S'il ne fallait retenir qu’un seul sujet santé pour cette présidentielle 2022, ce serait celui de l’accès aux soins. Priorité pour les Français derrière le pouvoir d’achat, les candidats l’ont bien compris. Car même si la santé n’occupe pas les avant-postes dans la plupart des programmes, quand il en est question c’est le plus souvent sur le thème de l’accès aux soins et en particulier celui des déserts médicaux.
Former plus de médecins
Et une proposition qui fait l’unanimité pour la démographie médicale : celle de former plus de médecins. La montée en charge des capacités de formation a été initiée avec la suppression du numerus clausus dans la réforme du premier cycle, mais les différents candidats veulent accélérer encore le mouvement.
Du président sortant à Marine Le Pen en passant par Jean-Luc Mélenchon, tous promettent plus d’étudiants formés, certains mettant des chiffres en face : 12 000 par an pour Fabien Roussel, 15 000 pour Anne Hidalgo, un doublement du numerus clausus pour Éric Zemmour. Valérie Pécresse de son côté annonce 25 000 soignants supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat.
Pour ce faire certains promettent des moyens financiers supplémentaires pour les universités, d’autres comme Éric Zemmour évoque la création d’écoles de médecines privées dans les zones sous-denses qui n’ont pas de pôle hospitalier universitaire.
Coercition ou incitation, plus de lignes politiques
S’il fallait mesurer l’urgence de la situation concernant l’accès aux soins, le fait que les lignes politiques éclatent serait sans doute un bon indicateur. Pendant longtemps certaines propositions étaient marquées politiquement, aujourd’hui les solutions sont partagées de l’extrême droite à l’extrême gauche. À l’image de la liberté d’installation. Parmi les douze candidats, une écrasante majorité appelle à une forme de régulation pour que les médecins aillent dans les zones sous-denses. Elle est plus ou moins coercitive ou incitative.
Coercition pour Nathalie Arthaud ou conventionnement sélectif pour Fabien Roussel, Yannick Jadot et Emmanuel Macron, plusieurs candidats veulent aussi agir dès les études des généralistes.
Le candidat d’Europe Écologie-Les Verts parle ainsi d’imposer, de manière temporaire, une dernière année d’internat et les deux premières années d’exercice dans les territoires sous-denses. Valérie Pécresse, Anne Hidalgo et le président sortant partagent la même idée : utiliser la « future» quatrième année d’internat de médecine générale pour envoyer les jeunes généralistes dans les déserts. Cette année supplémentaire devra se faire dans une zone sous-dense, sous le statut de « docteur junior » pour la candidate des Républicains, avec un doublement de salaire pour celle du Parti socialiste. Emmanuel Macron laisse planer le doute et évoque de son côté une obligation «pas systématique». Marine Le Pen également souhaite imposer un stage d’internat dans les zones à faible densité médicale.
D’autres candidats espèrent convaincre les futurs médecins par les incitations. Parfois en renforçant les offres déjà existantes : à l’image de Jean-Luc Mélenchon qui vise un objectif de 10 000 contrats d’engagement de service public (CESP) d’ici la fin du quinquennat. Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan mettent sur la table leur propre version du CESP puisqu’ils proposent des bourses en échange d’un engagement de cinq ou six ans d’exercice dans les déserts. Éric Zemmour lui invente le concept du « conventionnement incitatif », c’est-à-dire une convention différente pour les secteurs sous-dotés, avec notamment des subventions, des aides matérielles, etc.
Rapprocher les Français des soins, quel que soit le modèle
Au-delà de la question de l’obligation, pour la médecine de ville, les lignes politiques se sont souvent construites autour des modèles d’exercice défendus. Là encore, face aux problèmes de la démographie médicale les positions sont plus mouvantes. À l’image de celle du candidat d’extrême droite Éric Zemmour, qui souhaite salarier par la puissance publique 1 000 médecins pour les affecter dans les zones sous-denses.
Mais les candidats les plus à gauche sont traditionnellement les plus enclins à porter le modèle du salariat et des centres de santé publics. Cette campagne 2022 ne fait pas exception puisque leur développement est préconisé par Philippe Poutou, Fabien Roussel, Nathalie Arthaud ou Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier voulant engager le recrutement de « médecins publics ». Emmanuel Macron appelle de son côté à développer l’exercice mixte.
Mais sans forcément être aussi catégorique sur le modèle à promouvoir, la plupart des candidats défendent le développement des structures d’exercice coordonnées. Pour tous, l’objectif affiché est de rapprocher tous les Français à 30 minutes d’un service de santé de proximité (ou même 15 minutes pour Yannick Jadot).
Marine Le Pen et Valérie Pécresse, de leurs côtés, prévoient de jouer sur la rémunération pour réguler les installations de médecins. La candidate du Rassemblement national propose ainsi la modulation du tarif des consultations médicales selon le lieu d’installation du professionnel de santé. La présidente d’Île-de-France mettra, elle, en place par région une dotation « lutte contre la désertification sanitaire » pour ajuster la rémunération des professionnels dans les zones en tension. Emmanuel Macron veut, quant à lui, redonner du temps aux médecins avec des assistants médicaux pour tous et un système de pharmacien ou infirmier référent dans certaines zones sous-dotées.
Au-delà de l’implantation géographique, pour assurer la permanence des soins, Éric Zemmour veut rendre à nouveau obligatoire les gardes en ambulatoire. Jean-Luc Mélenchon suggère également un système de rotation, en centres de santé et spécifiquement dans les zones en tensions. Les médecins devront effectuer des vacations dans ces territoires, entre quatre à douze heures mensuelles selon les régions.
L’accès aux soins financier, le grand oublié ?
L’accès aux soins est souvent réduit dans ce débat présidentiel 2022 à l’accès aux soins géographique. Or le pouvoir d’achat est le sujet le plus préoccupant pour les Français et les renoncements aux soins pour raisons financières sont un vrai enjeu de l’accès aux soins. Malgré les discussions sur la Grande Sécu, tous les candidats n’ont pourtant pas de propositions spécifiques sur cet aspect. Parmi les candidats les plus à gauche de l'échiquier, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou se prononcent pour la gratuité des soins, Jean-Luc Mélenchon pour le 100 % santé et Fabien Roussel, pour le retour du tiers payant généralisé. Les candidats d’extrême droite Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Éric Zemmour proposent de restreindre l’accès à l’Aide médicale d’État (AME) pour les deux premiers ou de la supprimer pour le dernier.
Article suivant
Gouvernance et financements, sujets sensibles pour les candidats
L’accès aux soins, sujet santé prioritaire des candidats
Gouvernance et financements, sujets sensibles pour les candidats
La prévention, un sujet fourre-tout pour les candidats
Autonomie : un sujet qui s'impose aux candidats
Face à face Macron/Le Pen : quelles propositions en santé ?
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes