DIX MOIS après la signature de l’avenant 8 qui a encadré les dépassements d’honoraires, la caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) est entrée dans le vif du sujet, en brisant pour des centaines de médecins la torpeur estivale. Tandis que dans les territoires, ses représentants vantent les mérites du contrat d’accès aux soins (le CAS, proposé aux praticiens de secteur II pour réguler leurs dépassements, doit officiellement être lancé le 1er octobre), la caisse vient d’adresser à 554 médecins à honoraires libres des courriers d’avertissement. Les praticiens épinglés pratiquent des dépassements supérieurs à 150 % du tarif Sécu, repère retenu dans l’avenant 8. Selon le décompte réalisé par l’assurance-maladie, ce sont très exactement 105 médecins à exercice particulier (MEP), 101 chirurgiens, 77 généralistes, 69 gynécologues, ou encore 49 ophtalmologues qui ont été mis à l’index. A l’hôpital, 85 praticiens sont visés pour leur activité libérale. Les destinataires de la missive exercent pour une grande part en Île-de-France (264, dont 143 à Paris).
Dans ce courrier, le praticien apprend qu’une analyse de ses « pratiques tarifaires potentiellement excessives » a été effectuée « sur la période du 11 mars au 30 avril 2013 », puis comparée avec « la tendance observée sur l’année 2012 ». Le médecin a deux mois pour revoir ses tarifs à la baisse. Si aucune évolution n’est constatée, son dossier sera renvoyé devant une commission paritaire régionale entre octobre et décembre. Les contrevenants s’exposeront à des sanctions allant de la suspension de la prise en charge des avantages sociaux à la mise hors convention mais les médecins disposeront de plusieurs recours durant la procédure.
Intimidation.
Même connue (car inscrite dans l’avenant 8), cette opération d’envergure agace autant les médecins qu’elle ne les effraie. Plusieurs chirurgiens libéraux mis en cause, contactés par le Quotidien, ont refusé de témoigner. Le syndicat le BLOC, estime que la CNAM « met en place un climat d’intimidation plutôt qu’un vrai système de régulation des dépassements ». « La caisse allume des contre-feux pour détourner les médias et les patients du vrai problème : la revalorisation des tarifs », peste le Dr Xavier Gouyou-Beauchamp, secrétaire général du BLOC.
Autre syndicat non-signataire de l’avenant 8, la Fédération des médecins de France (FMF) ne dit pas autre chose : « Assez de cette esbroufe de première ! Le problème de fond reste la sous-cotation des actes. Réglons le une bonne fois pour toutes ! », tonne le Dr Benoît Feger, à la tête de la branche « spécialiste » (FMF-US).
Seconde vague.
D’autres voix syndicales sont plus nuancées. S’il se dit « surpris » par le calendrier retenu par la CNAM, le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) veut calmer les passions autour de « cette affaire de lettres ». « Frédéric van Roekeghem peut s’agiter autant qu’il le souhaite, n’oublions pas qu’il ne peut y avoir sanction sans décision en bonne et due forme de la commission paritaire nationale (CPN). »
Pour sa part, le Dr Alain Faye, secrétaire général du syndicat national de défense de l’activité libérale à l’hôpital (SNDELMH) appelle à « prendre la mesure des choses ». « 85 médecins avertis sur les 4 800 qui exercent en libéral à l’hôpital, c’est loin d’être une large majorité. De plus, les médecins ont été contactés avec courtoisie. La plupart d’entre eux ont prévu de réduire leurs compléments d’honoraires d’ici à 2015 ».
La CNAM ne compte pas en rester là. Une deuxième vague de courriers, visant les 5 % de praticiens qui, dans chaque département, dépassent de 100 % à 150 % le tarif Sécu démontre le contraire. Cette initiative de la caisse, qui n’était pas explicitement inscrite dans l’avenant 8, commence à faire grincer des dents. Cet épineux sujet sera abordé lors de la prochaine CPN, le 12 septembre.
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