Tous les deux ans, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) publie ses atlas régionaux de la démographie médicale. Dans cette édition 2015, « la tendance de nos travaux précédents se voit globalement confirmée, notamment concernant l’augmentation du nombre de médecins retraités et la féminisation des jeunes générations », note le Dr Jean-François Rault, président de la section santé publique et démographie médicale du CNOM.
L’Hexagone tranché en deux
Ces atlas dessinent une carte de la France médicale à deux vitesses, avec une façade atlantique et une façade Est où les effectifs médicaux en activité sont en hausse sur la période 2007-2015 (à l’exception notable de la région PACA où ils sont en reflux), et une grande bande centrale allant de la Picardie à la région Midi-Pyrénées, où ces effectifs reculent.
L’analyse au seul niveau régional n’est pas toujours suffisante. En Poitou-Charentes par exemple, les effectifs médicaux sont en hausse, mais uniquement grâce aux médecins retraités. Sans cet apport purement statistique, entre 2007 et 2015, le nombre de médecins en activité décroît (- 0,3 %), sauf en Charente-Maritime (+ 5,4 %) et dans la Vienne (+ 2,8 %).
La région Nord-Pas-de-Calais s’illustre par une relative bonne santé démographique au cours de la même période (+ 1,8 % au niveau régional). Mais si le département du Nord voit le nombre de ses médecins en activité croître de 3,8 %, le Pas-de-Calais baisse de 2,7 % sur la même période.
Pour le Dr Jean-François Rault, cette carte de France de la présence médicale recoupe celle de l’attractivité des territoires. Les régions où les médecins s’installent, analyse-t-il, sont celles où les réseaux routiers et autoroutiers sont denses, où le foncier reste abordable et où les conjoints peuvent sans trop de mal trouver une activité.
Hiatus entre les effectifs médicaux et le nombre d’habitants
Dans certaines régions, la baisse annoncée du nombre de médecins d’ici à 2020 s’accompagne d’une hausse prévue de la population. Exemple avec la Bourgogne où l’effectif des praticiens devrait baisser de 2,3 % (en Saône-et-Loire) à 10 % (dans la Nièvre) au cours de cette période. Dans la région, seule la Côte-d’Or fera exception avec une hausse prévue de 1,3 % du nombre de médecins. Dans le même temps, la population va croître sensiblement, (5,9 % en Saône-et-Loire, 4,9 % dans la Nièvre, 5,1 % en Côte-d’Or) accentuant les problèmes d’accès aux soins.
Les généralistes désertent l’Ile-de-France et PACA
Contrairement à une idée bien ancrée, ce ne sont pas les zones rurales que les généralistes quittent en priorité. Sur la période 2007-2015, leur population a baissé de 16,9 % en IDF et de 14,2 % en PACA, deux régions où les zones rurales ne sont pas majoritaires. À l’inverse, leur population n’a baissé que de 3,2 % en Corse, de 4,7 % en Franche-Comté et de 6,3 % en Bretagne, régions où les zones rurales ne sont pas rares.
Les praticiens actifs pris en tenaille
La France n’a jamais compté autant de médecins mais les praticiens retraités n’ont jamais été aussi nombreux (23 % du total des effectifs). Dans certaines régions, leurs effectifs sont appréciables. En PACA, ils représentent 26,3 % des effectifs totaux, et 25,6 % en Ile-de-France (contre 23 % en moyenne sur le territoire).
Par ailleurs, dans certaines régions, les praticiens de moins de 40 ans sont bien moins nombreux que ceux de plus de 60 ans, prenant en tenaille ceux qui sont au milieu du gué. Ainsi en Corse, les jeunes praticiens ne constituent que 8,7 % de la population médicale alors que les plus de 60 ans en représentent 32,5 %. La situation n’est guère plus brillante en région Centre. Les moins de 40 ans y représentent 14 % de la population médicale, et les plus de 60 ans 28,7 %. En Ile-de-France, le ratio est de 15,9 % contre 29,5 %. Ces chiffres établissent que, sauf imprévu, les jeunes générations ne suffiront pas à combler l’espace laissé vacant par le départ de leurs aînés. Jean-François Rault le confirme, « l’effet de la hausse du numerus clausus ne se fera sentir qu’à partir de 2020 ». D’ici là, il préconise de « repérer les bassins en souffrance » afin de prendre dans ces zones des mesures incitatives spécifiques.
Une rapide féminisation
Les femmes sont en passe de devenir majoritaires dans la profession. D’ores et déjà, elles constituent le gros des troupes des dernières promotions de médecins (58 % des nouvelles inscriptions à l’Ordre en 2014, France entière). Elles représentent 73,7 % des nouveaux inscrits dans l’Aveyron, 71,4 % dans la Creuse, 70,9 % dans l’Hérault et 68,3 % en région Midi-Pyrénées. Au sein de la population médicale de moins de 45 ans, elles sont 61,3 % en IDF, 60,7 % en Midi-Pyrénées et en Rhône-Alpes et 60,2 % en Pays de la Loire et en Bretagne.
Pour l’Ordre, « il ne faut pas avoir peur de la féminisation ». Le Dr Rault rappelle que chez les jeunes générations médicales, la façon de travailler des femmes et des hommes s’est considérablement rapprochée. « Aujourd’hui, une femme médecin travaille à peu près autant qu’un de ses confrères », conclut-il.
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