Définie comme une expérience désagréable ayant des composantes sensorielles et émotionnelles, la douleur est associée à une lésion réelle ou potentielle. La sensation désagréable ressentie est, toutefois, subjective, liée aux expériences antérieures douloureuses du sujet. À la différence d’un adulte jeune qui exprime aisément sa douleur, chez la personne âgée, les manifestations de celle-ci ne sont pas évidentes. La souffrance du patient âgé ne doit pas être minimisée pour autant. « Car il n’y a pas de diminution sensorielle ou sensitive de la douleur avec l’âge d’un point de vue neurologique », rappelle, le Dr Yves Passadori. Contrairement aux idées reçues, il n’est pas non plus normal d’avoir mal lorsque l’on est âgé. Même si les situations douloureuses sont plus fréquentes, les pathologies, ostéo-articulaires, notamment, étant plus nombreuses à cet âge. « D’après des études anglo-saxonnes, 47 % des plus de 75 ans vivant à domicile ont des douleurs chroniques contre 73 à 80 % des personnes âgées résidant en institution (hospitalière ou médicosociale) », précise le Dr Passadori.
Par ailleurs, si les signes d’alerte de la douleur sont souvent bien connus et codifiés pour l’adulte jeune, ils sont très différents -et moins bien documentés- pour la personne âgée. Repérer et évaluer la douleur des sujets âgés ayant des troubles de communication est, ainsi, encore plus complexe. « Chez ces patients qui ne peuvent exprimer leur douleur de façon verbale, nous cherchons à déceler les signes comportementaux de leur douleur : pleurs, grimaces, onomatopées, faciès figé, regard vide… », explique le Dr Passadori. Un repérage difficile car ces manifestions comportementales peuvent également être le signe d’autres situations pathologiques telles que la dépression.
La douleur du patient âgé est une urgence
« Pour nous aider à repérer la douleur de nos patients, nous utilisons aussi des outils d’évaluation spécifiques aux personnes âgées. Par exemple, une échelle verbale simple de la douleur en 5 étapes invitant le patient à nous dire si sa douleur est absente, faible, modérée, intense ou très intense. Ou encore, une échelle lui permettant de quantifier l’intensité de sa douleur en chiffre (entre 0 et 10). Ces outils sont efficaces, rapides et peuvent même être utilisés pour les personnes âgées psychiquement dépendantes et démentes », affirme le Dr Passadori.
Afin de sensibiliser les professionnels de santé à la prise en charge de la douleur des seniors, la Société française de gériatrie et gérontologie a créé, en 2006, des kits Mobiqual (mobilisation pour la qualité des soins en EHPAD et à domicile), à la demande du ministère de la Santé. Ces outils de formation pour les auxiliaires de vie et les aidants leur permettent de connaître les signes d’alerte de la douleur de la personne âgée et de savoir l’évaluer. « L’objectif est que ces personnes, proches du patient âgé, puissent rapidement alerter l’infirmière -qui, à son tour, alertera le médecin- en cas de douleurs. Car la douleur du sujet âgé est une urgence : non prise en charge, elle risque d’engendrer une perte d’autonomie rapide », rappelle le Dr Passadori.
En matière de prise en charge thérapeutique, les traitements doivent, d’abord, être administrés à petite dose et continués progressivement. « Concernant le tramadol, par exemple, il vaut mieux utiliser des formes faiblement dosées en association avec le paracétamol. Les formes à libération immédiate ou prolongée fortement dosées peuvent entraîner des troubles tels que la confusion mentale ou la somnolence chez le patient âgé. Les formes associées ou les solutions buvables doivent être privilégiées. Par ailleurs la morphine est souvent soit sous-utilisée, soit, au contraire, utilisée à des doses trop fortes », regrette le Dr Passadori. Mais, le tableau n’est pas tout noir : la prise en charge de la douleur du sujet âgé a beaucoup progressé en 10 ans : les médecins généralistes, par exemple, se forment et s’y intéressent davantage.
D’après un entretien avec le Dr Yves Passadori, centre hospitalier de Mulhouse
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