La visibilisation des questions de genre et des diversités des vécus de genre est une aide des plus précieuses pour les personnes trans, se ressentant d’un genre différent de leur genre d’assignation à la naissance, et ce, que le ressenti soit binaire et s’organisant dans une polarité femme versus homme ou non binaire, c’est-à-dire transcendant les stéréotypes de genre (agenre, ni homme ni femme / bigenre, homme et femme / gender fluid, alternativement femme ou homme).
Si la culture adolescente contemporaine promeut la possibilité de pouvoir exprimer son genre en dehors des stéréotypes socio-culturellement situés, cette ouverture des possibilités de se réaliser soi-même dans l’espace social est une opportunité sans précédent. Les adolescent.e.s vivant une incongruence entre leur genre ressenti et celui assigné à la naissance peuvent aujourd’hui témoigner de leurs vécus intimes plus précocement et, le cas échéant, s’engager plus librement dans une trajectoire de transition.
Le consensus scientifique et médical porté par la WPATH (Consortium international de Professionnels de santé intégrant les personnes concernées au sujet de la santé trans) (1) soutient le fait transidentitaire comme « une question de variation et non de pathologie ». Les avancées nosographiques portées par l’OMS dans le cadre de la classification internationale des maladies dans sa 11e version témoignent de la même évolution (2). Elles considèrent les variations de genre comme un état non pathologique. Cela n’empêche pas l’accessibilité aux techniques médicales dans le cadre d’une auto-détermination de la personne et selon la trajectoire qu’elle souhaite réaliser. Cette affirmation de soi peut comprendre tout ou partie des possibilités hormonologiques, chirurgicales et de soutien transaffirmatif (psychothérapie et pair-aidance) en intégrant les aspects de préservation de fertilité et d’accompagnement à la parentalité.
Si les prises en charge et l'accompagnement tendent, sur le plan national et international, à intégrer ces nouvelles modalités, les questions apparaissent nombreuses concernant les enfants prépubères témoignant d’un vécu transidentitaire binaire ou non-binaire.
La publication récente des standards de soins dans leur 8e version de la WPATH propose la prise en compte du vécu transidentitaire de manière homogène selon les âges, que l’on soit adulte, adolescent et enfant.
Risque de souffrance psychique
Si témoigner d’un vécu transidentitaire pour un enfant ne relève pas d’une dimension pathologique mais représente une possibilité développementale parmi d’autres, la stigmatisation en lien avec une expression trans est toujours aujourd’hui une condition à risque de souffrance psychique. Il est aujourd’hui consensuellement admis que cette stigmatisation est le facteur de risque principal de développer un trouble pédopsychiatrique, particulièrement dans le registre de symptômes anxieux et dépressifs.
Il est aujourd’hui prouvé qu’un accompagnement de l’enfant dans une expression de genre plus congruente avec son ressenti intime est un facteur de bien-être et d’épanouissement, tant dans son actualité que dans son devenir. Toutes les procédures qui visent à une modification de l’identité de genre ressentie sont reconnues aujourd’hui comme inefficaces et délétères et les thérapies de conversion (de l’identité de genre comme de l’orientation sexuelle) sont aujourd’hui juridiquement interdites sur le territoire français. Le positionnement soignant et médical se situe alors, non pas tant dans la légitimation du vécu des enfants que dans la garantie d’un environnement le plus adéquat possible pour s’exprimer et se réaliser.
L’expression d’un vécu transidentitaire pour les enfants d’âge pré-scolaire apparaît bien souvent concomitante de la réalisation d’une trajectoire de transition sociale spontanée. Le cas échéant, les professionnels de santé de premiers recours, questionnés ou interpellés par les familles, ont les fonctions d’accueillir l’enfant et ses parents, de les informer des différents points de consensus actuels portés par les travaux scientifiques et éthiques internationaux. Le cas échéant, une intervention vers l’environnement de l’enfant qu’il soit familial, scolaire ou social est nécessaire pour s’assurer de la possibilité pour l’enfant de s’exprimer en appui de son vécu intime.
Comme le proposent les standards de soins dans leur 8e version de la WPATH, une intervention spécialisée peut être proposée selon que l’enfant témoigne d’un questionnement ou d’un conflit identitaire, que ce soit vis-à-vis de lui-même ou de ses proches, qu’il présente un trouble pédopsychiatrique entendu comme un retentissement ou comme une co-occurrence ou que l’enfant et ses parents en fassent la demande.
S’il n’y a aucune indication de support hormonologique ou chirurgical pour les enfants prépubères, les interventions spécialisées peuvent porter tant sur une évaluation globale et compréhensive de l’enfant et de son environnement familial, scolaire et social que sur la mise en place d’une psychothérapie transaffirmative.
À partir d’une évaluation globale psychopathologique et/ou pédopsychiatrique intégrée dans une lecture développementale de l’enfant associée à une évaluation familiale des ressources et/ou obstacles identifiés, les modalités de prise en charge spécialisées sont aujourd’hui référencées sous le terme de « psychothérapie trans-affirmative ».
Une prise en charge globale et coordonnée
Ainsi, dans ce cadre, les deux versants d’intervention portent d’une part sur la compréhension de son vécu de genre intime partagé avec ses proches et d’autre part sur des cibles d’interventions environnementales. En appui des facteurs de stress et de résilience décrit dans le modèle de stress des minorités de Meyer en 2003 et réactualisé par Testa en 2015 (3), les cibles d’intervention environnementales visent à diminuer les facteurs de stress éventuels tels que le vécu de discrimination, de rejet, de victimisation liée au genre ou de non-respect de genre. Par ailleurs, ces facteurs peuvent aussi être internalisés par l’enfant et/ou son environnement familial nucléaire sous la forme de transphobie, d’anticipation négative à l’expression de soi ou de comportements de dissimulation de son vécu de genre. En dévers des facteurs de stress, il est recommandé de pouvoir intervenir au renforcement des facteurs de résilience identifiés comme la fierté identitaire et le sentiment d’appartenance à une communauté. Ces facteurs ici décrits soulignent toute l’importance, dans le cadre d’une prise en charge globale et coordonnée, de pouvoir s’appuyer sur les dispositifs de pair-aidance portés par le champ et les acteurs associatifs.
Un enjeu de promotion de la santé
Il est donc question pour l’enfant trans de pouvoir lui garantir le meilleur environnement pour pouvoir se réaliser. Selon les situations et les besoins, la trajectoire de transition sociale réalisée par l’enfant peut être accompagnée par des professionnels de santé tant de premier recours qu’au travers d’interventions spécialisées qui auront pour objectifs et pour fonction de permettre à l’enfant de se réaliser au plus près et en fonction de son vécu intime. En dehors des soins spécifiques d’accompagnement à la transition, le recours aux dispositifs de soins usuels en pédopsychiatrie et en psychologie clinique se fonde, comme pour chaque enfant, sur le repérage de symptômes pédopsychiatriques ou développementaux.
Au-delà des soins et des accompagnements spécifiques proposés aujourd’hui aux enfants trans sur des bases scientifiques, médicales, éthiques et déontologiques, la santé trans est un des champs expérientiels de nos pratiques médicales de ne plus seulement se situer du côté de la réduction de la souffrance mais aussi du côté de la promotion de la santé. De manière corollaire, les modalités de la relation médecin-malade apparaissent aussi réactualisées dans une plus grande horizontalité, signe des changements de nos référentiels contemporains.
(1) E. Coleman et coll.,(2022) Standards of Care for the Health of Transgender and Gender Diverse People, Version 8, International Journal of Transgender Health, 23:sup1, S1-S259.
(2) https://icd.who.int/icd10updateplatform/PropD.aspx?prop=2272
(3) Testa RJ, Habarth J, Peta J, Balsam K, Bockting W. Development of the Gender Minority Stress and Resilience Measure. Psychology of Sexual Orientation and Gender Diversity. 2015;2(1):65‑77.
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