Affaire des prothèses PIP

L’AFSSAPS doit parer aux attaques

Publié le 18/01/2012
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Crédit photo : AFP

QUELLE EST la nature des dysfonctionnements survenus dans l’affaire des prothèses PIP ? Attendus d’ici à la fin du mois, les rapports de la Direction générale de la santé et de l’AFSSAPS devraient permettre d’éclairer les zones d’ombre de ce dossier qui toucherait, au niveau mondial, entre 400 000 et 500 000 femmes. Si personne aujourd’hui ne conteste la fraude (revendiquée ouvertement par le fondateur de la société, Jean-Claude Mas), certains remettent toutefois en question le rôle de l’AFSSAPS, lequel se borne, en ce qui concerne les dispositifs médicaux, à la surveillance du marché et des incidents de matériovigilance.

Il y a peu, c’est un chirurgien marseillais, le Dr Christian Marinetti, qui indiquait avoir prévenu l’agence dès 2008 d’un taux anormal de ruptures de prothèses PIP, soit environ deux ans avant la suspension officielle des implants, le 29 mars 2010. Le député PS Gérard Bapt, qui, en tant que rapporteur spécial de la mission Santé à l’Assemblée nationale s’est déplacé au siège de l’Agence, a convenu qu’il y avait eu peut-être « un retard à l’allumage » de deux ou trois mois. « On n’est pas du tout dans le cas du Mediator », où l’inertie de l’AFSSAPS avait été montrée du doigt.

Un inspecteur perspicace.

« Par contre, j’ai noté que, comme pour le Mediator, l’AFSSAPS était la "grande muette", c’est-à-dire qu’elle ne répondait pas aux médecins notificateurs ». Ces derniers n’étaient pourtant pas si nombreux, regrette le député qui dénonce la « sous-notification extraordinaire des événements indésirables » concernant les prothèses PIP : 5 déclarations de rupture en 2007, 21 en 2008, 32 en 2009. « Une fois que le produit a été retiré, on passe à 212 en 2010 et au seul premier trimestre 2011, on est déjà à 300 », précise-t-il en rendant grâce finalement à la « perspicacité » du contrôleur de l’AFSSAPS. Ce dernier raconte, sous couvert de l’anonymat, comment il est tombé par hasard, au deuxième jour de sa mission d’inspection, sur des « fûts suspects » de silopren, une huile de silicone non autorisée pour un usage médical. Alors qu’il est attendu sur un autre site, l’inspecteur retourne sans prévenir sur le premier lieu visité et s’aperçoit de la supercherie notamment grâce au souvenir d’une photo transmise quelques semaines avant par un ex-salarié de l’entreprise. Si, par la suite, certains employés ont affirmé que certaines prothèses contenaient bien du gel médical, l’AFSSAPS indique que, face au manque de traçabilité, on ne peut faire confiance à aucune prothèse PIP. L’escroquerie était « démoniaque », estime Gérard Bapt.

La toxicologie en question.

Les contrôles effectués sur le gel employé par PIP ont conduit l’AFSSAPS a écarté un « effet génotoxique » même si « le suintement anormal d’un gel particulièrement irritant pourrait être un facteur de risque d’apparition » d’un lymphome anaplasique à grandes cellules. Toutefois pour Claude Reiss, ancien directeur de recherche au CNRS et président de l’association Antidote Europe, l’évaluation par l’AFSSAPS du risque génotoxique ne serait pas « pertinente ». « Les tests de génotoxicité sur rongeurs sur lesquels se fondent les décisions de l’AFSSAPS sont, pour les humains, au mieux sans intérêt, au pire gravement dommageable car ils peuvent masquer la toxicité réelle d’une substance chimique ». L’une des raisons pour lesquelles le scientifique déplore l’utilisation du test des comètes et celui du micronoyau - qui permettent de mesurer les cassures double brin de l’ADN induites directement par un agent génotoxique -, est que « ces cassures se maintiennent selon des mécanismes spécifiques d’une espèce animale et peuvent donc être très différentes entre souris et humains ». Et de conseiller à l’AFSSAPS d’adopter des méthodes d’évaluation des risques par génomique sur des cellules humaines en culture. « Cette évaluation est valable pour l’homme, rapide et moins cher », affirme-t-il. Cependant, Fabrice Messlany, qui dirige le laboratoire de toxicologie génétique de l’Institut Pasteur de Lille, ne partage pas le même avis : « l’AFSSAPS, qui s’est auto saisie, a pris le problème à bras-le-corps et a elle-même financé les études complémentaires. Sur ce plan, elle est irréprochable ». Qualifier le test des comètes de grossier « est une hérésie puisqu’au contraire il est réputé comme étant presque trop sensible. On ne connaît même pas le devenir des lésions primaires de l’ADN qui sont détectées très en amont ». Par ailleurs, conclut le toxicologue, personne ne sait aujourd’hui évaluer une modulation de gène ni l’interpréter.

 STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9068