Combien de personnes sont concernés par le deuil périnatal ? Une femme sur quatre vit une fausse couche. C’est-à-dire un couple sur quatre, une famille sur quatre… Sur 1000 grossesses plus de 10 se termineront par un deuil périnatal. Sur 1000 enfants nés vivants, près de 2 mourront quelques jours après l’accouchement. Alors oui, le deuil périnatal concerne tout le monde.
Le deuil périnatal c’est le fait de vivre une perte de grossesse, peu importe son stade et que cela soit ou non volontaire, ou la perte de son bébé quelques jours après l’accouchement. C’est le fait de vivre l’inacceptable et d’en souffrir au plus profond de sa chair sans savoir si on pourra se relever un jour, sans savoir si même on en a envie. C’est le fait de se retrouver isolé avec sa douleur et sa détresse parce que la société nous impose le silence. Or le poids du silence empêche la reconstruction.
Après la perte de son bébé pouvoir exprimer sa souffrance est essentiel. Cela permet une reconstruction plus facile et plus rapide du parent endeuillé. Pourtant, la parole du parent endeuillé dérange, y compris dans les cercles familiaux et amicaux où on attend d’eux qu’ils « passent à autre chose » et ne « ressassent pas le drame ». Mais comment avancer et faire son deuil quand on nous refuse le seul vrai soutien dont on a besoin ?
Des mots blessants
De trop nombreux témoignages suggèrent que le milieu médical n’est pas suffisamment outillé pour prendre en charge la dimension émotionnelle de la perte d’un bébé, en particulier pour les pertes de grossesse de moins de 22 semaines d’aménorrhées. En effet, actuellement les médecins et les psychologues ne sont pas formés à la gestion du deuil périnatal. Cela ne fait pas partie de leur cursus. Et peu font la démarche de se former par eux mêmes sur le sujet. De ce fait, beaucoup ajoutent de la douleur à la douleur sans le vouloir, que ce soit en ne s’intéressant pas suffisamment à l’état émotionnel, psychologique ou physique de leur patient, ou en ayant un discours ou des mots ressentis comme extrêmement violents pour le parent endeuillé : « Ce n’est pas une vraie fausse couche, c’est juste une grossesse biochimique ». « C’est juste une fausse couche, ça ne compte pas. » « On va vous retirer le matériel ou le déchet» (en parlant de l’embryon ou du fœtus). « On va mettre votre bébé dans le frigo.» « La nature est bien faite, c’est mieux ainsi »...
Aujourd’hui, des études démontrent que perdre son enfant, même en cas de fausse couche ou d’IVG, ce n’est pas un non-évènement. Et que museler les parents endeuillés, les pousser à aller de l’avant alors qu’ils n’ont pas pu faire un travail de deuil, est le meilleur terreau à l’émergence d’une dépression dans les deux ans qui suivent. Dépression qui est souvent confondue avec un burn-out, en particulier chez les hommes qui ont davantage de propension à se réfugier dans le travail pour mieux fuir la réalité.
Le poids des mots est important en deuil périnatal qu’ils soient prononcés ou tus. Plus la douleur est grande et plus il est important que celles et ceux qui la vivent puissent l’exprimer, car ce qui ne se dit pas s’imprime très durablement. Il est important que celles et ceux qui désirent réconforter privilégient l’écoute et la présence réconfortante aux mots qui créent d’autres maux.
Le Congrès International du Deuil Périnatal et de la Fertilité que j'ai organisé début octobre a eu l’ambition de mettre en avant les attentes et spécificités de ce thème, en réunissant parents endeuillés, médecins, psychologues et praticiens du bien-être autour d’une même volonté : informer, sensibiliser, aider et réunir en remettant la vie, l’amour et l’humain au cœur des problématiques du deuil périnatal.
Rediffusion du congrès sur www.deuilperinatal.com
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