« Je n'avais rien vu venir : il était prêt à prendre rendez-vous et à discuter avec ma remplaçante. Il semblait être attaché à des valeurs, aux patients et à vouloir faire de la médecine de campagne comme j'aime », raconte au « Quotidien » le Dr Philippe Boulland, 66 ans. Las, le médecin généraliste installé depuis 39 ans dans une maison de santé pluriprofessionnelle à Betz (Oise) a été victime d'une extravagante supercherie, qu'il a heureusement démasquée.
Voulant partir à la retraite en 2020, le praticien, également ancien député européen, se démenait depuis plus de cinq ans pour dénicher un successeur. Annonces dans les facs du nord de Paris, recours à des agences privées et même intervention au journal de 13 heures de TF1 dans la séquence « SOS villages », mais en vain. Le généraliste a dû poursuivre son activité en 2021 dans cette petite commune.
Médecin fantôme
Mais un jour, lors d'une téléconsultation, un jeune homme, Romain G., se présente comme interne en médecine travaillant à l'hôpital de Châteauroux. « Je lui ai donc parlé de mon cabinet et de ma recherche d'un remplaçant, explique le Dr Boulland. Je lui avais demandé s’il ne connaissait personne qui pourrait correspondre au profil. » Quelques jours plus tard, l'individu le contacte à nouveau pour lui dire qu'il serait lui-même intéressé de reprendre le cabinet. Face à cette candidature potentiellement prometteuse, le Dr Boulland lui demande de lui fournir une licence de remplacement.
Les choses commencent à tarder. Le jeune homme prétend qu’il ne peut pas obtenir le précieux sésame car le conseil de l’Ordre de l’Indre est injoignable. « J'ai pris le taureau par les cornes et appelé l'Ordre en décembre, raconte le Dr Boulland. Après une semaine, quelqu'un m'a expliqué qu’en réalité aucun Romain G. n’était répertorié ! » Contacté également par « Le Quotidien », l'Ordre des médecins de l'Indre confirme les faits. « Nous avions vérifié sur le fichier national des médecins et sur celui des étudiants, déclare le Dr Christian Moreau, secrétaire général de l'Ordre de l'Indre. Nous avions vu tout de suite qu'il n'y avait pas d'interne en médecine sous ce patronyme. »
Dramatique
L'affaire ne s'arrête pas. En enquêtant sur ce faux interne, l'instance ordinale a découvert que l'escroc n'en était pas à son coup d'essai et avait déjà sévi dans le Pas-de-Calais. L'Ordre a donc décidé de poursuivre pénalement l'individu pour usurpation de titre de médecin et d'interne. « L’affaire n’est heureusement pas allée plus loin, précise le Dr Christian Moreau. Mais que se serait-il passé s’il était parvenu à ses fins ? Les conséquences auraient pu être dramatiques pour les patients. »
Pour éviter ce type d'arnaque, l'Ordre appelle les médecins à être très vigilants lorsqu'ils sont contactés pour une succession ou des remplacements. « Ils doivent impérativement contacter l'Ordre départemental qui a des moyens pour une vérification nationale. » De son côté, le Dr Boulland s'associe à la plainte ordinale et appelle l'institution garante de la déontologie à être « plus réactive » dans le traitement des dossiers.
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