ILS ÉTAIENT 60 000 en 2008 ; ils ne sont plus que 56 000 en 2012. Le nombre de médecins généralistes libéraux a chuté ces cinq dernières années, selon les statistiques de l’Ordre des médecins. Au-delà du nombre global d’omnipraticiens formés, c’est l’attrait pour la médecine générale libérale qui est ici en cause.
Une récente enquête de l’Ordre des médecins (avril 2012) sur la répartition et les choix des jeunes médecins généralistes met en lumière les difficultés de la spécialité à recruter des « vrais généralistes libéraux ». Le phénomène semble s’accentuer depuis la création des épreuves classantes nationales (ECN) : sur 12 660 postes d’internes en médecine générale ouverts à ces ECN entre 2004 et 2008, seulement 4 896 médecins ont été qualifiés spécialistes en médecine générale par la voie du nouveau diplôme d’études spécialisées (DES). Et parmi eux, seulement...1 352 médecins se sont effectivement installés en cabinet libéral - soit moins de 11 % du nombre total de postes ouverts aux ECN. Parallèlement, 1 710 jeunes généralistes se tournaient vers un exercice hospitalier, 1 486 vers le remplacement et 348 optaient pour un exercice salarié.
Ce constat durable inquiète certains leaders syndicaux. La semaine dernière encore, le Dr Claude Leicher, président de MG France, a mis le doigt sur les conséquences de cette situation héritée de la baisse du numerus clausus (de la fin des années 1980 au début des années 2000) mais qui s’explique surtout par le manque d’attractivité chronique de la médecine générale libérale, diagnostiquée dans de nombreux rapports. « Désormais, il y a des zones urbaines ou de banlieue où la médecine générale a disparu », constate le chef de file de MG France.
Mutation.
Malgré d’indéniables progrès ces dernières années sur la reconnaissance de la filière universitaire, la discipline demeure « méconnue et mésestimée », explique l’Ordre. Exemple : en dépit de l’instauration dès 1997 d’un stage obligatoire de médecine générale pendant le second cycle, seuls 49 % des carabins réalisent ce stage, selon une récente enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). « Sur les 36 UFR de France, 25 ne permettent pas à l’ensemble de leurs étudiants de réaliser ce stage, précise l’ANEMF. Et parmi les facultés, la moitié propose un stage d’une durée inférieure à la celle d’un stage hospitalier habituel. »
Le manque de perspectives d’évolution de carrière, la crainte d’une « pratique exclusive et isolée » ou le fait de ne pouvoir facilement changer de lieu d’exercice rebutent toujours une partie de la jeune génération.
D’autant que le niveau de revenus moyens, les contraintes administratives et les relations parfois difficiles avec l’assurance-maladie ne contribuent guère à rendre la médecine générale « sexy ». Ce n’est pas un hasard si la mutation de la médecine générale libérale vers des structures d’exercice regroupé et pluridisciplinaire s’accélère et fait désormais consensus.
Enfin, l’inflation de nouveaux titres contribue à la fragmentation de la discipline. En réalité, de nombreux internes de médecine générale ne pratiquent...jamais la médecine générale car ils se spécialisent immédiatement en médecine d’urgence, en gériatrie ou ailleurs. Selon une enquête actuellement menée par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), entre 30 et 35 % des internes de médecine générale à Paris, s’inscrivent dans un diplôme complémentaire (DESC) de médecine d’urgence. Ce chiffre est deux fois moindre en province. Tous ces internes ne deviendront pas urgentistes mais on assiste à une dispersion des omnipraticiens dans diverses disciplines.
Où sont-ils passés ?
Faut-il s’alarmer ? Emmanuel Bagourd, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) relativise le déficit d’installations libérales constaté par l’Ordre. « Si seulement 4 900 internes sur 12 600 formés se sont installés en ville, en salariat ou font du remplacement, que sont devenus tous les autres ? », glisse-t-il. En fait, de nombreux postes ouverts n’ont pu être pourvus pour la simple raison qu’il y avait moins de candidats que de postes entre 2004 et 2008. Ce qui repose le problème de l’attractivité insuffisante de cette discipline et de son exercice libéral.
Par ailleurs, un nombre important d’internes des promotions 2007 et 2008 attendent de passer leur thèse. Ils disposent de 3 ans pour le faire à l’issue d’internat. Selon Emmanuel Bagourd, l’étude de l’Ordre comporte des biais. « L’installation réelle en libéral est largement sous estimée », juge-t-il.
Selon une enquête de l’ISNAR-IMG réalisée l’an dernier, seulement 20 % des internes en médecine générale avaient envie d’être salariés, 80 % souhaitant une activité libérale et mixte. Il faudra donc analyser les installations libérales à moyen terme. « Ce n’est pas tant le manque de volonté d’installation qui est en cause mais le fait qu’on ne propose pas assez de postes qui correspondent aujourd’hui aux aspirations des internes », analyse Emmanuel Bagourd.
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