Médecin traitant et personne de confiance

Mélange des genres ou logique médicale ?

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Publié le 02/05/2019
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Crédit photo : PHANIE

La personne de confiance est celle qui reçoit les informations et qui témoigne lorsque le patient est dans l'incapacité de le faire. Elle a également une mission d'accompagnement, de soutien et d'aide du patient dans son parcours de soins. La désignation de la personne de confiance se fait par écrit : depuis 2016, elle doit être cosignée par la personne choisie. Selon la loi française, toute personne majeure peut désigner une personne de confiance : celui-ci doit être un parent, un proche ou un médecin traitant. « Mais le Conseil national de l'Ordre des médecins est plutôt défavorable à la désignation du médecin comme personne de confiance », note la Dr Anaïs Obin-Aït Idir, médecin généraliste à Oissel (Seine-Maritime) dans sa thèse intitulée « Peut-on être médecin traitant et personne de confiance d'un patient ? ».

Une connaissance globale hors influences

La Dr Obin-Aït Idir a réalisé une revue de la littérature internationale concernant cette problématique : « ce travail met en lumière le fait que la désignation du médecin traitant comme personne de confiance peut être favorable. Car ce spécialiste a une connaissance globale du patient, fruit d'une relation de longue durée et de contacts répétés, durant lesquels la confiance peut s'installer. Le choix du médecin traitant comme personne de confiance peut aussi être lié à la volonté de se protéger de potentiels conflits familiaux (ou de ne pas en créer) », résume-t-elle.

D'autres arguments — tels que le respect de l'autonomie du patient ou le devoir éthique de poursuivre ses intérêts supérieurs — font du médecin traitant une personne de confiance légitime. « Le cas du patient hospitalisé fait très peu débat, y compris au sein du Conseil national de l'Ordre des médecins. Dans ce cadre, le médecin traitant qui est personne de confiance du patient peut apporter à ses confrères hospitaliers une vision du patient dans son environnement de vie habituel, là où les médecins hospitaliers n'ont pas accès », rappelle le Dr Obin-Aït Idir. Dans ses prises de décisions, le médecin traitant personne de confiance du patient se laisse également moins influencer par son affect que la famille.

Conflit d'intérêts, valeurs, paternalisme…

D'autres critères sont défavorables à la désignation du médecin traitant comme personne de confiance. « Dans ces conditions, le médecin est à la fois juge et partie. Des conflits d'intérêts et de valeurs peuvent survenir. S'il n'a pas les mêmes systèmes de valeurs religieuses, spirituelles et sociales que son patient, il sera difficile pour le médecin de partager avec lui des réflexions sur le sens de la vie et de la mort. Or ce sont elles qui amènent le patient à accepter ou refuser des soins et à donner des directives anticipées », indique la Dr Obin-Aït Idir. D'autres risques sont à craindre tels que la recherche d'un intérêt financier du médecin ou le paternalisme médical. Sans oublier un éventuel burn-out du médecin, trop impliqué d'un point de vue émotionnel auprès de ses patients.

Face à ces limitations, des réponses existent. « Dans le monde occidental, le paternalisme médical est de plus en plus rare. Face à une demande d'être personne de confiance, le médecin doit s'attacher à la recherche de conflits d'intérêts et les exposer au patient pour garantir un choix autonome et éclairé. Nous devrions nous interroger sur le potentiel impact de cette décision pour nous-mêmes, observer un délai de réflexion avant de consentir », propose la Dr Obin-Aït Idir.

Une autre piste est de faire acter l'incapacité du patient, si nécessaire, par un autre confrère. « Certaines décisions de soins devraient être soumises au contrôle d'une tierce personne physique ou morale », note-t-elle. Une réponse serait la conciliation. « La loi nécessite parfois des adaptations. L'une d'entre elles pourrait être de faire du médecin traitant un acteur de proximité accompagnant la personne de confiance désignée parmi les proches du patient. Cette solution de compagnonnage de la personne de confiance par le médecin traitant me paraît être une solution équitable et juste », conclut la Dr Obin-Aït Idir.

Session Éthique et conscience professionnelle

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9746