Depuis juillet 2011, les 37 centres spécialisés de l'obésité (CSO) ont pour mission d'organiser et de structurer le parcours de soins des patients obèses. Alors que la remise à plat de leur cahier des charges et de leurs moyens figure dans la nouvelle feuille de route obésité, le Pr Olivier Ziegler (CHU de Nancy), président du groupe de coordination et de concertation des centres spécialisés de l’obésité dresse un premier bilan de ces structures.
LE QUOTIDIEN : Globalement, quel bilan tirer des huit premières années de fonctionnement des CSO ?
PR OLIVIER ZIEGLER : Le bilan est satisfaisant. Les CSO ont survécu alors que leur place et leur rôle entre l’ARS et l’établissement hospitalier porteur (le plus souvent un CHU) n’avaient pas été clairement définis. La qualité des soins dans les CSO a été reconnue par l’IGAS. La plupart de CSO entretiennent de bonnes relations avec leur ARS, et ont pu monter des projets, malgré le manque de moyens et le flou entourant leur mission concernant la filière de soins. Celle-ci contenue dans la directive de 2010 était ambitieuse et les centres ont connu des difficultés de fonctionnement. Malgré tout, les CSO ont fait le bilan des acteurs disponibles sur leur territoire (annuaires des ressources), monté des formations pour les professionnels de santé et créé des RCP de recours à la chirurgie bariatrique. Les CSO constituent un dispositif innovant qui va permettre de créer quelque chose qui n'existait pas vraiment : la médecine de l'obésité dans chaque territoire.
Selon l'IGAS, l'organisation territoriale des soins est assurée par les CSO de façon très hétérogène. Comment y remédier ?
Notre mission de coordination n'a jamais été bien définie ni financée, et repose principalement sur les bonnes volontés des uns et des autres. « Ma Santé 2022 » propose un nouveau cadre organisationnel. Les CSO ont été des pionniers car ils jouent déjà le rôle d’établissements de référence ultra-spécialisés. Ils trouveront naturellement leur place comme partenaires des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour mettre en place des parcours de soins gradués et coordonnés. L'idée est de proposer des parcours adaptés en fonction de différentes typologies de situation. Le point clef c’est la coordination des acteurs des 3 niveaux de soins. Le niveau 1 représente les soins de proximité, la médecine de ville, le niveau 2 la médecine de spécialité, et le niveau 3 est celui de recours incarné par les CSO. L'idée n'est pas que les centres spécialisés prennent en charge l'intégralité des 500 000 personnes obèses de classe 2 que compte la France, mais qu'ils interviennent en soutien des 2 autres niveaux.
Pour l'instant, les cas complexes sont-ils tous pris en charge avec le soutien des CSO ?
La réponse est non ! Il y a un problème non seulement de communication entre professionnels de santé mais aussi de lisibilité pour les patients. La chaîne de soin n'a jamais été clairement définie. C'est une question à aborder par bassin de population : chaque CSO doit faire une cartographie de l'offre de soins disponible. Il est nécessaire de mieux définir les bonnes pratiques dans les situations complexes. Par exemple, quels spécialistes de la santé mentale mobiliser quand il y a des comorbidités psychiatriques ? Où proposer des soins de réadaptation à un patient avec un IMC de 50 kg/m2 qui ne peut plus se déplacer et qui peut évoluer vers la grabatisation ?
Dans sa feuille de route obésité, le ministère entend remettre à plat les missions et le financement des CSO. Quelles sont vos attentes ?
J'attends du nouveau cahier des charges qu'il fixe les objectifs et les moyens financiers de nos centres. La feuille de route obésité diffusée par le ministère est à ce titre très positive, puisqu'elle évoque tout ce qu'il faut pour améliorer la prise en charge de l’obésité : parcours gradué, coordination des acteurs, formation et information, rôle des associations de patients, nécessité de la recherche clinique… Dans son discours la ministre a parlé de priorité nationale, et ce n'est pas une surprise car en s'intéressant à la médecine de l'obésité on se doit d’intervenir durablement sur les modes de vie et les comportements. L’obésité est un bon modèle de réflexion et d’action pour la mise en place de nouvelles organisations des soins et de promotion de la santé.
Il est aussi important que l'on suive les recommandations de l'IGAS (1), en définissant le statut et la gouvernance des CSO ce qui, peut amener à leurs relabélisations sur de nouvelles bases.
Vous évoquez la nécessité de moyens supplémentaires, pouvez vous préciser ce dont les CSO auraient besoin ?
Pour l’animation de la filière de soins, il faut au minimum un coordinateur administratif et un(e) infirmier(e) de coordination dans chaque CSO. Pour le soin, les priorités sont à définir rapidement : personnels de santé, équipements, il est nécessaire que le système de tarification soit à la hauteur, notamment pour les bilans initiaux en hospitalisation de jour, formation d’un nombre suffisant d’internes pour faire face demain aux besoins de la population…
La pluridisciplinarité a un coût, car il faut des compétences dans les 3 dimensions de la prise en charge : l'activité physique, l'alimentation et la dimension psychologique. La filière pédiatrique est actuellement la moins solide, faute de moyens ! La mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), qui sécurisent nos financements et nos missions a été proposée par l’IGAS. C’est une nécessité !
Dr J.Emmanuelli, V.Maymil, P.Naves, « Situation de la chirurgie de l’obésité »
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