« Je ne vais pas tenir un discours triomphaliste, mais de vérité », a déclaré ce 24 octobre la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, devant les sénateurs de la commission des Affaires sociales qui l’auditionnaient dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025). Geneviève Darrieussecq a dans un premier temps souligné le contexte économique étriqué (18 milliards d’euros de déficit du régime général pour 2024, 16 milliards d’euros programmés pour l’an prochain avec les mesures correctrices).
La hausse de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance-maladie) a été limitée à 2,8 %, les soins de ville héritant d’une enveloppe en hausse de 2 %, l’hôpital de 3,1 %. Mais pour l’allergologue de formation, il n’est pas question de la jouer misérabiliste. « Je suis désolée, je ne peux pas entendre qu’une augmentation de l’Ondam de 9 milliards d’euros n’est rien ! », a-t-elle réagi à une question de la sénatrice communiste Céline Brulin, soulignant qu’il « y a des moyens ! » accordés au système de santé, notamment en termes de revalorisations des soignants.
Rétropédalage sur la hausse du ticket modérateur ?
Alertée par plusieurs sénateurs sur la hausse du ticket modérateur envisagée par le gouvernement (par un transfert des remboursements aux complémentaires santé à hauteur de 1,1 milliard d’euros), Geneviève Darrieussecq s’est quelque peu ravisée. « Aujourd’hui, la décision n’est pas prise », a-t-elle déclaré, précisant qu’il s’agit d’une mesure réglementaire qui ne relève pas du PLFSS.
La ministre a par ailleurs répété que les personnes en ALD ne seraient pas concernées. 96 % des Français sont couverts par une mutuelle et les plus fragiles ont accès à la C2S, a-t-elle insisté. « Mon inquiétude concerne les petites retraites, juste au-dessus des seuils d’accès à la C2S », a-t-elle précisé, évoquant un travail à venir sur ce sujet.
Désir d’une grande loi santé
La ministre a également continué à défendre « un grand travail autour de la restructuration de notre système de santé et son financement », à moyen et long terme. Lequel pourrait prendre la forme d’une loi d’orientation financière, adossée à une évaluation des besoins ; soit une « restructuration » ou une « grosse réforme », à « décliner sur plusieurs années ».
Le problème principal étant – puisque les sénateurs ont acquiescé et portent cette idée aussi – la temporalité de sa présence à Ségur. « Je ne sais pas combien de temps j’ai », a-t-elle soufflé, ajoutant que là est son « ambition » : lancer les travaux de refonte du système, à l’instar de mesures sur la santé mentale et la santé des femmes.
La prévention pointée du doigt
Quid de la prévention ? Comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale, plusieurs sénateurs l’ont interpellée sur le manque de mesures dans le PLFSS pour 2025. « Bien sûr que la prévention doit être un axe majeur de développement en santé… mais bien identifié, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui », a-t-elle fait remarquer à l’assistance. La ministre de la Santé a rappelé qu’au total, les mesures de prévention comptent pour 2,5 milliards d’euros dans le budget : « Ce n’est pas neutre », a-t-elle commenté.
Avant d’appeler à une « vraie politique interministérielle, charpentée, structurée », avec l’Éducation nationale, le Sport, le Travail… Et de souligner que la généralisation de « Mon bilan prévention », pour 21 millions de personnes et des consultations médicales gratuites aux âges clefs de la vie sont « un très bon moyen de faire rentrer les gens dans le système de santé ».
La financiarisation du secteur inquiète
Geneviève Darrieussecq s’est déclarée favorable à des taxes comportementales, notamment sur le sucre, qui « nous empoisonne » et qui est présent « dans tout, même ce qui ne nous paraît pas sucré ! », a-t-elle noté. Mais selon elle, un équilibre est à trouver entre la prévention auprès de la population et la taxation pour faire évoluer les pratiques des industriels, qui, a-t-elle dit, « peuvent évoluer ».
Interrogée sur l’opportunité de conditionner la rémunération des soignants en fonction des zones géographiques et de leur densité médicale, Geneviève Darrieussecq a précisé que c’était déjà un peu le cas avec les exonérations fiscales dans les zones de revitalisations rurales (ZRR) et les aides à l’installation. Mais, a-t-elle aussi déclaré, « il ne faut pas qu’il y ait des effets d’aubaine et des abus comme on a pu me le signaler ou que j’ai pu le constater moi-même ». Des améliorations sont donc à apporter dans ce domaine selon elle.
Enfin, sur la financiarisation de certains secteurs de la santé, pointée par un rapport sénatorial, la ministre s’est dite « inquiète », car cela « ne va pas dans le bon sens ». Et, a-t-elle enjoint, « il faut qu’on agisse : ce sera législatif et pas que réglementaire ».
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