DMP, permettant ainsi aux industriels de systèmes d’information d’intégrer les services du DMP dans leur offre.
Demain, si tout se passe bien, les premiers DMP verront le jour. Nul doute que nombreux sont ceux qui attendent l’ASIP au tournant, ceux-là même parfois qui encensaient l’initiative en 2004. Dans les tout prochains jours, partout en France, un patient pourra demander à son médecin l’ouverture d’un DMP, pourvu que les logiciels métier de celui-ci soient DMP-compatibles (lire ci-dessous). Échaudée par les précédents, l’ASIP se la joue modeste, et ne prévoit que 2 millions de dossiers ouverts à la fin 2011. Si le médecin n’est pas DMP-compatible, il pourra malgré tout ouvrir un DMP en ligne sur le site www.dmp.gouv.fr, sur lequel il trouvera également la marche à suivre point par point. À l’ASIP-Santé, on ajoute que les médecins libéraux recevront dans les prochains jours une communication sur la façon d’ouvrir un DMP ou d’y accéder.
Bien vu : le Dr Michel Chassang par exemple, déclare « ne rien savoir du lancement prochain du DMP ». La seule chose dont il soit sûr, c’est que ses logiciels métier ne sont pas DMP-compatibles. « Les professionnels de santé n’ont pas été associés au projet », regrette-t-il, prévoyant en conséquence que « les médecins ne se l’approprieront pas ». D’autant que pour le patron de la CSMF, « le DMP ne prendra son envol que lorsqu’il intégrera un volet médical de synthèse ».
Même tonalité chez le Dr Claude Leicher, patron de MG-France. Lui non plus n’est pas encore DMP-compatible, « et je ne suis pas près de l’être » ajoute-t-il, regrettant qu’il n’ait été prévu « aucune préparation des médecins au passage au DMP ». Mais Claude Leicher « déontologie oblige », dispose cependant d’un logiciel lui permettant de réaliser le document de synthèse annuel de chaque patient. Pour le président de MG-France, il y a deux préalables au succès du DMP : la définition claire de ses objectifs de santé publique, et la répartition des rôles dans son alimentation en données de santé.
Il reste que le DMP finira sans doute par s’imposer petit à petit chez les professionnels de santé, mais lentement. Michel Gagneux, président de l’ASIP-Santé, table prudemment sur une généralisation à l’horizon... 2020. Quant aux économies qu’il pourrait générer, plus personne ne se risque à en parler. l’ASIP répète à qui veut l’entendre qu’il n’est pas un outil destiné à réaliser des économies, mais un outil de coordination des soins.
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