Enquête

Comment vos logiciels vont s’adapter à la nouvelle convention

Publié le 29/09/2011
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C’est écrit noir sur blanc dans le document de la CNAM. Le volet sur l’« organisation du cabinet et la qualité de service » de la nouvelle convention, entend « favoriser une dynamique, l’informatisation et la modernisation des cabinets médicaux, pour permettre à la fois un meilleur suivi de la patientèle et une amélioration du service pour les patients ».

Une évolution importante pour les éditeurs

Ce volet concerne autant les généralistes que les spécialistes. On peut critiquer le principe du paiement à la performance (P4P) mais pour les éditeurs de logiciels de gestion de cabinet, la nouvelle convention, c’est du pain béni devant lequel ils ne font pas la fine bouche. « C’est la première fois, relève le Dr Éric Jarousse, chez Cegedim Logiciels Médicaux (CLM), que l’on donne officiellement une réelle place à au dossier patient informatisé dans le cadre du cabinet médical. Pour un éditeur, c’est une évolution importante ». Jusqu’à présent, en effet, le médecin n’avait été incité par l’assurance-maladie qu’à la télétransmission des FSE et à l’utilisation des téléservices, dans une logique comptable, qui reste présente. Puisqu’atteindre 66 % de télétransmission est la première condition pour être éligible au P4P ! Mais en proposant en outre au médecin de respecter un certain nombre d’indicateurs, la convention l’incite à mieux soigner ses patients en rendant évident l’usage de l’informatique.

« C’est très bien », se réjouit Marilyne Minault (Imagine Éditions, Hellodoc). « On a pris un bon tournant », confirme Nicolas Calloix (CompuGroup Medical, Axisanté). Tous les membres de la FEIMA (fédération des éditeurs en informatique médicale et paramédicale ambulatoire) qui regroupe CLM, Imagine Éditions (Hellodoc), CBA, Aatlantide, RM Ingénierie et à nouveau Axilog sont unanimes.

« Je suis ravi que la convention récompense les médecins qui tiennent des dossiers de santé électroniques et qui s’acquittent des contraintes réglementaires avec des logiciels à jour, se félicite Thierry Kaufmann (Prokov Éditions, MediStory), Il y a bien longtemps que, comme d’autres éditeurs, nous en soufflons l’idée ». « Sur le fond, c’est juste un super CAPI mais la grande nouveauté c’est l’informatisation des PS, souligne-t-on chez Sephira. Le groupe Sephira etProkov font partie de LESSIS (Les entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux) qui a salué dans un communiqué « les avancées négociées par les partenaires conventionnels » et la consécration de « l’outil informatique comme un indispensable levier d’efficience au service du bien-être de nos concitoyens ». Tout en rappelant que « le succès de ces outils conventionnels dépendra étroitement de la capacité des différents acteurs en lice à œuvrer ensemble de manière concertée ».

Un éditeur de taille plus modeste comme Ouvrez-la-Boîte (Shaman), reste prudent. « Cela laisse augurer une demande qualitative de la part des médecins. C’est positif sur le principe mais, souligne Yves Martin, cette convention ressemble à un grand loto. Je dis aussi wait and see ».

Des réunions avec la CNAM pour adapter les logiciels

Pour assurer le succès de la convention, les éditeurs sont en première ligne et devront adapter leur offre aux nouvelles exigences. Des réunions avec les syndicats ont déjà eu lieu. Et la CNAM a prévu deux réunions les 22 septembre et 6 octobre. Certains éditeurs sont visiblement plus prêts que d’autres. Ainsi, CLM n’hésite pas à déjà afficher sur son site web, « avec les logiciels CLM vous êtes éligibles au paiement à la performance qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 ». Les autres s’activent pour la fin de l’année.

Examinons les différents points du dispositif pour lequel ne sont éligibles que les médecins tététransmettant 66 % de FSE.

Tenue du dossier médical informatisé = 75 points(525 euros)

Il ne s’agit pas d’un dossier administratif mais bien de saisir les données cliniques permettant le suivi individuel de la patientèle. Le dossier patient est au cœur de tous les logiciels métiers mais les éditeurs ont toujours estimé qu’une partie de leurs utilisateurs n’utilisait qu’incomplètement cette fonction. Par ailleurs, une part non négligeable des médecins informatisés ne se sert de l’ordinateur que pour la télétransmission et/ou la comptabilité. Moyennant quoi, les points seront acquis par déclaratif du médecin.

Utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription certifié = 50 points (350 euros)

Cette incitation, qui couvre largement l’abonnement à la base de données de médicament agréé (20 euros/mois) était attendue par la Haute Autorité de Santé chargée de la mise en place de la procédure de certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP). Le 12 mars 2010, Étienne Caniard, l’actuel président de la Mutualité Française alors président de la commission qualité et diffusion de l’information médicale de la HAS, déplorait dans nos colonnes, le peu de succès rencontré par la certification. Après l’agrément obtenu par les bases de données médicamenteuses (BCB, Vidal, Thériaque et Thesorimed), les éditeurs ne se sont pas bousculés pour entrer dans un processus jugé coûteux. Le premier certifié, AlmoPro ne comptait que 350 utilisateurs. La certification de Crossway Premium (CLM) le 5 avril 2011 a ouvert la voie. Et CLM (23 000 clients médecins) compte bien poursuivre avec MédiClick.

Mme Minault, après avoir participé au groupe de travail de la HAS, attendait une incitation pour se lancer : « Jusqu’à présent il n’y avait pas de modèle économique. C’est prêt dans la nouvelle version d’Hellodoc avec les bonnes API. Je vais faire le dépôt du dossier en début d’automne en visant une certification avec Vidal Expert avant la fin de l’année. » « Nous intégrons déjà les nouvelles API Vidal certifiées HAS et prévoyons que notre logiciel Medicawin sera complètement certifié début 2012 au plus tard », assure Sophie Buet chez Sephira.

Pour Prokov Éditions cela tombe bien, car la version 2011 de MédiStory, qui sortira fin septembre après trois années de gestation, offre à la fois une ordonnance qui applique le référentiel de la HAS et de nouvelles fonctions de recherche, plus instinctives et faciles à formuler, pour détecter des patients sur des critères de suivi : pathologie, biologie, traitement. « Après sa sortie, nous solliciterons la certification de l’ordonnance. »

En revanche, chez Axilog (CompuGroup Santé) la situation générée par la création d’un bandeau d’information dans la zone de l’ordonnance, téléchargée dans le logiciel AxiSanté avec la dernière mise à jour apparaît pour le moins délicate. Ce bandeau présente soit des recommandations officielles comme des fiches de bonnes pratiques de la HAS, soit des informations produits délivrées par les laboratoires dans le contexte de la prescription. « Cela va à l’encontre de la certification, reconnaît Nicolas Calloix, mais ce n’est pas interdit par la loi du 13 août 2004. Nous allons prendre contact avec la HAS. » L’apparition de ce module a suscité une certaine polémique dans les clubs d’utilisateurs et l’éditeur a mis en place une procédure de désinstallation pour les médecins qui n’en voulaient pas. Selon l’éditeur, seulement 70 utilisateurs l’ont désactivé.

« On est entrain de passer la certification avec Vidal » (ICT-Chorus). Nous n’avons pu interroger tous les éditeurs, mais il est clair qu’encourager la certification va « booster » l’utilisation des bases de données agréées, alors que le CD Vidal gratuit reste de loin le plus utilisé dans les cabinets médicaux informatisés.

Télétransmission et utilisation des téléservices = 75 points (525 euros)

Cet intitulé se substitue aux dispositifs de primes à la télétransmission et aux téléservices (voir encadré) applicables depuis le 1er janvier 2011. A noter télétransmission et téléservices sont désormais liés dans le même paquet. Ce qui impose aux médecins pratiquant la télétransmission sans ordinateur d’être équipés avec une liaison Internet.

L’utilisation des téléservices et du nouvel Espace Pro, sécurisée par CPS, offre au médecin un service inégal (des difficultés d’accès sont signalées) dont l’ergonomie est en progrès malgré un manque de réactivité à l’évolution des standards du marché. Au 19 septembre, Espace Pro était compatible avec les navigateurs Internet Explorer version 6 à 8 et Firefox 3.5 à 3.6. Alors qu’I.E. en est à sa version 9 et que Firefox vient de sortir sa version 6 ! Quant à Google Chrome, la CNAM connaît pas. Certains logiciels disposent d’un bouton téléservices intégré. Mais l’environnement Mac souffre de problèmes de compatibilité. 95 000 médecins libéraux étaient inscrits sur l’espace Pro en juillet 2011. Il n’est pas sûr que les conseillers informatiques et les délégués en poste dans les caisses primaires suffisent à fournir la demande, si les médecins se ruent en masse.

Volet annuel de synthèse par le médecin traitant du dossier médical = 150 points (1 050 euros)

Ce volet est déjà proposé par plusieurs logiciels métiers.

CLM en avait développé un pour l’expérimentation DMP Pro et l’utilise pour les versions Crossway DMP et MédiClick DMP. Ce volet de synthèse est généré automatiquement et envoyé dans le DMP du patient lors de son ouverture par le médecin traitant. « Notre volet médical est déjà une synthèse avec une fonction d’impression du volet médical et des consultations de l’année mais on peut encore l’améliorer », indique Nicolas Calloix (Axilog). Hellodoc va également travailler à améliorer ce volet de synthèse.

Le document de synthèse est prévu dans Shaman, tous les outils sont là.

Affichage dans le cabinet et sur ameli.fr des horaires et modalités d’accès = 50 points (350 euros)

C’est un indicateur annexe de l’informatisation…Puisqu’il faut bien un ordinateur pour entrer sur ameli.fr.

Un tableau de bord pour les 24 indicateurs

La tenue d’un dossier médical informatisé va en outre se révéler indispensable pour « sortir » les 24 indicateurs de prévention, d’efficience et de suivi des pathologies chroniques. Certains sont déjà accessibles via la recherche multicritères présente dans les logiciels métiers. D’autres n’étaient pas pris en compte. Les logiciels dits structurés utilisant des zones de codage sont déjà prêts à ces évolutions. Les travaux en cours entre les éditeurs, les syndicats et la CNAM vont permettre de passer à la réalisation concrète : il y aura du déclaratif incontrôlable par la CNAM et des critères que la CNAM sait comptabiliser. Faudra-t-il offrir aux médecins des chiffres opposables ? Il y a encore des réponses à trouver avant de se lancer dans les développements, explique-t-on chez CLM où l’idée est de proposer un tableau de bord convention qui soit à la fois un outil d’aide au suivi des indicateurs et une aide à compter les points. Chacun y va de sa solution. Chez Axilog, on est entrain d’étudier des formulaires par pathologie en phase avec son système expert. Pour Hellodoc, « on va travailler pour que la recherche multicritères permette de rassembler tous les indicateurs. » Pour les statistiques et le suivi des indicateurs, tous les logiciels qui avaient pris le chemin des maisons médicales sont déjà sur la bonne voie. Sous réserve d’une refonte du dossier patient.

Prokov Éditions va bien évidemment étudier une mise en évidence des indicateurs de la convention. Et Sephira indique qu’il va « faire évoluer l’outil interne de statistiques de Medicawin afin de synthétiser les retours et en améliorer la lisibilité sur les indicateurs demandés. »

400 points avec un cabinet informatisé

Ce volet organisation, à l’exception du volet annuel de synthèse réservé au médecin traitant, s’adresse à tous les médecins, généralistes comme spécialistes. Le dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2012 pour un premier versement en mars 2013. C’est une nouvelle méthode de travail qui s’annonce, un bouleversement dans l’utilisation des logiciels.

Les éditeurs de logiciels sont prêts à cette évolution. La totalité des médecins peut-être pas. Mais le « jackpot du P4P » introduit une nouvelle donne, inconnue jusqu’ici.

Retrouvez tous les articles du magazine « Informatique et Web » n° 99 spécial nouvelle convention.

Marie-Françoise de Pange

Source : Informatique et Web