Internet et, plus particulièrement, les réseaux sociaux sont-ils responsables de certains débordements contre les politiques ?
Antoine Dubuquoy : Je ne crois pas qu’Internet soit la cause. C’est simplement un média et un amplificateur d’informations qui circulaient différemment auparavant. Internet apporte l’instantanéité et la rapidité. Il n’y a pas eu besoin des réseaux sociaux pour que s’exprime le machisme de base, que ce soit avec des épisodes comme la robe de Cécile Duflot ou autres. Toutefois les réseaux sociaux ont changé la relation que les politiques ont avec leur public. On était sur un modèle de communication descendante ou c’est le politique qui a l’autorité. La nouveauté induite par Twitter, est que, d’une certaine façon, en désintermédiant, ils se mettent au même niveau que leurs interlocuteurs. À partir de là, ils s’exposent. De fait, ils rentrent dans une logique de conversation, une conversation avec aussi bien des gens qui les soutiennent que des détracteurs. C’est une logique beaucoup plus conversationnelle. Ils étaient beaucoup plus protégés dans l’enceinte de l’Hémicycle. Il y a une sorte de distanciation et Twitter réduit cette distance pour le meilleur et pour le pire. Ils vont se retrouver en frontal, soit avec d’autres politiques, soit avec des militants et c’est vrai que, par moments, ce n’est pas toujours un espace de débat extrêmement constructif.
Les réseaux sociaux ne contribuent-ils pas à personnifier encore plus le débat politique ?
A.D. Les projets de loi sont portés par une personne. Quand ils expriment leur point de vue sur un réseau social, cela agit comme une caisse de résonance. Ils deviennent eux-mêmes un média. Trop souvent les politiques l’oublient, mais à partir du moment où vous avez émis un message sur un réseau social, vous avez incarné cette parole. Et après, ils doivent en assumer les conséquences. C’est un média d’expression personnelle mais vous n’avez pas la maîtrise des retours que ça va générer. C’est vrai qu’il y a une personnalisation mais qui est aussi peut être liée à la professionnalisation de la vie politique. Twitter est un outil très personnel où ils sont en prise directe de façon très désintermédiée avec toutes sortes de publics et toujours avec des risques de dérapages.
Pendant les débats sur la loi de Santé, le tweet d’Arnaud Robinet a pu être considéré comme un dérapage. Est-ce que Twitter peut aussi être un piège pour les politiques ?
A.D. Les politiques ont trouvé avec Twitter un outil d’exposition. Un politique, ce dont il a besoin aujourd’hui pour exister, au-delà de ces mandats, c’est aussi d’exposition médiatique. Les réseaux sociaux leur permettent d’accéder à une visibilité, et, pour certains élus locaux de province notamment, d’accéder beaucoup plus rapidement à certains médias. Ils ont trouvé un moyen rapide de toucher directement différentes sphères, aussi bien le grand public de façon désintermédié que les médias. Les élus politiques ont
toujours recherché à faire passer les petites phrases, qu’on retrouvait dans le Canard Enchaîné, en off, relayées ensuite par les médias actualitiques. La nouveauté, avec Twitter, c’est d’avoir fait exploser complètement cette notion de off. Cela n’existe plus, une information va être diffusée extrêmement vite.
Parfois, ils oublient qu’ils ne sont plus dans l’Hémicycle mais quasiment dans l’agora, sur une place publique.
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