Après les représentants syndicaux de médecins libéraux la semaine passée, c'était au tour du président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), le Dr Patrick Bouet, d'être auditionné ce jeudi par la commission d'enquête sur la gestion du Covid-19 à l'Assemblée nationale.
Devant les députés, le généraliste de Seine-Saint-Denis a fait part de ses doutes quant à la capacité de l'État à se préparer à une deuxième phase épidémique, notamment en termes d'équipements de protection. Estimant que les professionnels de terrain n'ont pas été assez sollicités par le gouvernement pour gérer la première phase de la crise du Covid, le Dr Bouet craint que l'histoire ne se répète en cas de reprise d'ici à la fin de l'été. « Nous n’avons eu aucune discussion, aucun travail préparatoire pour la conjonction des deux épidémies. Les professionnels ne sont pas dans cette préparation alors même que ce sont eux qui seront les acteurs des prises en charge », a-t-il regretté devant les parlementaires.
Pas d'acteurs de terrain dans le Conseil scientifique
Déplorant notamment qu'aucun acteur « candide » n'ait été intégré dans le Conseil scientifique mis en place par Emmanuel Macron au début de l'épidémie, notamment « les représentants des usagers ou de professionnels » , le Dr Bouet appelle le gouvernement à ne pas reproduire cette erreur. « Dès la création du conseil, je l'ai demandé au ministre de la Santé en disant : attention, ce qui va se passer va aller au-delà du scientifique, mais on m'a répondu qu'il n'y avait pas de place », rembobine le président de l'Ordre. Le Dr Bouet s'inquiète en particulier de la gestion actuelle des stocks d'équipements de protections avec en ligne de mire une éventuelle deuxième vague, donc le spectre semble se rapprocher si l'on en croit les récents indicateurs.
« Aujourd’hui nous continuons de recevoir des messages de DGS urgent nous disant que nous allons recevoir 18 masques chirurgicaux et 6 FFP2 par semaine, que va-t-il en être en septembre, ou même en août comme le prédisent certains, lorsque l’épidémie va reprendre ? », s'interroge le généraliste. Et le Dr Bouet d'ajouter devant les députés : « Nous ne savons pas aujourd’hui comment va être gérée la politique de protection en cas de reprise de l’épidémie ou de concordance d’épidémies complémentaires. Il y a des conseils de défense, des logistiques qui s'opèrent en région, mais nous n'avons toujours pas été associés au niveau national sur l’approvisionnement et la logistique de protections pour les soignants et leurs patients », poursuit-il. Prenant en exemple la distribution de comprimés d'iodes en préventif aux populations vivant dans les zones nucléaires, à laquelle l'Ordre est associé aux réflexions, le Dr Bouet avoue « ne pas comprendre », que la même logique de concertation ne soit pas appliquée pour la gestion prévisionnelle du Covid-19.
« Opacité du mécanisme » prévisionnel
Face à la commission d'enquête, le président de l'Ordre a ainsi dénoncé « l'opacité du mécanisme » de gestion des stocks de protection, et ce bien avant le début de la crise du Covid. « Lorsque H1N1 s’est terminé, nous n’avons plus été informés de la façon dont ces stocks étaient logistiquement organisés autant sur les péremptions que les distributions. Nous avons tenté d’interpeller les ministres qui se sont succédé. Le DGS de l'époque Benoît Vallet avait prévu d’organiser des réunions avec les acteurs pour revisiter la stratégie en matière de stocks. Les circonstances politiques ont fait que cette prévision n’a pas pu se mettre en œuvre », a rappelé le Dr Patrick Bouet. Le conseil de l'Ordre demande donc à l'État « de revenir vers les acteurs professionnels dans les semaines à venir » pour « reprendre un travail de fond ».
Les auditions se poursuivent en commission d'enquête la semaine prochaine. Mardi, les députés auditionneront les représentants des sapeurs-pompiers le matin et les fédérations de coordonnateurs d'Ehpad l'après-midi. Mercredi matin, ce sera au tour de l'ancien directeur de l'ARS Grand Est Christophe Lannelongue, avant une table ronde réunissant les représentants des biologistes médicaux. Enfin, jeudi, le directeur général de l'ARS Ile-de-France Aurélien Rousseau, de l'ARS Grand Est Marie-Ange Desailly-Chanson et la déléguée territoriale de Moselle Lamia Himer, seront interrogés par les députés.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes