Le directeur de l’Assurance-maladie s’explique sur tous les sujets chauds

ROSP : « 4 700 à 5 000 euros de prime par médecin »

Publié le 05/12/2013
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Crédit photo : S TOUBON

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Le moment n’a pas été choisi au hasard. Alors que la médecine libérale doute de son avenir et fait face à des changements majeurs, le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, prend le temps de l’explication sur les sujets chauds. Dans un entretien au « Quotidien », il annonce une nouvelle prime de « 4 700 à 5 000 euros » au titre de la rémunération sur objectifs de santé publique (2013) mais juge les progrès « trop lents ».

Il revient sur le lancement compliqué du contrat d’accès aux soins, taclant les représentants des cliniques et des complémentaires. Il confirme sa stratégie prioritaire du dialogue sous pression pour empêcher les pratiques tarifaires abusives de quelques centaines de médecins. Et précise le calendrier des négociations 2014 sur les rémunérations des équipes... En revanche, il ne devrait pas y avoir d’autres revalorisations tarifaires.

LE QUOTIDIEN – Quel bilan tirez-vous de la deuxième année de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Quel sera le montant du « bonus » moyen des médecins ?

FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM – La prime des médecins traitants sera légèrement supérieure à l’année dernière [4 752 euros], probablement entre 4 700 et 5 000 euros par médecin. Globalement les résultats sur les trois premiers trimestres 2013 sont un peu meilleurs que l’année dernière. Certains indicateurs évoluent très positivement. C’est le cas par exemple du suivi des patients diabétiques avec des progrès substantiels enregistrés sur les dosages de l’hémoglobine glyquée ou sur la couverture des patients diabétiques à risque cardiovasculaire sous statines. En revanche, le suivi ophtalmique des patients diabétiques stagne et c’est potentiellement une perte de chance pour ces patients. L’avenant 11 met en place la possibilité de la télémédecine pour le suivi de la rétinopathie diabétique. J’ai demandé à 14 caisses primaires d’organiser rapidement une expérimentation sur ce sujet en lien avec les ARS.

Y a-t-il des résultats de santé publique qui vous déçoivent ou qui sont alarmants ?

Sur la grippe, les premières données nous laissent penser que la campagne 2013 se déroule mieux que celle de l’an passé avec un nombre de vaccins délivrés plus important. Malgré la priorité accordée par les pouvoirs publics, cela fait plusieurs années que la prévention stagne. Par rapport aux objectifs (75 % de couverture), nous avons du pain sur la planche et il serait souhaitable que les logiciels des généralistes puissent disposer en temps réel de l’information sur la délivrance du vaccin à leurs patients. Par ailleurs les médecins traitants jouent un rôle majeur pour battre en brèche certaines idées reçues sur les vaccins...

Concernant le dépistage par mammographie, les résultats sont très variables selon les départements. Certains progressent bien, jusqu’à 10 %, d’autres régressent. Nous sommes un peu moins bons que la moyenne de l’OCDE. Malgré les campagnes, le dépistage du cancer du sein recule chez les patientes de 50 à 74 ans et c’est préoccupant. Il faut une action volontariste des médecins traitants, des gynécologues et des radiologues libéraux pour améliorer ce résultat. S’agissant du cancer du col, nous sommes également en léger recul.

Cela dit, on sait que ce type de rémunération sur objectifs conduit à des évolutions de comportement à un rythme d’environ 3 % par an. Le défi est d’accélérer et surtout de réduire les disparités territoriales.

Quid du taux de prescriptions en génériques et de la hiérarchisation des prescriptions ?

En ce qui concerne les génériques, certains indicateurs ont été favorisés par l’élargissement du répertoire. Sur les IPP par exemple, nous avons désormais atteint le résultat cible.

Pour les antibiotiques, nous constatons une baisse très intéressante de la prescription pour les patients de 16 à 65 ans sans pathologie lourde. Cette diminution de la prescription d’antibiotiques sera relayée par la campagne récemment lancée par la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Traditionnellement, le Nord-Est de la France et le Centre sont très prescripteurs...

Les résultats sont bons également concernant la part des patients traités par benzodiazépines qui continue de baisser. Les médecins ont aussi retourné la tendance sur la durée de traitement par benzodiazépines, c’est une bonne nouvelle.

Tous indicateurs confondus, quel est votre jugement après deux ans de paiement à la performance ? Des ajustements de la ROSP sont-ils prévus ?

Nous sommes en progrès par rapport à nos objectifs mais ces progrès me paraissent trop lents. Nous avons ouvert un groupe de travail pour engager une réflexion sur l’évolution de la ROSP. La Ministre a souhaité que les indicateurs soient enrichis en lien avec les objectifs de la Stratégie nationale de santé. Une réflexion est envisagée sur l’élargissement de la ROSP au dépistage du cancer du côlon avec le nouveau test immunologique. D’autres objectifs pourraient être intégrés, par exemple pour la prescription des nouveaux anticoagulants oraux.

Quant à l’extension de la rémunération sur objectifs à d’autres spécialités, après les cardiologues et les gastro-entérologues, nous devons faire le point en priorité avec les endocrinologues et les pédiatres. Ensuite, je souhaite avancer avec les chirurgiens ostéoarticulaires sur le parcours de soins, la chirurgie ambulatoire, la prise en charge à domicile, les prescriptions d’arrêts de travail... On pourrait imaginer un contrat spécifique avec des objectifs de santé publique sur les plateaux techniques.

Le déficit prévisionnel 2014 de l’assurance-maladie reste très élevé (-6,2 milliards d’euros). Le retour à l’équilibre est-il envisageable dans les prochaines années ?

Le panorama de l’OCDE montre que la France maîtrise bien l’évolution de ses dépenses de santé depuis plusieurs années. Les dépenses pharmaceutiques, de biologie et d’arrêts de travail sont quasiment étales. Notre problème, ce sont aussi les recettes. Tout ce qui peut favoriser la croissance et la compétitivité de notre pays participera à l’équilibre de l’assurance-maladie obligatoire. Sans croissance, nous aurons du mal à restaurer des marges de manœuvre. Mais gardons à l’esprit que même dans ces temps difficiles, la santé reste un secteur préservé, y compris pour les professionnels.

Résultats de la rémunération sur objectifs de santé publique (fin septembre 2013)

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PROPOS RECUEILLIS PAR CYRILLE DUPUIS ET CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9286